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Le monde doit tirer les leçons de la crise sur le prix des denrées alimentaires

« Les petits agriculteurs des pays en voie de développement n'ont pas profité de la hausse des prix des denrées alimentaires, en raison notamment de politiques commerciales et agricoles imparfaites qui les ont rendus vulnérables et ont affaibli leur position sur les marchés », déclare Oxfam dans un nouveau rapport publié aujourd'hui, en cette journée mondiale de l'alimentation.

Dans le rapport Des prix à double tranchant, Oxfam déclare que tous les gouvernements, donateurs et agences doivent tirer les enseignements de la crise. Cela signifie notamment l'importance d'investir dans l'agriculture, d'avoir des règles commerciales garantissant la sécurité alimentaire, et de concevoir des systèmes de protection sociale protégeant les plus pauvres.

Teresa Cavero, l'auteur de ce rapport et responsable de la recherche chez Oxfam en Espagne, affirme : « La tendance en matière d'agriculture, tout comme en finance internationale, a été tournée vers la déréglementation et la baisse du rôle de l'État. Ceci a eu des effets désastreux et l'exposition à la volatilité des marchés a détruit la vie de personnes innocentes. Il est temps que le monde se réveille et se rende compte de la nécessité des gouvernements des pays en développement de soutenir leurs pauvres agriculteurs, et de l'obligation des pays développés de les aider dans ce sens. »

« Dans les pays où les gouvernements ont investi dans l'agriculture, et mis en place des politiques visant les groupes vulnérables ou marginalisés, les effets de l'inflation des prix alimentaires ont été moins graves. En revanche, lorsque la libéralisation commerciale n'a pas été gérée, que l'agriculture a connu un investissement insuffisant et que les gouvernements ont fait preuve de peu de soutien, les effets ont été désastreux », ajoute-t-elle.

Suite à la nette hausse des prix des denrées alimentaires dans le monde entier, 119 millions de personnes de plus souffrent de la faim, portant ainsi le total mondial à 967 millions. Des prix alimentaires plus élevés signifient que les populations mangent moins et consomment des aliments de qualité inférieure, que les enfants ne vont plus à l'école et que les agriculteurs sont forcés de migrer vers les villes et d'habiter dans des bidonvilles (voir études de cas plus bas). Les femmes sont particulièrement vulnérables car elles sont rarement propriétaires de terres et ont un accès limité au crédit et aux autres services, alors que la responsabilité de nourrir et de s'occuper de leur famille leur incombe en grande partie.

En attendant, certaines des plus grandes entreprises agroalimentaires internationales ont enregistré des bénéfices exceptionnels. Bunge, le négociant en produits alimentaires, a vu ses bénéfices pour le second trimestre d'exercice en 2008 croître de 583 millions de dollars, c'est-à-dire qu'ils ont quadruplé par rapport à la même période l'année dernière. Les ventes mondiales de Nestlé ont progressé de près de 9 % au cours du premier semestre 2008, et le supermarché britannique Tesco a fait part de bénéfices en hausse de 10 % par rapport à l'année dernière. Le semencier Monsanto a fait part d'une hausse de 26 % de son chiffre d'affaires pour atteindre un résultat record de 3,6 milliards de dollars pour le trimestre d'exercice se terminant le 31 mai 2008.

« Des politiques agricoles nationales inadaptées ou mal contrôlées, associées à des règles commerciales déloyales et de mauvais conseils économiques, ont créé une situation où les grands négociants et supermarchés profitent de la hausse des prix, et où les petits agriculteurs et les consommateurs se retrouvent perdants », déclare Teresa Cavero.

Oxfam critique la réaction inadaptée de la communauté internationale, à la fois en termes financiers et de coordination. Lors d'une réunion d'urgence qui s'est tenue cette année à Rome, 12,3 milliards de dollars ont été promis pour faire face à la crise alimentaire, mais pour l'instant seule une fraction de cette somme a été déboursée. Il n'existe toujours pas de leadership clair, malgré les nombreuses promesses d'engagement faites en haut lieu.

