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Haïti Plan de Réponse Humanitaire janvier 2019 - décembre 2020 (Jan 2019)

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APERÇU DE LA CRISE

En 2019, plus de 2,6 millions de personnes en Haïti auront besoin d’une assistance parmi lesquelles 1,3 million de personnes seront ciblées par le Plan de Réponse Humanitaire. Dans un contexte de fragilité économique et de tensions socio-politiques, les chocs successifs qui ont affecté le pays, (notamment les désastres naturels, les épidémies, les déplacements de population), combinés aux faiblesses structurelles limitant l’accès aux services de base, ont considérablement aggravé la vulnérabilité chronique de la population haïtienne et réduit ses capacités de résilience.

L’ insécurité alimentaire et la malnutrition, les urgences sanitaires, les risques de protection et les mouvements de population, accroissent la vulnérabilité de millions d’Haïtiens déjà confrontés au faible développement local et à la pauvreté. L’ Aperçu des Besoins Humanitaires (HNO) a démontré que près de 2,6 millions de personnes sont extrêmement vulnérables et auront besoin d’une assistance humanitaire en 2019, ayant été affectées par au moins une crise (ouragan, séisme, sécheresse, déplacements de population, épidémies de choléra, malaria et diphtérie) au cours des dernières années. Ces multiples chocs ont affaibli la capacité des personnes les plus vulnérables à répondre à leurs besoins vitaux, et ont eu un impact négatif sur l’accessibilité aux services de base, exigeant un renforcement de l’assistance humanitaire.

Les besoins humanitaires en Haïti sont générés par ces crises récurrentes et des facteurs structurels aggravants. Le contexte général dégradé du pays n’a pas permis des avancées significatives dans la réduction des situations d’urgences humanitaires, c’est au contraire à un recul que l’on assiste. L’année 2018 a en effet été marquée par un contexte économique, politique et social particulièrement difficile caractérisé par une instabilité grandissante et une fragilité certaine. Des mouvements sociaux contre l’augmentation du coût de la vie et des protestations contre la gouvernance ont touché le pays tout au long de l’année et en particulier en juillet 2018 à la suite de l’augmentation du prix des produits pétroliers parmi d’autres produits qui ont connu une hausse entre 38% et 51%.1 Le prix du panier alimentaire de base a enregistré une augmentation de 3% entre le premier et le deuxième trimestre de 2018, et une hausse de 8% en comparaison entre les deuxièmes trimestres de 2018 et 2017. La dépréciation de la Gourde haïtienne (HTG) par rapport au Dollar américain ($US), ainsi que l’augmentation de l’inflation tout au long de l’année 2018, ont aussi impacté fortement le pouvoir d’achat des ménages haïtiens.

Les travaux préparatoires et l’atelier du HNO ont permis de ressortir 4 thématiques principales autour desquelles mieux comprendre l’articulation et l’évolution des besoins humanitaires, et les réponses conséquentes à apporter.

BESOINS VITAUX NÉS D’UNE CRISE HUMANITAIRE OCCASIONNANT UNE PERTE D’ACCÈS AUX SERVICES DE BASE

Il ressort de l’analyse menée par les acteurs humanitaires du lien entre les besoins vitaux des populations et les chocs successifs subis par Haïti que plusieurs secteurs sont régulièrement impactés et leurs progrès mis à mal par la répétition cyclique des situations de crise ou de chocs, aux premiers desquels se situent les aléas naturels qui se succèdent ces dernières années.

Le terrible séisme de janvier 2010 puis celui plus modéré d’octobre 2018, ont profondément marqué le pays avec des séquelles encore visibles aujourd’hui, dont 37 500 personnes toujours dans les camps de déplacés depuis 2010 en attente de solutions durables, et 157 000 personnes affectées par le dernier séisme dans les départements du Nord-Ouest, Nord et Artibonite pour lesquels l’assistance à moyen terme reste à apporter.

