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Haiti

La capitale d'Haïti assiégée par des bandes armées : au moins un mort et un blessé

Les bandits armés sur tous les fronts à Port-au-Prince : tentative d'incendie d'un centre de télécommunications, la police impuissante, la mission onusienne absente, deux mexicains et une italienne parmi les nouveaux otages et surtout les deux yeux d'un jeune otage crevés par ses ravisseurs
Par Radio Kiskeya

Au moins une personne a été tuée et une autre blessée par balles, vendredi à Port-au-Prince où les bandes armées, politiquement motivées, étaient omniprésentes, tirant à l'arme automatique dans tous les sens et provoquant l'affolement d'une population livrée à elle-même. Une femme dont l'identité restait inconnue a été tuée alors qu'elle vaquait à ses occupations dans le quartier de Lalue (centre de la capitale), à proximité de Poste-Marchand, un des bastions des partisans armés de l'ex-Président Jean-Bertrand Aristide.

Les nombreux coups de feu entendus un peu partout dans la ville, surtout dans le centre commercial, avaient provoqué à la mi-journée un sérieux ralentissement des activités. Très tôt dans la matinée, des tirs d'armes de guerre pleuvaient dans le périmètre du Palais national (siège de la présidence) au Champ-de-Mars (centre de la capitale) ; des magasins ont échappé in extremis à des tentatives d'incendie alors que les marchandes installées sur les trottoirs et les passants se faisaient dévaliser par de jeunes délinquants armés qui s'emparaient aisément d'argent, de bijoux et d'objets légers faciles à transporter. Le centre technique de la compagnie nationale des télécommunications (TELECO), situé dans le quartier très sensible de Sans-Fil, contigu au Bel-Air, a fait l'objet vendredi après-midi d'une attaque au cocktail molotov.

Se déplaçant sous forme d'armadas, parfaitement coordonnés et souvent munis d'armes sophistiquées, les membres de "l'opération Bagdad", lancée en septembre 2004 par les partisans radicaux d'Aristide, affichaient pendant toute la journée une rare hardiesse et une détermination inébranlable à causer le plus de dégâts possibles. Face à cette situation, le gouvernement Alexandre/Latortue, en pleines tractactions autour d'un prochain remaniement ministériel, semblait totalement transparent, la Police nationale d'Haïti (PNH) impuissante et la mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) se faisait particulièrement discrète tandis que l'agitation gagnait certains quartiers. Radio Kiskeya a appris de sources officielles que les membres du contingent brésilien ont reçu, on ne sait de qui, l'ordre formel de ne s'engager dans aucune opération à Port-au-Prince malgré les sollicitations des autorités haïtiennes.

Des affrontements entre les forces de sécurité et des groupes armés auraient fait des blessés dans les quartiers de La Saline (ouest de Port-au-Prince) et du Bel-Air, autres foyers de la rébellion armée. D'intenses échanges de tirs ont aussi opposé des agents de sécurité renforcés par des soldats de la MINUSTAH à des assaillants qui avaient lancé un raid contre plusieurs installations industrielles sur la route nationale # 1 (nord de la capitale).

La série noire des enlèvements s'est également poursuivie, avec parfois des récits macabres dignes des plus grands films d'horreur. Un enfant pris en otage dont les parents n'étaient pas en mesure de verser la rançon réclamée par les ravisseurs, a eu les deux yeux crevés et est devenu aveugle du jour au lendemain. Cet acte d'une cruauté délirante, semblable à celle de la jungle, a été condamné dans les termes les plus forts par les responsables locaux du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).

Sur le même front, une commerçante italienne établie en Haïti depuis une trentaine d'années, a été enlevée vendredi matin par des inconnus armés. Giliola Martino, 67 ans, se trouvait dans le centre de la capitale au moment du kidnapping. Pour sa part, un haut fonctionnaire de l'Etat, récemment désigné à la tête d'une importante unité, a échappé de justesse à une tentative de rapt grâce à l'intervention rapide d'une patrouille policière. L'un des membres du commando a été arrêté. En revanche, les unités spécialisées de la PNH ont dû fuir sous une pluie de balles et de bombes lacrymogènes, après l'échec d'une tentative de libération, dans le quartier de Delmas 2 (nord de Port-au-Prince), de plusieurs otages dont deux techniciens mexicains enlevés jeudi dans ce même secteur de la capitale. Les deux hommes travaillent pour la compagnie de téléphone cellulaire Ti Telefòn 2004 , une division de la TELECO.

Entre temps, des étrangers de différents statuts continuent à quitter le pays, à cause de la montée vertigineuse de l'insécurité. Après le personnel non essentiel de leur ambassade à Port-au-Prince dont le retrait avait été décidé le mois dernier, les Etats-Unis ont procédé jeudi à l'évacuation de 16 membres du corps de la paix, œuvrant dans le domaine des activités communautaires.

La spirale de la violence qui a atteint, ces dernières semaines, des proportions alarmantes menace de plus en plus la survie de la transition démocratique et l'avancement d'une machine électorale toujours en panne à moins de quatre mois des premières élections fixées au 9 octobre, avec en toile de fond la désintégration d'Haïti.