Introduction
Cette année a été marquée par de nombreuses manifestations à travers le monde contre la hausse des prix des denrées alimentaires de base. Le fléau de la faim s'est soudainement retrouvé sur la première page des journaux et au coeur des débats internationaux. Il serait facile, dans ce contexte, de perdre de vue le fait que la faim persiste dans un monde qui produit plus de denrées alimentaires qu'il n'en a besoin pour nourrir sa population. Pourtant, comme nous le rappelle l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), plus de 850 millions de personnes souffrent tous les jours de la faim - une violation du droit le plus fondamental.
La mission d'observation internationale réalisée en Haïti est la troisième d'une série entreprise par Droits et Démocratie et ses partenaires. Le but de ces missions était double : premièrement, il s'agissait de mieux comprendre les défis liés à l'application du cadre des droits de la personne comme outil pour lutter contre la faim dans les pays les moins avancés. Deuxièmement, ce processus visait à encourager les détenteurs d'obligation nationaux à relever ces défis.
Ce rapport est le fruit d'un travail collectif. Notre plus profonde gratitude est adressée aux membres de la mission et à leurs organisations respectives, nationales et internationales. Plus particulièrement, nous aimerions remercier le Bureau du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation et l'unité chargée du droit à l'alimentation au sein de la FAO pour leurs conseils et leurs suggestions précieuses tout au long de ce processus. Léa Winter, Danièle Magloire et Nicholas Galletti de Droits et Démocratie ainsi qu'Agnus Laraque et Fresnel Germain Jr du GRAMIR ont été les piliers de cette mission. Ils ont coordonné et planifié tous les aspects de la recherche en gardant leur enthousiasme intact jusqu'à la fin.
Les membres de la mission tiennent également à remercier chaleureusement les nombreuses personnes et communautés avec lesquelles des entrevues ont été réalisées en Haïti. Leur générosité et leurs contributions éclairées ont été une source d'inspiration pour la rédaction de ce rapport.
Carole Samdup
Conseillère principale,
Droits économiques et sociaux,
Droits et Démocratie
Ernst Mathurin
Responsable d'Appui-Conseil
GRAMIR
La mission d'observation
La mission internationale d'observation qui a été réalisée en Haïti du 26 au 31 mai 2008, est la troisième du même type. Elle s'inscrit dans le cadre d'une série d'études entreprises par Droits et Démocratie en vue de promouvoir les avantages découlant de l'utilisation du cadre des droits de la personne comme levier important pour éradiquer la faim1. La mission d'observation a été entreprise en collaboration avec le GRAMIR2.
Les objectifs poursuivis étaient les suivants : évaluer la faim et l'insécurité alimentaire en Haïti dans l'optique des droits de la personne, replacer les Directives de la FAO sur le droit à l'alimentation dans un contexte pratique et finalement, formuler des recommandations liées à l'utilisation du cadre des droits de la personne pour l'élaboration de politiques et de programmes.
La mission d'observation a porté une attention particulière aux enjeux de gouvernance dans le champ de la sécurité alimentaire, à la vulnérabilité des marchés et à l'accès aux ressources productives.
La mission d'observation comprenait des membres d'organisations nationales et internationales, y compris du Bureau du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation. La liste complète des membres de la mission ainsi que celles des organisations et personnes ayant participées aux entrevues se trouvent en annexe du présent rapport.
Visites, entrevues et engagements publics
Les membres de la mission se sont rendus dans des communautés victimes de la faim dans les communes de Lascahobas, Côtes-de-fer et Aquin. La mission d'observation s'est aussi déplacée dans plusieurs quartiers populaires de la zone métropolitaine de Port-au-Prince : Jalousie, Cité de Dieu, Cité l'Eternel et Descayette. À Port-au-Prince, les membres de la mission ont rencontré des représentants de plusieurs ministères, du Parlement, des bailleurs de fonds internationaux, des agences des Nations Unies et de la société civile.
Une fois les visites et les entrevues terminées, les membres de la mission ont animé un atelier de restitution à Port-au-Prince pour présenter leurs résultats préliminaires et recueillir un complément d'information auprès d'un éventail plus large d'acteurs nationaux.
Visite dans le Plateau central
Dans le département du Centre, la mission d'observation a visité le bourg de Lascahobas et la section communale de « Lawòy ». Cette dernière est particulièrement affectée par la pauvreté et la malnutrition.
La mission d'observation s'est intéressée à la question des relations économiques avec la République dominicaine, aux obstacles auxquels sont confrontés les personnes rapatriées et aux conséquences de la migration transfrontalière sur les modes de production agricole et de consommation alimentaire dans la région. Des entretiens ont été organisés avec des petits producteurs agricoles, des organisations de base et des individus rapatriés.
Visite de Côtes-de-fer et d'Aquin
Dans les départements du Sud-Est et du Sud, les membres de la mission ont visité les communes de Côtes-de-fer et d'Aquin. Ces communes ont été décrites comme faisant partie des plus vulnérables sur le plan de l'insécurité alimentaire et des catastrophes naturelles. Durant cette visite, la délégation a abordé les questions d'exclusion sociale et d'absence de politiques adéquates ciblant les enfants, les personnes âgées et les travailleurs agricoles. Des entretiens ont eu lieu avec des organisations de base et des institutions de développement ainsi qu'avec des membres des communautés locales.
Entretiens avec des représentants officiels à Port-au-Prince
Les membres de la mission ont rencontré divers acteurs dans la capitale. Parmi les représentants du gouvernement figuraient le ministre de la Planification et de la Coopération externe, des représentants du ministère du Commerce et de l'Industrie, du ministère de l'Économie et des Finances, ainsi que du ministère à la Condition féminine et aux Droits des femmes.
Les membres de la mission ont également rencontré des représentants des partis politiques réunis au sein de la « Convention des partis politiques », de même que le Président de la Chambre des Députés.
Les membres de la mission ont aussi rencontré plusieurs représentants des Nations Unies en Haïti, y compris de la mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), du Programme alimentaire mondial (PAM), de la FAO ainsi que de l'Organisation panaméricaine de la santé / Organisation mondiale de la santé (OPS/OMS). Les membres de la mission ont également mené des entrevues avec des représentants des institutions financières internationales dont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Parmi les pays donateurs, la délégation a rencontré des représentants du gouvernement canadien et de l'Union européenne (UE).
Des entretiens supplémentaires ont été organisés avec des organisations non gouvernementales (ONG) haïtiennes et internationales.
Atelier de restitution
Pour conclure la mission d'observation, les membres de la mission ont animé un atelier de restitution à Port-au-Prince. Le but était de faire connaître les observations préliminaires de la mission d'observation et de débattre de l'utilisation du cadre des droits de la personne comme instrument pour contribuer à remédier au problème de la faim en Haïti. Une réflexion a également été menée pour trouver des actions concrètes qui pourraient répondre aux problèmes engendrés par l'augmentation récente des prix des denrées alimentaires.
Des exposés ont été présentés par la Conseillère spéciale auprès du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation, par un représentant de la FAO, ainsi que par plusieurs organisations locales de la société civile.