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Haiti

Haïti : Une gouvernance locale transparente et participative?

Les maires du département du Nord-Est, les Conseils d'administration des Sections communales (CASECs), les Assemblées des Sections communales (ASECs) ainsi que des organisations de la société civile se sont réunis à Ouanaminthe et à Fort Liberté, respectivement le 30 et 31 mars. Objectif : discuter de la nécessité de mettre en place un système de gouvernance locale transparent et participatif susceptible de permettre l'amélioration de la capacité de gestion des collectivités locales.

C'est autour du thème «pour une gouvernance locale haïtienne plus transparente » que 143 participants se sont réunis Ouanaminthe et 86 autres à Fort-Liberté, à l'initiative Ministère de l'Intérieur et des Collectivités territoriales. Et au cœur du forum, « la gestion collégiale et l'approche participative ». Une proposition innovatrice à l'étude au Ministère de l'Intérieur et des Collectivités territoriales.

« L'administration ne se fait pas en secret : il faut informer la population », lit-on en effet dans une brochure du Ministère de l'Intérieur. Cette approche participative a été mise en exergue par le Directeur du projet d'Appui à la Gouvernance Locale dans le département du Nord-Est, Wilfrid Bien-Aimé.

Ce modèle permettrait de responsabiliser davantage les autorités dans l'exercice de leurs fonctions. Ce résultat pourrait être obtenu en associant les populations aux processus de décision, ce qui faciliterait l'implication de tous dans la recherche des solutions aux problèmes de la commune.

« La participation inclusive des citoyens et citoyennes à la gouvernance de leur société apporte un soutien populaire accru aux programmes et aux initiatives économiques locales », précisait M. Bien-Aimé. L'approche participative assurerait ainsi une meilleure gestion des ressources publiques au profit des collectivités territoriales.

L'approche participative prônée par le Ministère se justifie par les « carences » des organes des Collectivités territoriales, dont les « dissidences » entre les membres d'un même Conseils. Comme le souligne Jacques Ferere Alexis, de la Section des Affaires civiles de la MINUSTAH, « des études menées en ce sens font état du non respect des principes caractérisant la bonne gouvernance locale ».

Autrement dit, la gestion des Conseils se caractérisent surtout par la mauvaise répartition des tâches, des problèmes de transparence dans la gestion financière, le manque de communication, le manque de respect mutuel et les prises de décision unilatérales.

Pour être efficace, l'approche participative requiert une gestion collégiale. Celle-ci « favorise l'autonomie de groupe, la responsabilité personnelle, la participation volontaire sous le contrôle d'un chef élu. C'est le renforcement de la concertation et de l'idée que la propreté publique, c'est l'affaire de tous ». La collégialité implique, en effet, « un partage de l'autorité et des responsabilités entre collègues ».

Or, souligne Jacques Ferere Alexis, la Constitution haïtienne n'a pas prévu une institution intermédiaire qui puisse réunir au niveau des communes les élus locaux (CASECs, ASECs, délégués de ville) et le Conseil municipal afin de permettre de mieux canaliser les besoins des sections communales. Aussi, la solution préconisée par le Ministère de l'Intérieur est-elle la création d'un « Collège Communal ».

Le Conseil Municipal nommerait la plupart des membres du Collège. Celui-ci comprendrait également des représentants de la société civile et des institutions publiques de la commune.

Entre autres fonctions, le Collège Communal veillerait à la gestion des finances de la commune et à l'entretien des propriétés et des voiries. Il permettrait d'aboutir à une « administration municipale transparente, démocratique et inclusive », tout en associant d'autres secteurs qui « canaliseraient mieux les vrais intérêts de la population ».

Des défis à relever

Le fonctionnement en synergie de tous ces secteurs stimulerait le développement local au service de l'intérêt général. Cependant, cette nouvelle approche est susceptible de faire face à de la résistance au changement de la part des membres des Conseils municipaux, détenteurs jusqu'à présent du pouvoir de décision et jouant le rôle d' « exécutif » au niveau communal.

« Cette approche participative auront des difficultés à atterrir », disait le Maire de Fort-Liberté, Moise Charles Pierre, également porte-parole de l'Association des Maires du Nord-Est. Selon lui, elle demanderait d'abord « une vaste campagne de sensibilisation pour que la population comprenne son rôle à jouer en ce sens ». Par ailleurs, poursuit-il, « les influences politiques risqueraient de s'y mêler, empêchant la bonne marche de la gestion collégiale ».

Une position que ne partage pas, toutefois, Jacques Ferère Alexis. Pour lui, la gestion collégiale aiderait à harmoniser les relations entre le Conseil municipal et les CASECs, en raison d'un meilleur partage des flux d'informations à travers une structure plus horizontale, comme le serait le Collège Communal.

Abondant dans le même sens, le Directeur du projet d'Appui à la Gouvernance Locale dans le département du Nord-Est, Wilfrid Bien-Aimé, a signalé qu'« à l'heure actuelle, c'est plutôt une relation fonctionnelle et non hiérarchique qui devrait exister entre les CASECs et les maires ». La réussite de l'approche devrait d'abord passer par la bonne volonté personnelle et politique des acteurs concernés, reconnaît-il.

Sur le plan économique, une bonne gestion collégiale dépendrait également de la quantité de fonds dont les Mairies disposeraient pour faire face à leurs obligations, comme le fait remarquer Gabriel Augustin, Directeur des Impôts de Fort-Liberté, dans son intervention sur «la fiscalité locale et la prestation de services publics ». Un problème auquel la quasi-totalité des administrations communales sont aujourd'hui confrontées.

Il est à noter que les forums « Pour une gouvernance locale haïtienne plus transparente » font l'objet d'une campagne nationale à l'intention des représentants des collectivités locales et des organisations de la société civile. Une campagne lancée par le Ministère de l'Intérieur avec le support de l'Unité d'Appui Institutionnel de la MINUSTAH.

Des forums identiques seront tenus dans tous les départements du pays. D'ailleurs, le département du Sud-Est a déjà été le siège d'une telle rencontre. Celle-ci s'est déroulée le 31 mars dans la Section communale des Orangers et a réuni quelque 48 participants, dont les responsables des mairies de Bainet et de Cote-de-Fer et de leurs 15 Sections communales.