Résumé
Abordée lors du Sommet humanitaire mondial au mois de mai 2016, la relocalisation de l’aide est un enjeu phare du monde actuel de la solidarité internationale. Cette thématique n’ayant ni de définition ni de délimitations unanimes ou consensuelles au sein de la communauté humanitaire internationale, plusieurs études ont tenté d’apporter des premiers éléments de réflexion, comme c’est le cas ici. Afin d’encadrer l’analyse de ce sujet, le Groupe URD a choisi de comprendre la relocalisation de l’aide comme le « renforcement du rôle des acteurs nationaux dans les réponses humanitaires». Par conséquent, ce sont principalement les acteurs ciblés par ce processus ainsi que les changements nécessaires dans les relations entre acteurs qui ont été étudiés.
Deuxième ville du Liban mais aussi l’une des plus pauvres, Tripoli s’est avérée être un cas d’étude pertinent pour appréhender, discuter et contextualiser la relocalisation de l’aide et ses différents enjeux. En effet, l’histoire de cette ville et de sa région est marquée par de nombreux conflits et, depuis 2012, par une augmentation rapide de la population due à l’arrivée massive de réfugiés syriens. Le rapport suivant synthétise ainsi les analyses du Groupe URD sur la «relocalisation de l’aide humanitaire» dans la réponse à la crise des réfugiés syriens, depuis 2011 dans l’agglomération de Tripoli. Les deux objectifs qui ont guidé cette étude étaient : (i) de favoriser une meilleure compréhension de la situation sur le terrain en apportant un éclairage sur les acteurs de la réponse, leurs relations et les impacts qui en découlent ; et (ii) de contribuer au débat en cours sur la relocalisation de l’aide, ses enjeux et ses risques, dans un contexte donné. Pour ce faire, le Groupe URD a adopté une méthodologie qualitative et inductive.
Les principales conclusions de cette étude concernent les interactions entre la « relocalisation de l’aide », le respect des principes humanitaires, l’accès aux financements « aussi directs que possible », la visibilité des différents acteurs, la mise en place des approches tournées vers les résultats, la préservation, et le renforcement des capacités des acteurs locaux les partenariats et la coordination. Il s’agissait de comprendre pour chacune de ces composantes de l’action humanitaire et enjeux de la relocalisation : les objectifs et les attentes des acteurs, les besoins pour une relocalisation réussie, les opportunités pour la réponse ainsi que les contraintes et les risques liés à la relocalisation. Enfin, cela a permis d’en déduire quelques pistes de travail pour les différents types d’acteurs afin de contribuer à améliorer relocalisation de l’aide.
Cette étude rappelle ainsi que le tournant principal dans l’évolution de la réponse humanitaire s’est opéré entre 2014 et 2015. Si le concept de la « relocalisation de l’aide » semble à présent incontournable dans cette nouvelle conception de la réponse humanitaire, il n’est en réalité que très peu connu des acteurs interrogés. La compréhension de la relocalisation proposée ici s’est construite au cours des échanges et s’appuie donc sur diverses visions spécifiques aux enjeux auxquels sont confrontés les acteurs en question.
Cette étude soulève plusieurs enjeux relatifs à la relocalisation de l’aide. Tout d’abord, il est nécessaire de mieux prendre en compte la notion de partenariat. Celle- cioccupe en effet une place centrale et n’est pas toujours mise en œuvre de manière adéquate et équilibrée. Des efforts sont fournis, mais nombre de ces partenariats s’apparentent encore à des « prestations de service ». Les revendications portées par les ONG locales et nationales témoignent de l’importance d’avoir un réel pouvoir de décision sur les projets, et d’y être impliqué dès leur conception.
Un autre enjeu souligné est celui des compétences notamment techniques acquises par les ONG libanaises au cours des cinq dernières années de crise et du besoin de renforcement des capacités managériales qui restent souvent insuffisantes. Ce renforcement de capacité est voulu comme un accompagnement dans les tâches existantes plutôt que via des formations ad hoc chronophages.
La coordination à l’échelle territoriale est également un enjeu important. Elle suit une logique de déconcentration plus que de décentralisation. Les mécanismes de coordination sont gérés par les agences onusiennes et le gouvernement et se déclinent à l’échelle régionale et non municipale. Les municipalités qui manquent cruellement de capacités apparaissent comme le maillon faible. Elles sont peu prises en comptes par les organisations internationales (ONU et ONGI) et leurs partenaires locaux. A Tripoli, cela influe sur la stratégie de l’action humanitaire, qui ne semble pas avoir de vision territoriale ou urbaine.
Par ailleurs, il est indispensable de prendre en compte le fait que la relocalisation de l’aide est perçue différemment selon les acteurs. En effet, certains la considèrent comme un moyen de s’adapter aux contraintes et aux spécificités du secteur et du contexte, alors que d’autres la conçoivent d’avantage comme une finalité, un objectif à part entière. Ces différentes visions jouent un rôle déterminant dans la compréhension de la relocalisation de l’aide par les acteurs et la mise en œuvre effective de cette dernière.
Enfin ce rapport analyse, aux vues des enjeux de la relocalisation de l’aide, trois approches qui renforcent le lien entre un projet et son territoire: l’approche participative, l’approche intégrée et les centre d’accueil permanents.