Dans la commune reculée de Mapou, à 5 heures de route de Jacmel (Sud-est d’Haïti), les cas de lynchages sont fréquents en l’absence de forces policières. Afin de limiter ce phénomène – répandu – de ‘justice populaire’, une campagne de sensibilisation est en cours à Mapou et dans d’autres communes du pays à l’initiative de la MINUSTAH. Regardez ce reportage vidéo :
Souanièce Lafleur, mère de 8 enfants, ne cesse de pleurer son fils Philistin Milfort qui a été lynché en 2010 pour un vol de panneau solaire à Mapou, dans la 7ème section communale de Belle-Anse (Sud-est). «Mon fils a été assassiné en présence de toute la communauté non loin du tribunal de paix, les gens ont choisi de le juger eux-mêmes et l’ont condamné à mort pour un soi-disant vol » soupire t-elle.
Située dans une zone montagneuse et difficile d’accès, Mapou, à 6 heures de route du chef-lieu départemental de Jacmel, est dépouvue de commissariat de police. Selon le secrétaire de l’Assemblé nationale de la section communale (ASEC) de Mapou, ses quelques 12.000 habitants recourent fréquemment au lynchage pour se faire justice. « À la fin de l’année 2011, deux individus ont été pris en flagrant délit de vol de bétail et, malgré les efforts de quelques membres de la communauté, la population est passée à l’acte » raconte Gustave Veste en guise d’exemple.
En l’absence de police, les habitants de Mapou ont mis sur pied des brigades de vigilance qui sillonnent le quartier à la nuit tombée pour dissuader les voleurs éventuels. Quand un individu est pris en flagrant délit, il est arrêté et conduit auprès du juge de paix en exercice. Mais parfois, la population s’en empare et il est lynché sur place. Les rapports du Tribunal de paix de Mapou, allant du mois d’Aout 2011 à Février 2012 font état de 7 cas de viol, 11 cas d’incendies, 16 cambriolages, 7 cas de meurtre et d’assassinat, 27 coups et blessures volontaires et 5 lynchages.
Plutôt que de condamner catégoriquement le lynchage comme une pratique illégale, les habitants de Mapou et leurs responsables locaux voient l’installation d’un sous-commissariat comme un remède à leurs maux actuels. Selon Pierre Bernade, secrétaire ASEC de Pichon, une localité voisine, « les communautés n’ont aucun moyen mis à leur disposition et la population est livrée à elle-même » regrette t-il, pointant du doigt lui aussi l’absence de structures policières.
Le Doyen du Tribunal de Première Instance de Jacmel, qui rentre d’une tournée d’inspection au niveau des Tribunaux de Paix dans l’arrondissement de Belle Anse, reconnait que la justice peine à faire son travail, notamment sans policiers. Me Robert Cadet prévoit d’informer la Ministère de la justice de la situation. Et les membres de la société civile de Mapou et de Pichon se préparent à rédiger une pétition adressée à différents ministères pour la construction sans délai d’un sous-commissariat dans la zone.
Parallèlement, grâce à une campagne organisée depuis fin 2012 par la Section des droits de l’homme de la MINUSTAH dans cette région reculée, les autorités locales se sont engagées à sensibiliser la population avec l’aide des tracts et d’affiches produits par la Mission et à protéger les suspects autant que possible contre la vengeance populaire.
Jeffrey Clark Lochard