I. Préface de M. Mariano Fernández, Représentant spécial du secrétaire Général en Haïti
Le 14 octobre 2011, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2012 prorogeant d’un an le mandat de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), et autorisant la réduction de ses effectifs militaires et policiers à 10 600 éléments, soit 7 340 militaires et 3 241 policiers, tel que recommandé par le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, dans son rapport du 25 août. « À l’avenir, a souligné le Conseil, tout aménagement de la configuration de la Force devrait reposer sur l’état général de la sécurité sur le terrain, compte tenu du développement continu des capacités des autorités publiques, notamment par le renforcement en cours de la Police Nationale d’Haïti. »
Cette résolution s’inscrit dans le droit fil des décisions antérieures prises par le Conseil relativement à la situation en Haïti. Dès 2008, ses membres avaient souscrit à la recommandation du Secrétaire général de reconfigurer la mission sur une période de trois ans, de revoir la composition de la MINUSTAH et de réaménager ses activités en fonction de l’évolution de la situation et des priorités sur le terrain.
Mais le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a de facto suspendu la mise en œuvre de ce plan de reconfiguration. En adoptant les résolutions 1908, le 19 janvier, et la Résolution 1927, le 4 juin 2010, le Conseil de sécurité a autorisé une augmentation temporaire des effectifs civils, militaires et policiers de la mission et l’adaptation de son mandat pour répondre à la crise qui a suivi le tremblement de terre. Il a aussi ajouté un nouveau pilier d’exécution de ce mandat : l’appui aux efforts humanitaires, au relèvement et à la reconstruction post-séisme.
L’année 2010 a été en grande partie consacrée à ces trois grands volets d’activités. Appelée à jouer un rôle essentiel dans la coordination des secours et des efforts de relèvement, la MINUSTAH a investi tous ses moyens logistiques, civils et militaires pour répondre aux immenses besoins du pays. Installée dans des locaux temporaires préfabriqués suite à la destruction totale de son QG à l’hôtel Christopher, elle s’appuyait pour ce faire sur une charte organisationnelle révisée : ce document était affiché sur un chevalet de fortune, ce qui témoignait tant des difficultés de l’heure que de la célérité avec laquelle les décisions relatives à la planification des opérations avaient été prises et exécutées.
Suite à une révision des priorités de la mission, l’année 2011 devait être placée sous le thème du redressement. Cependant, les résultats du er tour des élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2010 ont donné lieu à de violentes manifestations de rues à Port-au-Prince et dans plusieurs autres villes du pays, en signe de protestation contre un processus électoral qualifié de frauduleux.
Le processus électoral a pu être mené à terme avec, le 14 mai 2011, une passation de pouvoirs pacifique entre l’ancien et le nouveau président, tous deux démocratiquement élus. Cet événement important a toutefois été suivi d’une crise politique de cinq mois autour de la désignation d’un premier ministre, qui a laissé derrière elle un parlement fragmenté, y compris autour des priorités nationales.
Durant cette même période, une épidémie de choléra dévastatrice et les conséquences de deux ouragans majeurs ont rendu nécessaire une réaffectation de ressources nationales et internationales qui devaient appuyer le processus de redressement et de reconstruction.
Il est maintenant permis d’espérer que les efforts, en 2012, pourront mettre définitivement Haïti sur la voie d’un relèvement durable. À cette fin, la communauté internationale devrait privilégier une approche plus systémique dans son soutien aux efforts des Haïtiens pour renforcer l’État de droit et le progrès social et économique.
Pour répondre de la manière la plus efficace à ce chantier, dont l’élément cardinal est la « stabilité et la fonctionnalité des institutions », le Gouvernement, le Parlement, guidés par le Président de la République, devraient se mettre d’accord pour doter le pays de telles institutions, capables de protéger les droits des citoyens et de leur permettre de remplir leurs obligations. En d’autres termes, ils devraient s’entendre sur un pacte de gouvernabilité ou un accord de gouvernance, issu d’un consensus national, pierre angulaire de toute stratégie de réforme de l’État de droit.
Sous la conduite du gouvernement haïtien, ce pacte lierait les acteurs internationaux aux acteurs nationaux de la réforme, et s’appuierait sur la forte volonté populaire de raviver cette culture.
Au fur et à mesure que les progrès vers la stabilisation d’Haïti se consolideront, les États membres de l’Assemblée générale seront en meilleure position pour reconfigurer la Mission. La réduction progressive du nombre des personnels civils et militaires au niveau d’avant le tremblement de terre serait un précurseur au retrait de ces personnels des régions du pays dans lesquelles les conditions de sécurité permettront aux institutions étatiques d’exercer leurs responsabilités, sans le support opérationnel de la MINUSTAH.
Après pratiquement deux décennies d’interventions étrangères, Haïti sera en mesure de prendre progressivement sa destinée en mains.