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Haiti

L'Etat haïtien doit se préoccuper des conditions de vie des femmes rapatriées de la frontière

En prélude à la célébration du 25 novembre, Journée internationale contre les violences faites aux femmes, le GARR veut attirer l'attention de l'opinion publique nationale et internationale, en particulier des autorités haïtiennes, sur une situation attentatoire à la vie et la dignité des femmes rapatriées de la frontière haïtiano-dominicaine, notamment celles originaires du Plateau Central.

A la mi-novembre 2008, un groupe de 150 femmes, anciennes et nouvelles rapatriées, habitant 3 localités de la commune de Lascahobas (Wanpa, Lahoye Casse et Petit-Fond) ont raconté leurs déboires durant la traversée de la frontière, les calamités subies en République Dominicaine (par celles qui ont pu arriver à destination) et les difficultés rencontrées après leur déportation.

Ces 150 femmes sont, pour la plupart, des cheffes de famille. Leurs enfants grandissent sans leurs pères qui se sont déresponsabilisés à leur égard ou encore sont en voyage ; d'autres sont décédés en République Dominicaine ou y travaillent sans se soucier de leur progéniture ni de leur compagne laissée en Haïti.

Ces rapatriées sont des femmes qui luttent au quotidien pour assurer la survie de leurs enfants et de leurs proches parents. Il arrive qu'elles s'endettent pour ouvrir un petit commerce, source de leurs dépenses journalières. Certaines d'entre elles se proposent comme lavandières, cultivatrices, ou domestiques à la journée, et d'autres vivent au gré de la générosité de bons samaritains.

Au cours d'un seul et même voyage, racontent les rapatriées, les femmes sont sujettes à plusieurs viols collectifs, selon l'humeur des passeurs et de leurs complices embusqués sur le parcours. En plus des passeurs, les violeurs sont à la fois, les militaires dominicains qui les appréhendent, les travailleurs haïtiens et les civils dominicains riverains de la zone de transit.

Les passeurs sont parfois de mèche avec des groupes d'individus et placent les femmes dans des sous-bois leur conseillant de rester immobiles et silencieuses. Peu de temps après, à leur grande surprise, elles voient arriver des inconnus qui les frappent et les agressent sexuellement. Les larmes aux yeux, elles confient avoir eu peur de crier au secours au moment de ces viols collectifs, par crainte d'arrestations et de déportations de la part des militaires dominicains cantonnés dans la zone, ajoutant qu'elles sont obligées de subir tout ce qui se présente sur leur chemin dans l'espoir d'arriver à destination.

Face à cette situation, le GARR lance un nouvel appel aux autorités haïtiennes concernées. Il est temps que le Parlement haïtien dote le pays d'une loi interdisant la traite et le trafic de personnes, sanctionnant les passeurs et protégeant les victimes.

De son côté, l'Exécutif doit veiller à ce que les services publics soient accessibles à travers Haïti. Il faut rappeler que parmi les 4 départements frontaliers que compte le pays, un seul dispose des services de livraison de passeports établi uniquement à Port-au-Prince, dans le Département de l'Ouest. Cette situation facilite la tâche des passeurs dans les autres départements frontaliers et leur laisse le champ libre pour soutirer de l'argent auprès des potentiels-les voyageurs-voyageuses dans le cadre de traversées irrégulières.

Il est primordial que les instances de l'Etat comme le Ministère à la Condition Féminine, tiennent des bureaux à la frontière en vue de fournir un accompagnement adéquat aux femmes.

De son côté, le Ministère de la Santé Publique doit prendre en considération les femmes vivant dans l'aire frontalière au moment de la conception des programmes de santé, en particulier ceux qui ont rapport à l'accouchement, aux soins prénatals, au VIH-Sida et aux autres maladies sexuellement transmissibles.

Enfin, le GARR encourage la responsable de la Primature à solliciter des ministères pilotant des programmes de formation et d'aide à la micro-entreprise en faveur des couches défavorisées du pays, une prise en compte des femmes de la frontière en particulier et l'ensemble des communautés frontalières en général, trop longtemps abandonnées par les Pouvoirs publics. A titre d'illustration, le Ministère de la Justice ne compte aucun juge à Lascahobas.

A l'occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre prochain, le GARR salue les femmes et les hommes qui luttent contre toutes formes de violences à l'endroit des femmes, à la maison, dans la rue, à l'école, au bureau, dans le commerce, à la frontière et à travers les dix départements du pays en leur disant : Courage !