Teresa Cavero déclare : « Il est choquant de constater que la communauté internationale n'a pas su s'organiser pour réagir à cette crise de manière adaptée. Les pays en voie de développement sont bombardés de multiples initiatives et il leur est demandé de produire divers plans pour différents donateurs. Nous avons besoin d'une intervention internationale coordonnée, dirigée par l'ONU, acheminant les fonds de toute urgence aux populations dans le besoin, et conduisant à la mise en œuvre de réformes à plus long terme. »

Note aux éditeurs

Quelques études de cas (autres études également disponibles) :

En Haïti, le niveau de pauvreté déjà très élevé a été exacerbé par la flambée des prix des denrées alimentaires et le passage des ouragans. Cinq millions d'Haïtiens vivent avec moins d'un dollar par jour et en 2007 près de la moitié de la population était en état de malnutrition. Les Haïtiens ont baptisé la crise alimentaire Clorox, du nom d'une marque de comprimés de chlore utilisés pour la purification de l'eau, provoquant de terribles maux d'estomac s'ils sont avalés, comme en cas de faim permanente.

Au Malawi, les subventions gouvernementales ont réussi à stimuler les niveaux de production dans de nombreux domaines, occasionnant ensuite des surplus au niveau national (une situation inverse aux anciennes pénuries). Toutefois, une grave insécurité alimentaire existe toujours dans certains endroits, et certaines familles pauvres sont déjà confrontées à une crise alimentaire en ne prenant qu'un repas par jour. Dans certaines régions, pour se nourrir les femmes ont recours à des haricots sauvages, toxiques s'ils ne sont pas préparés correctement. Cela signifie qu'ils doivent cuire pendant des heures, en utilisant des denrées rares que sont l'eau et le bois de chauffage.

Au Cambodge, la flambée des prix des denrées alimentaires a de graves effets sur les pauvres des zones urbaines comme rurales. Même les producteurs de riz, qui devraient profiter de ces prix élevés, ont des difficultés pour nourrir leur famille car beaucoup d'entre eux sont des acheteurs nets de produits alimentaires. Globalement, 1,7 million de personnes sont confrontées à l'insécurité alimentaire. Von Siphou est âgée de 42 ans et vend des fruits sur un étal de Phnom Penh. Elle déclare : « Je travaille aussi dur que possible et cela ne suffit pas. La seule chose qui me reste à faire est de ne pas manger. »

Au Honduras, pays dépendant fortement des importations, la consommation alimentaire des familles les plus pauvres a baissé de 8 %. Les populations les plus touchées sont les pauvres des zones urbaines, les agriculteurs produisant le minimum vital (agriculture de subsistance), les journaliers, et les pauvres des zones rurales n'ayant pas d'activités agricoles. 60 % de la population rurale est touchée.

Au Tadjikistan, un hiver exceptionnellement rude suivi d'un printemps chaud a provoqué de lourdes pertes au niveau du bétail et des récoltes. Les locustes dans le sud du pays ont également détruit des récoltes. Un tiers de la population rurale souffre à présent d'insécurité alimentaire (au moins 1,7 million de personnes).

Au Brésil, les politiques agricoles bien ciblées du gouvernement ont protégé les petits agriculteurs et les consommateurs contre les effets les plus graves. Toutefois, les pauvres des zones urbaines, entre autres, ressentent toujours les effets de la flambée des prix.

Oxfam, ses partenaires et ses alliés publieront le rapport dans de nombreux pays du monde, dont l'Afrique du Sud, l'Albanie, l'Australie, le Bangladesh, le Cambodge, l'Espagne, la France, le Guatemala, l'Inde, l'Indonésie, le Pakistan, les Philippines, le Tadjikistan, et la Tanzanie. Dans de nombreux cas, des activités nationales complémentaires auront lieu, y compris le lancement de campagnes ainsi que des ateliers et des débats sur l'agriculture. Individuellement, les pays et régions produiront également leurs propres analyses et rapports.

Personnes interrogées : parlant des langues différentes, issues de lieux différents, à la fois auprès d'Oxfam et de ses partenaires.

Contact: Pour plus d'informations : Amy Barry, +44 1865 472498, +44 (0) 7980 664397