Au risque sismique s’ajoutent les risques hydrométéorologiques, en particulier les ouragans dont la saisonnalité s’étend de juin à fin novembre. Ainsi, en octobre 2016, les départements du Sud, de la Grand’Anse, des Nippes, du Nord-Ouest et l’ile de la Gonâve (Département de l’Ouest), ont été frappés par l’ouragan Matthew de catégorie 4. Les dommages et pertes dus à l’ouragan se sont élevés à près de 2,8 milliards de dollars2 et ont affecté près de 2,1 millions de personnes sinistrées dont 1,4 million de personnes ayant eu besoin d’une assistance humanitaire d’urgence3 . Il demeure encore aujourd’hui d’importants besoins en particulier en termes d’abri pour les populations affectées par l’ouragan Matthew, et plus récemment pour celles affectées par le tremblement de terre d’octobre dernier. Le secteur Abris/BnA estime que près de 494 000 personnes auront besoin d’une assistance en abris en 2019, notamment dans les zones rurales et difficiles d’accès des départements des Nippes, du Sud, de la Grand’Anse et du Grand Nord. Le secteur Éducation a estimé que près de 100 000 élèves des départements affectés par l’ouragan Matthew nécessitent encore un appui en kits scolaires et matériels pédagogiques, tandis que 23 000 élèves affectés par le séisme d’octobre ont besoin d’espaces temporaires d’apprentissage.

En 2018, la sécheresse a aussi fait son retour en Haïti après les périodes de 2015 et 2016 où elle avait entrainé des pertes de récoltes de plus de 50%. Alors que la saison culturale de l’automne 2017 avait donné des résultats encourageants pour la sécurité alimentaire, les campagnes agricoles de printemps et d’été 2018 ont été grandement perturbées par le manque de précipitations dans plusieurs zones du pays. Selon les résultats de l’analyse IPC réalisée par la Coordination Nationale de Sécurité Alimentaire (CNSA) d’Haïti en octobre et décembre 2018, on estime pour la période projetée de mars à mai 2019 que plus de 2,6 millions de personnes seront en situation d’insécurité alimentaire dont 571 000 en situation d’urgence (IPC phase 4) et auront besoin d’une assistance alimentaire. Près de 2 millions de personnes seront en situation de crise (IPC phase 3) et nécessiteront un appui au rétablissement de leurs moyens d’existence affectés par la sécheresse. Les départements ayant la proportion la plus élevée de personnes en situation de crise et d’urgence sont le Nord, Nord-Est, Sud-Est, Centre, NordOuest, Grand’Anse et Ouest.4 Comparativement aux données de l’année 2018, le nombre de personnes en insécurité alimentaire a doublé, passant de 1,3 à 2,6 millions de personnes.

Pour le secteur Nutrition, il est estimé que 39 000 enfants de moins de cinq ans vivant dans les zones touchées par la sécheresse qui a sévit au cours de l’année 2018 nécessiteront une prise en charge en 2019 afin de réduire les risques de morbidité et de mortalité liés à la malnutrition, parmi lesquels 26 000 enfants sont susceptibles de développer une malnutrition aigüe modérée et 13 000 de souffrir de malnutrition aigüe sévère.5 L’accès à l’eau potable de plus de 10 500 ménages dont certains ont des enfants souffrant de malnutrition aigüe est également essentiel pour permettre de rompre la chaine entre maladies liées à l’eau et malnutrition aigüe.

Au regard du secteur de la Protection, il est estimé que plus de 79 000 personnes retournées auront besoin d’une prise en charge spécifique, parmi lesquelles 17 000 enfants d’origine haïtienne retournés volontairement ou ayant été déportés par les autorités de République dominicaine auront besoin d’être réinsérés dans le système scolaire haïtien, en même temps que 12 000 personnes d’origine haïtienne retournées elles aussi dans les mêmes conditions qui auront besoin d’avoir accès à l’eau potable dans les hébergements provisoires et/ou au sein des communautés d’origine.

RENFORCER LA PRÉPARATION AUX DÉSASTRES NATURELS

Classé pays le plus vulnérable des régions Amérique latine et des Caraïbes et 14e6 pays le plus vulnérable au monde, Haïti est considérablement exposé aux chocs hydrométéorologiques et sismiques aux fortes conséquences humanitaires. L’ensemble du pays est à risque et principalement les centres urbains, les zones inondables, les zones côtières et les zones situées près de la faille tectonique qui traverse le Grand Nord. Plus particulièrement, les départements de l’Artibonite, du Centre, de la Grand’Anse, des Nippes, du Nord-Est, de l’Ouest, du Sud et du Sud-Est sont les plus à risque d’être affectés par des désastres naturels de sévérité majeure (– 3) et de sévérité critique (– 4) sur une échelle allant de 0 à 5. Plus de 568 000 personnes vivent dans ces zones.7 (Ce nombre a servi de base de référence aux secteurs pour définir leur nombre de personnes dans le besoin de mesures de préparation aux urgences, voir HNO pour plus de détails).

