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Haiti

Les écoliers mangent du riz haïtien au déjeuner

Par Alexis Masciarelli

Deux ans après le séisme, beaucoup d’écoles haïtiennes servent des repas scolaires préparés avec des aliments produit localement en Haïti. Sachant qu’ils ont un acheteur, les agriculteurs sont motivés à cultiver plus tandis que les enfants, de leur côté, sont motivés à aller à l’école où ils reçoivent la nutrition dont ils ont besoin, et une éducation. C’est un cercle vertueux qui se trouve au cœur de la stratégie du gouvernement et du PAM destinée à améliorer la sécurité alimentaire des haïtiens.

La poussière de riz vole et recouvre d’une fine pellicule blanche les sacs comme les travailleurs dans l’entrepôt de l’association des planteurs de Moreau Paye, ici dans la vallée de l’Artibonite, considérée comme le grenier à grains d’Haïti. Assis sous de grandes bâches laissant à peine passer les rayons du soleil, une vingtaine d’hommes et femmes tamisent, trient et emballent la récolte de riz de septembre dans de grands sacs estampillés du sigle du Programme Alimentaire Mondial (PAM). «Nous avons 1 150 membres qui cultivent environ 500 hectares de terres », explique Louis Fresnel, le directeur de l’association. « Le fait d’être tous associés, nous permet d’être solidaires et plus solides. Cette année, nous avons remporté un appel d’offres et vendons presque toute notre production au PAM et au gouvernement français qui, ensuite, en fait donation au PAM. Nous sommes aussi en négociation avec un commerçant local pour voir s’il serait intéressé d’acheter chez nous l’an prochain.»

En 2011, le PAM a acheté 3 000 tonnes métriques de riz aux producteurs haïtiens. Les sacs sont ensuite redistribués dans des écoles participant au programme de cantines scolaires, pour préparer les repas chauds quotidiens des enfants. Fedeline Jean, 34 ans, est une des productrices de l’association de Moreau Paye. A proximité de l’entrepôt, elle travaille avec son mari à la préparation des rizières pour la prochaine récolte prévue en mars. «Que le PAM achète du riz ici, c’est très intéressant pour nous, car cela nous stabilise», dit-elle. «En plus, maintenant, je sais que le riz de l’association est servi à la cantine de l’école où vont mes enfants. Cela me fait sentir bien, parce que je sais qu’ils mangent à l’école.» Son opinion est confirmée dans le réfectoire de l’école presbytérienne de L’Estère à l’heure du repas.

«A la maison, maman prépare le même; j’aime le riz», raconte Fedjina Charles, la fille de 6 ans de Fedeline. Son frère ainé, Woodjeri Charles, 10 ans, assis à table avec ses amis, est d’accord: «J’aime le riz haïtien. Il est bon!» Un peu plus tard, dans la cour de recréation la directrice de l’école, Sœur Adène Anilus, assure que «la cantine scolaire offre une aide fondamentale aux parents qui souffrent financièrement et ont du mal à nourrir leur famille.»

Créer des liens solides entre le PNCS et des groupes de petits agriculteurs est un des objectifs principaux du Ministère haïtien de l’Agriculture dans le but, à la fois, de lutter contre l’insécurité alimentaire et d’encourager la production locale. «C’est une des priorités du gouvernement», explique Michel Chancy, Secrétaire d’Etat haïtien à la production animale. «De cette façon, les cantines scolaires génèrent aussi des revenus. Le volume de ces achats est encore relativement faible, mais nous avons lancé la tendance et nous sommes déterminés à poursuivre cette politique d’achats locaux.» Dans le cadre du programme d’achat locaux du PAM, plus de 800 milles bouteilles de lait acheté auprès de petits agriculteurs ont été distribuées dans les écoles en 2011. Au cours des trois prochaines années, le PAM prévoit d’acheter quatre millions de bouteilles supplémentaires. Plusieurs dizaines de tonnes de maïs moulu ont également été achetées localement depuis le tremblement de terre.

Déjà dans les jours qui avaient immédiatement suivi le tremblement de terre, le PAM achetait une partie de l’aide alimentaire sur le marché local. Cette politique se poursuit avec succès puisque le dernier achat de riz haïtien du PAM s’est conclu à un prix beaucoup plus compétitif que par le passé. Cela prouve que ce mécanisme augmente la compétitivité des marchés, soutient la productivité et augmente les revenus des agriculteurs locaux. «C’est un bénéfice à long terme pour le pays», ajoute Myrta Kaulard. «Cela permet d’encourager la production agricole. Les paysans hésitent parfois à produire davantage parce qu’ils savent que l’accès aux marchés est souvent difficile en raison de leur isolement.»

Pour beaucoup d’Haïtiens, la persistance de l’insécurité alimentaire, qui touche 45% de la population, est bel et bien perçue comme une urgence. C’est la raison pour laquelle les autorités haïtiennes ont demandé au PAM de concentrer son intervention sur une série de programmes destinés à apporter une assistance alimentaire aux plus vulnérables et à soutenir les efforts de redressement du pays.