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Haiti

Haïti : Une vie de déplacé !

Dans la commune de Croix-des-Bouquets, un camp dénommé « Santo 17 ». Inauguré depuis le 13 mars, ce centre, le premier du genre respectant les normes internationales, dispose à ce jour de quelque 170 tentes, et héberge près de 2000 personnes. Deux mois après le terrible séisme, les déplacés sont partagés entre satisfactions et la soif d'une vie normale, ce, devant certains besoins persistants...

Mardi 31 mars, « Santo 17 » également dénommé le site Men Nan Men /main dans la main, traduisant la solidarité entre les partenaires à l'œuvre sur place. Il est 11 : 00, et le soleil, comme à l'accoutumé, est au rendez-vous. Au total, 168 tentes sont fièrement dressées, et se distinguent en deux groupes : d'un coté les blanches et, de l'autre, celles de couleur kaki.

Et dans l'une des blanches, la famille Dorvil. A l'intérieur, pas plus de trois matelas, quelques effets vestimentaires entassés au fond et soigneusement protégés du regard étranger. Non loin de la « porte » d'entrée, quelques marmites, des bols plastiques, des gobelets et des bidons à moitié remplis d'eau. La réserve alimentaire de la famille Dorvil s'apparente à quelques sachets de riz, de maïs et de haricot...

Dans cette « pièce » chaude et puissamment éclairée, le père de famille, Revient Dorvil, la cinquantaine, sa femme, Rely Danise, la trentaine. Sur l'un des trois matelas de la tente, Peterson Dorvil, le dernier né d'à peine un mois est dans les bras de Morphée. Quand à sa grande sœur, elle est allée prendre part au programme de réjouissance initié à l'intention des petits rescapés. Parmi les locataires de la tente Dorvil figurent également la sœur de Rely, et ses deux enfants. Ces derniers sont sur la liste d'attente des futures tentes, mais en attendant, trouvent abri chez les Dorvil. Au total, sept personnes y vivent.

C'est l'heure du déjeuner. Heureusement, une marmite de « riz-pois » -il s'agit d'un mélange de riz et de haricot ici appelé riz national- et de la sauce tomate, préparée par maman Dorvil. Les enfants sont d'abord servis. Mais visiblement intimidés ou plutôt distraits par la présence étrangère, ces derniers n'ont pas l'air de réellement apprécier ce qui leur est servi.

La famille Dorvil est originaire de Santo 15, un quartier voisin. « Nous sommes ici dès le lendemain du tremblement. Sous l'effet des secousses, notre maison s'est écroulée avec tous nos biens, nous obligeant à trouver refuge ici avec d'autres voisins », raconte Revient. Et d'ajouter qu'« une fois ici, la vie n'est guère aisée. D'abord, sous des tentes improvisées, construites à l'aide de draps et matières plastiques, où nous sommes régulièrement inondés. Aujourd'hui, les tentes sont de meilleure qualité, mais nos problèmes ne sont pour autant pas finis. Malheureusement, nous n'avons pas le choix. L'essentiel est d'avoir eu la vie sauve».

Et outre la promiscuité à laquelle ils sont soumis, papa Dorvil lève volontiers le voile sur d'autres difficultés : insuffisance alimentaire. « Le plus souvent, nous mangeons une fois par jours. Il nous arrive de passer toute une journée sans rien avaler », dit-il, visiblement dépité. Et pour une femme allaitante, cela est entre autres synonyme d'«insuffisance de lait pour le nourrisson ».

Le même refrain est spontanément repris par Claire Mandesimis, 27 ans, et mère de cinq enfants. A l'instar de nombre de ses co-hébergés, Claire a « perdu maison et biens ». Aujourd'hui, elle inscrit parmi ses doléances plus de vivres pour elle et sa progéniture.

Au nombre des difficultés des déplacés...

Les habitants de centre d'hébergement font face à une insuffisance alimentaire. En effet, comme le souligne Ricardo Sopilveda, le directeur du centre, membre de la Défense civile dominicaine, «depuis l'installation de ce camp, nous n'avons reçu aucune vivre du Programme Alimentaire Mondial ». Une situation due au fait que « le PAM attend que toutes les tentes soient installés ».

Toujours selon M. Sopilveda, « tous les 3 ou 4 jours, nous procurons du riz et du haricot provenant de la République Dominicaine ». Et pour ce faire, l'équipe dirigeante de la Défense civile dominicaine, composée de 7 membres, est installée à Jimani, une ville frontalière dominicaine, située à 43 km de Croix-des-Bouquets. Et tous les jours, ils viennent apprécier le déroulement de la vie dans ce camp. Une mission qu'ils partagent avec 9 membres de la Protection civile haïtienne et quelques volontaires de Croix-des-Bouquets.

Coté approvisionnement en eau, près de 80 % des besoins du site sont couverts. En outre, le camp dispose d'une quarantaine de toilettes chimiques et de latrines sèches. Ce qui est loin d'être « combler les besoins des 2000 déplacés du centre ».

L'hygiène des déplacés demeure un grand défi pour l'UNICEF et ses partenaires, OXFAM, en appui à la Direction Nationale d'Eau Potable et de l'Assainissement (DINEPA), comme le souligne Jennifer Bakody de l'UNICEF. L'occasion pour elle de souligner le bon niveau de la collaboration entre les différents partenaires opérant sur le terrain.

Autre difficulté, celle relative à la sécurité. « Santo 17 » dispose actuellement de sept (7) agents sécuritaires, tous membres du comité de gestion du site. « Les artères du site sont devenus des raccourcis pour les passants », souligne Mathieu Jean Emile, agent de sécurité. Celui-ci déplore entre autres le fait que le site ne soit pas clôturé. Une responsabilité dévolue à l'ONG Plan International.

Dans ce registre figure également l'insuffisance d'éclairage du site, ce qui renforce ce sentiment d'insécurité des agents, ces derniers n'étant pas armés. « Fort heureusement, aucune incident n'a été déploré, les seules arrestations effectuées étant liées à des violences conjugales », à en croire Mathieu Jean Emile.

En attendant que soient trouvés des palliatifs à leurs problèmes, les déplacés vivent dans l'espoir d'un avenir meilleur où, pour eux, la vie ne se déroulerait plus sous les tentes, mais plutôt dans des maisons, leurs maisons.

Sur place, fort heureusement, les efforts vont bon train pour faire de ce rêve une réalité. En effet, nombre d'initiatives, à l'instar des celles de l'armée vénézuélienne qui propose la construction de 500 maisons, des centres de santé et d'établissements scolaires, ont cours, en même temps que se poursuivent le ramassage des débris avec la contribution des Etats-Unis.

D'autres initiatives telles celle de l'entreprise Maxima S.A. construit des maisons préfabriquées coutant 2.000 USD à partir du bois. Celles-ci sont capables de résister au séisme. Il convient également de souligner le bon déroulement du processus d'identification des habitations plus ou moins endommagées avec l'aide de la Banque Mondial et de l'UNOPS, qui opèrent aux cotés du Ministère des Travaux Publics Transport et Communication.

Mais à travers les camps de Port-au-Prince et d'ailleurs, ils sont des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants à attendre désormais que naisse des ruines pour eux une nouvelle vie...un meilleur avenir. Une porte vers la normalité.

Rédaction : Uwolowulakana Ikavi
Edition : Martine Denis Chandler