La gestion des risques et désastres est organisée autour de plusieurs entités, le SNGRD, le CNGRD et la DPC, (sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur) et appuyé par la Croix-Rouge haïtienne.
Le CNGRD (Comité National de Gestion des Risques et des Désastres) est la structure interministérielle qui coiffe le SNGRD (Système National de Gestion des Risques et des Désastres), lequel est responsable de la « direction, la coordination et l’évaluation » de la mise en œuvre des programmes et activités prévues dans le Plan National de Gestion des Risques et des Désastres (PNGRD). Le secrétariat exécutif du CNGRD est assuré par la Direction de la Protection civile (DPC) qui a été mise en place en 1997 et a pour rôle de coordonner les opérations d’urgences suite à un désastre avec l’appui de la Croix Rouge, des institutions étatiques, des organisations communautaires et de la société civile impliquées dans la prévention et la gestion des risques et désastres, mais aussi des partenaires humanitaires et des bailleurs.

La DPC dispose d’un COUN (Centre des Opérations d’Urgence National) et en région de COUD (Centre des Opérations d’Urgence Départemental) et COUC (Centre des Opérations d’Urgence Communal) mais ne disposant pas d’un budget adéquat, elle se trouve confrontée à d’énormes difficultés de fonctionnement qui entravent ses capacités à faire face aux situations d’urgence de son ressort. Une loi prenant en compte ces contraintes et modifiant son statut actuel a été déposée au Parlement et est en attente d’approbation ou révision.

Les 11 COUD et les COUC ont un besoin immédiat d’être équipés en moyen de télécommunication et logistiques, de disposer d’un budget de fonctionnement, d’un plan de gestion des risques et désastres, et de capacités de coordination selon un schéma clairement défini.

Dans ce contexte, et en continuité avec les efforts déjà menés en 20188 par l’ensemble des partenaires, le renforcement de la préparation aux désastres sera un pilier essentiel du plan de réponse humanitaire autour d’activités de préparation telles que : le pré-positionnement de stocks de contingence dans les départements stratégiques ; la disponibilité d’accord de contingence avec des prestataires de services financiers et des opérateurs de téléphonie mobile pour les modalités de transferts monétaires ; le développement de plans de contingence sectoriels et leur harmonisation avec les plans de contingence (national et départementaux) ; la construction/réhabilitation d’abris provisoires aux normes standards dans les zones les plus à risques ; la sensibilisation et l’appui aux populations à risques et aux communautés les plus vulnérables (le respect des normes de construction, le renforcement du système de surveillance alimentaire et nutritionnelle, la relance agricole, les activités de résilience/relèvement et moyens de subsistance ; des actions de formation continue auprès de tous les intervenants clés (formations, simulations, revue après action, etc.) et de l’appui direct pour les personnels et institutions en charge notamment de structures ou de responsabilité de coordination.

LUTTE CONTRE LES ÉPIDÉMIES

Tandis que la lutte contre l’épidémie de choléra qui persiste en Haïti depuis 2010 montre des résultats encourageants, les épidémies de diphtérie et de malaria qui se sont répandues depuis respectivement 2014 et 2003 sont en forte augmentation ces dernières années.9 Les secteurs Choléra et Santé ont estimé que plus de 333 000 personnes pourront être affectées par l’épidémie de choléra (dont environ 4 400 infectées) et environ 31 000 personnes infectées par les épidémies de diphtérie et de malaria. Les départements de l’Artibonite, du Centre et de l’Ouest sont les plus affectés par le choléra et la diphtérie, et les départements du Sud et de la Grand’Anse par la malaria.

Les besoins en détection, confirmation et investigation, et en prise en charge médicale adaptée et communautaire des cas de choléra, diphtérie et malaria, persistent sur presque tous les départements affectés du pays. La surveillance épidémiologique et de laboratoire, la prise en charge médicale et le système d’alerte et de réponse rapide communautaire qui sont en place et ont fait la preuve de leur efficacité, devront être maintenus en 2019 afin de couper la transmission du choléra, de la malaria et de la diphtérie et de sauver des vies. De plus, les vaccinations contre le choléra et la diphtérie nécessiteront d’être effectuées dans les zones de flambées, et l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement, qui sont les compléments indispensables de la lutte contre les épidémies, devront être renforcés dans les zones à risque de choléra et de malaria.

