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Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (S/2018/241)

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I. Introduction

  1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 2350 (2017) du Conseil de sécurité, par laquelle le Conseil a décidé de procéder à la clôture de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) avant le 15 octobre 2017, de créer la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) pour une période initiale de six mois à compter du 16 octobre 2017, et m’a prié de lui rendre compte de l’exécution du mandat initial de la MINUJUSTH 30 jours avant son expiration, dans un rapport d’évaluation qui prévoie une stratégie de sortie sur deux ans bien établie et assortie d’objectifs clairs afin de permettre à une présence des Nations Unies autre qu’une opération de maintien de la paix de continuer à appuyer les efforts du Gouvernement haïtien en matière de pérennisation et de consolidation de la paix. Il retrace les principaux faits nouveaux intervenus depuis la publication de mon rapport final sur la MINUSTAH (S/2017/840).

II. Principaux faits nouveaux

A. Situation politique et faits nouveaux connexes

  1. Tout au long de sa première année au pouvoir, le Président de la République d’Haïti, Jovenel Moïse a pris des initiatives pour appliquer son programme de réforme en faveur du développement durable. La majorité confortable dont jouissent le parti au pouvoir (le Parti haïtien Tèt Kale) et ses alliés dans les deux chambres du Parlement aurait dû leur permettre d’avancer dans l’adoption de textes de premier plan, mais certains points du programme législatif de 2017 ayant un rapport direct avec le mandat de la MINUJUSTH, dont les projets de code pénal et de code de procédure pénale et le projet de loi sur l’aide juridictionnelle, doivent encore être examinés par les deux chambres.

  2. La désignation des candidats par les trois branches du pouvoir en vue de la mise en place très attendue du Conseil électoral permanent n’a pas eu lieu dans les délais, qui avaient été fixés au 10 novembre 2017. Pendant la période considérée, la commission spéciale de la Chambre des députés chargée de l’amendement de la Constitution a quant à elle poursuivi ses consultations avec un groupe représentatif d’une multitude d’acteurs nationaux, dont la diaspora, et prévoit de terminer la première version de son rapport avant le 29 mars.

  3. Pendant la période considérée, le Gouvernement haïtien a pris de nouvelles mesures en vue de reconstituer les Forces armées d’Haïti. Les 16 et 17 novembre 2017, deux arrêtés présidentiels ont été publiés, par lesquels un commandement intérimaire a été formé et l’ancien colonel des forces armées, Jodel Lesage, a été nommé Commandant en chef. Le 13 mars, le Président Moïse a nommé six anciens officiers de l’armée au commandement intérimaire, qui s’emploieront à renforcer le corps du génie, à mettre sur pied le corps de l’aviation militaire et le corps médical et à les rendre opérationnels. Le fait que le processus intervienne en l’absence de cadre législatif ayant fait l’objet d’un accord a soulevé des inquiétudes, auxquelles le Président Moïse a répondu en annonçant que le projet de loi sur le rétablissement des Forces armées serait ajouté au programme législatif de 2018.

  4. Le 30 novembre, le Gouvernement a annoncé un premier décaissement de 8,78 millions de dollars des États-Unis en application de la loi de 2014 sur la formation, le fonctionnement et le financement des partis politiques. Le 22 janvier, il a effectué les versements à 4 des 58 partis politiques qui y avaient droit. Les partis politiques de l’opposition ont rejeté le financement, y voyant une forme de corruption, compte tenu des arriérés de salaires dus aux fonctionnaires.

  5. Tout au long de la période, le Président Moïse a insisté sur le fait qu’il importait de mieux lutter contre la corruption dans son administration. Dans un contexte marqué par les soupçons de détournement de quelque 320 000 dollars pesant sur le Ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales, une opération de lutte contre la fraude menée le 31 octobre 2017 a donné lieu à l’arrestation de l’administrateur et du chef comptable dudit ministère. Une enquête a été ouverte au sujet d’un contrat portant sur l’électrification d’une commune dans le département du Nord-Est, et des mandats d’arrêt ont été lancés contre deux anciens ministres soupçonnés de mauvaise gestion de fonds publics. Le Ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle et la Police nationale d’Haïti ont recouvré respectivement 1,1 million de dollars et 700 000 dollars environ sur des chèques de paie encaissés de manière frauduleuse. Les organisations de la société civile et l’Église catholique ont organisé des manifestations anticorruption à Port-au-Prince, les 5 et 8 décembre respectivement.

  6. Un projet de rapport sur la gestion du fonds Petrocaribe, établi par la Commission sénatoriale spéciale d’enquête et présenté au Sénat pour adoption le 10 novembre 2017, a été source de tensions entre les parlementaires, le Gouvernement et la société civile. D’après le rapport, entre septembre 2008 et septembre 2016, d’éventuels actes de malversation auraient entaché la gestion d’un montant de 1,57 milliard de dollars du fonds Petrocaribe, qui est alimenté par l’État haïtien dans le cadre d’un programme de vente de pétrole de la République bolivarienne du Venezuela à des conditions préférentielles. Le 29 janvier, un citoyen, qui était représenté par un avocat, a déposé auprès du tribunal de première instance de Portau-Prince la première de huit plaintes concernant la gestion du fonds. Le 1er février, par un vote majoritaire, le Sénat a adopté une résolution demandant que la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif réalise un audit minutieux de la gestion du fonds, transférant ainsi la responsabilité de l’affaire à cet organe de contrôle.

  7. Le 8 janvier, dans son premier discours annuel sur l’état de la nation, prononcé à la première session ordinaire de l’année parlementaire 2018, le Président Moïse a insisté sur le fait que le pays devait parvenir à l’autosuffisance et exposé les priorités suivantes : l’adoption d’un programme législatif commun qui privilégie les textes favorables aux investissements ; le renforcement et la modernisation de l’appareil judiciaire ; l’amélioration des services sociaux ; l’achèvement des travaux prévus dans le programme législatif de 2017 ; la mise en place d’institutions essentielles, en particulier le Conseil électoral permanent et le Conseil constitutionnel ; la promotion d’un dialogue politique avec l’ensemble des principaux acteurs nationaux dans le cadre de l’initiative « États généraux sectoriels », dans le but de négocier et d’arrêter un programme de développement durable pour les 25 prochaines années ; et l’examen du mécanisme de coopération et d’aide au développement existant avec la communauté internationale, l’objectif étant d’amener le pays à se passer de l’assistance extérieure pour se tourner vers les investissements extérieurs.

  8. Le 1er janvier, le Président Moïse a pris la présidence de la Communauté des Caraïbes. Les 26 et 27 février, Haïti a accueilli la vingt-neuvième Réunion intersessions de la Conférence des chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes à Port-au-Prince. Les chefs de gouvernement sont convenus de créer un groupe de travail régional qui étudierait et proposerait des solutions régionales innovantes visant à lutter contre la montée de la criminalité et de la violence dans la région. Le Président Moïse a également annoncé l’organisation d’une conférence internationale sur le renforcement des mécanismes de résilience face aux effets des changements climatiques et la gestion des catastrophes naturelles dans les Caraïbes.