L'équipe médicale française a fait un travail exemplaire au centre de soins Johan Pahlawan, à Meulaboh. Pendant trois semaines, deux infirmières et un médecin urgentiste ont transformé les habitudes du personnel soignant.
Formation à l'hygiène
La méthode utilisée a été simple, mais efficace : suivre des aides soignants, travailler avec eux, reprendre les gestes maladroits, corriger les mauvais réflexes, lors d'un pansement, du nettoyage d'une plaie, etc. C'est ce que faisait Myriam Renaud, infirmière, pendant plusieurs jours : « Dans notre jargon, on appelle cela du compagnonnage, explique-t-elle. Nous n'avons tenu qu'une ou deux réunions générales au début. Après, tout s'est fait dans le travail quotidien. »
Les trois femmes ont ainsi réussi à inculquer le nettoyage des tables après chaque examen, à instaurer de la discipline dans la salle de consultation en faisant passer les patients un par un. « Nous avons également montré comment se servir des pinces et à leur faire comprendre qu'ils ne devaient plus laver les ustensiles médicaux aux toilettes, » ajoute Estelle Legeard, médecin urgentiste.
En Indonésie, les WC et le bac à eau pour la toilette se trouvent dans la même pièce ; les infirmières avaient l'habitude de laver leur matériel à coté des goths. Un poupinel, pour la stérilisation à sec, est en commande. Les trois femmes ont également affiché des protocoles d'hygiène dans chaque salle, rappelant les règles à observer. Des consignes élémentaires, mais indispensables.
Ces manques à l'hygiène nuisent gravement à la qualité des soins : « Sur le plan technique, il n'y a bien souvent rien à dire, raconte Marie-Thérèse Bouissou, infirmière clinique, qui a derrière elle 10 ans d'humanitaire. A l'hôpital Cut Nyak Dien, les praticiens ont de très bonnes techniques opératoires. Il y a quelques jours, j'ai assisté à une césarienne. La synchronisation entre le chirurgien et l'anesthésiste était excellente. Mais tout est gâché par l'environnement et le manque de propreté du matériel. C'est vraiment dommage ! » Rien d'étonnant, donc, si la majorité des pathologies observées à Meulaboh est liée à un manque d'hygiène : liaisons cutanées, pustuloses, problèmes digestifs et pulmonaires sont les symptômes récurrents repérés.
Myriam, Estelle et Marie-Thérèse sont sur le départ ; leur séjour de trois semaines à Johan Pahlawan a été une expérience humaine forte. « Les gens sont vraiment attachants », affirme Estelle. Marie-Thérèse qui a une expérience de 10 ans dans l'humanitaire, a été surprise par le volontarisme des Indonésiens : « Ce sont des bosseurs ». L'équipe médicale suivante qui arrivera dans plusieurs jours continuera le programme démarré début mai.
Réhabilitation de l'hôpital Cut Nyak Dien
Un tiers du personnel de Johan Pahlawan est mort pendant le Tsunami. Mais le centre semble aussi actif qu'avant, recevant plus de 80 patients par jour. Il s'agit de la seule structure de santé de cette qualité dans la zone, pouvant faire valoir un niveau d'hygiène et de propreté au-dessus de la moyenne à Aceh. « Les gens viennent de très loin pour s'y faire soigner, » souligne Nicolas Pazery, chef de la mission Croix-Rouge en Indonésie. Nous voudrions reproduire ce genre de programmes dans l'ensemble de la région. Mais nous faisons attention de rester dans notre rôle et de ne pas nous substituer aux autorités dans leur devoir de développement. »
Situé à cinq minutes, l'hôpital Cut Nyak Dien a également été réhabilité par l'équipe de la Croix-Rouge. La CRF a restauré le réseau électrique, mis en place une gestion rationnelle des déchets médicaux et fournit en continu de l'eau potable spécialisée. Elle espère y répéter le succès de la formation hygiène menée à Johan Pahlawan. Elle propose également une collaboration avec l'ONG singapourienne Mercy Relief pour agrandir raisonnablement sa capacité d'accueil de 90 à 130 lits. Ce dernier projet consisterait à récupérer l'école voisine et à l'intégrer à l'hôpital. En attendant de soigner les derniers accords avec le gouvernement du district d'Aceh Barat, Nicolas Pazery exprime sa confiance : « Les autorités apprécient notre travail et approuvent ce dernier projet. »
Gilles Lordet