Le Gouvernement haïtien et les partenaires humanitaires sont engagés dans la lutte contre ces trois maladies à potentiel épidémique avec l’objectif de travailler à leur élimination en 2022. Ceci s’est traduit par le développement du Plan National d’Élimination du Choléra 2013-2022 (PNEC) et du Plan Stratégique National d’Élimination de la Malaria 2016-2022. Le PNEC a été élaboré par le Ministère de la Santé Publique et de la Population, en collaboration avec les partenaires, afin d’avancer vers une réponse durable en adressant le problème de l’élimination du choléra en trois temps : court, moyen, long terme et en travaillant sur quatre axes : Eau et Assainissement, Surveillance épidémiologique, Promotion de la Santé pour le changement de comportement et Prise en charge des personnes infectées dans les institutions sanitaires. La phase II ou moyen terme du PNEC est la phase actuellement en cours (2016- 2018).

En 2013, une étude de faisabilité de l’élimination de la malaria a été conduite pour appuyer les efforts des gouvernements de la République d’Haïti et de la République dominicaine dans leur objectif conjoint d’éliminer la malaria de l’ile. Elle a confirmé que si certains prérequis sont mis en place, cette maladie pourrait être éliminée d’Hispaniola vers 2020. Aussi, en souscrivant aux recommandations de ce rapport, le Gouvernement haïtien a élaboré un plan stratégique 2016 – 2022 qui oriente les interventions, avec les objectifs de réduire à zéro la mortalité liée à la malaria, d’arriver à une rupture de la transmission locale en 2020, de maintenir et de renforcer les acquis jusqu’en 2022.
L’explosion des chiffres de personnes infectées depuis 2 ans laisse entrevoir que l’objectif est encore loin et que d’importants efforts sont à engager. C’est pourquoi le Plan de Réponse Humanitaire a considéré à côté du choléra l’importance d’engager la lutte contre la malaria, mais également contre la diphtérie qui connait elle aussi une phase d’aggravation en nombre de cas.

RENFORCEMENT DE LA PROTECTION

Les communautés les plus affectées par les crises humanitaires sont également les plus vulnérables aux risques de protection. Environ 465 000 personnes sont particulièrement exposées aux abus, à la violence physique et sexuelle, à l’exploitation et à la marginalisation par la communauté. Selon l’enquête EMMUS VI de 2016-17, près de 29 pour cent des femmes âgées de 15-49 ans ont subi des actes de violence physique depuis l’âge de 15 ans, dont 10,5 % dans les 12 mois précédents l’enquête.10

37 500 personnes sont toujours déplacées depuis le tremblement de terre de 2010. D’autre part, le phénomène des enfants impliqués dans les formes inacceptables de travail domestique demeure préoccupant. Selon les estimations avancées ces dernières années, les chiffres des enfants travailleurs domestiques oscillent entre 170 000 et 400 000 enfants.11 Au total, un enfant sur cinq n’habite pas avec un parent biologique.12 La rupture de liens avec la famille nucléaire et/ou élargie expose les Haïtiens de tout âge et genre à un plus grand risque en protection.

Spécifiquement, les personnes vulnérables toujours déplacées internes depuis le séisme de 2010, les personnes d’origine haïtienne retournées volontairement/spontanément ou déportées en Haïti par les autorités dominicaines, les personnes à risque d’apatridie et victimes de la traite, les enfants séparés ou non-accompagnés, les survivants de VBG, les personnes vivants avec un handicap et les populations hautement marginalisées dont les personnes LGBT, les personnes vivant avec le VIH/SIDA et les travailleurs sexuels, constituent les personnes en besoin urgent de protection.

La protection des droits humains fondamentaux des plus vulnérables en particulier dans le cadre de la stratégie de Protection élaborée sous l’égide du groupe Protection et validée par le HCT+ et l’OPC13 en novembre 2018 nécessite d’être promue et renforcée en 2019, notamment à travers l’accès selon les standards minima à la prise en charge par les services psychosociaux, légaux, médicaux, et la réinsertion des victimes et survivants, mais aussi en assurant l’appui aux institutions publiques, aux organisations communautaires et de la société civile ayant mandat de protection, dans la mise en œuvre des mesures de renforcement de la protection.

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