Le gouvernement brésilien préside par Dilma Roussef, attendue ce 1er février dans la capitale haïtienne, a fixé depuis le début de l’année sa politique migratoire vis à vis de la présence de plus en plus remarquée de migrants-es haïtiens au Brésil.
En vue de donner un cadre légal et formel à cette migration, le Conseil National de l’Immigration (CNIG) a pris le 12 janvier 2012, une résolution dite Résolution normative # 97 composée de 5 articles.
Le premier stipule que tout citoyen haïtien pourra recevoir, pour raisons humanitaires (en raison de l’aggravation des conditions de vie de la population haïtienne après le tremblement de terre), un visa de 5 ans et une carte d’identité d’étranger. Ce visa humanitaire sera délivré par le Ministère des Relations Extérieures du Brésil à travers l’Ambassade du Brésil accréditée à Port-au-Prince ; il est prévu d’octroyer aux Haïtiens un total de 1.200 visas par année, à raison de 100 par mois (Art.2).
Avant même l’expiration du visa, le citoyen haïtien devra prouver qu’il a un emploi pour pouvoir renouveler sa résidence au Brésil et ainsi l’expédition de sa nouvelle "carte d’identité d’étranger" (Art. 3).
La Résolution s’étendra sur une période de deux ans et pourra être éventuellement prorogée (Art. 4) et elle entrera en vigueur à la date de sa publication (Art. 5), c’est-à-dire depuis le 13 janvier 2012.
Lors de la présentation de cette Résolution, le ministre brésilien de la Justice, José Eduardo Cardozo, avait annoncé la décision de son gouvernement de régulariser la situation de tous les Haïtiens-Haïtiennes se trouvant sur le territoire brésilien avant la date de publication de cette résolution. Cependant, ceux et celles qui arrivent de manière irrégulière au Brésil (soit après le 12 janvier 2012) seront invités à laisser le pays et en cas de refus, ils/elles seront déportés, avait-il conclu sur un ton ferme. (Source : SJR-LAC, 14/1/12)
Avec ces nouvelles dispositions, plus de 4 mille Haïtiens-Haïtiennes pourront être régularisés dans l’immédiat. En outre, la Résolution normative # 97 ouvre un canal légal pour faciliter et ordonner la migration haïtienne vers le Brésil.
Les retombées positives de la nouvelle politique migratoire des autorités brésiliennes à l’égard des Haïtiens se font déjà sentir. La Police fédérale du Brésil a commencé à délivrer des protocoles de réfugiés aux personnes bloquées depuis 3 mois à Tabatinga (localité brésilienne située dans l’Amazonie à la triple frontière Brésil-Colombie-Pérou) afin qu’ils puissent poursuivre leur voyage vers Manaus, capitale de l’État amazonien. À Manaus, les Haïtiens-Haïtiennes pourront réclamer leur visa de résidence et leur permis de travail.
Cependant, on relève des limites à cette nouvelle politique migratoire brésilienne. D’abord, « il manque encore un plan d’action concret pour opérativiser cette Résolution », commente le Service Jésuite aux Refugies pour l’Amérique Latine et les Caraïbes. En l’absence de ce plan, des réponses à la problématique de réunification familiale des migrants-es haïtiens et à leur intégration digne dans la société brésilienne ne sont pas données.
En outre, le Brésil, comme Etat frontalier, n’est pas encore engagé dans un accord multilatéral avec ses pays voisins, principalement le Pérou et la Bolivie, et avec d’autres nations concernées par la migration haïtienne comme le Chili, l’Équateur, la Colombie, voire l’Argentine.
A titre d’illustration, Les policiers fédéraux brésiliens empêchent les Haïtiens de traverser la frontière pour se rendre dans la ville de Brasiléia, alors que ces migrants-es se trouvent au bord de la crise humanitaire du côté péruvien de la triple frontière Brésil-Bolivie-Pérou. Ainsi, plus de 250 Haïtiens se trouvent actuellement bloqués dans un village péruvien appelé Iñapari et confrontés à une difficile situation humanitaire en raison de la congestion des services sociaux de base et de l’insuffisance de l’aide humanitaire.
Le gouvernement de Dilma Roussef devrait « élaborer conjointement avec les pays de transit des migrants haïtiens (La Bolivie, le Pérou, l’Equateur, le Chili…) un projet d’accueil impliquant les différents acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux de manière à garantir une migration sure. », avaient recommandé des réseaux d’organisations de droits humains et d’universitaires brésiliennes dans un manifeste publié début janvier 2012.