A Cité Militaire, l'Unité de Police Constituée ou FPU (Formed Police Unit) sénégalaise a réussi la prouesse de s'intégrer complètement à la population locale. N'ayant ni barrière de langue ni barrière culturelle, ils offrent tous les jours aux habitants de Cité militaire la fameuse «téranga», l'hospitalité sénégalaise.
«Le Sénégal est un pays de la téranga. Partout où le Sénégal participe à une Mission de maintien de la paix, nous nous déplaçons avec cette valeur». Ainsi parle le Lieutenant-colonel Mamadou Ndao, commandant de l'Unité sénégalaise de Police constituée.
Il nous accueille dans un bureau très modeste, sans luxe, avec pour tout décor, un drapeau de l'ONU au fond de la pièce, près de celui de la République du Sénégal. Une photo du patron de la gendarmerie sénégalaise surplombe la pièce. Sur le mur, à droite du bureau, est accroché un «calendrier des Forces Armées Sénégalaises» ainsi qu'une carte, grandeur nature de Port-au-Prince, la capitale haïtienne, où se trouve déployée cette unité de la gendarmerie sénégalaise spécialisée notamment dans le maintien de l'ordre, la gestion des foules et la police anti-émeute.
Les FPU sénégalais sont au nombre de 85. C'est le plus petit contingent FPU. Tous sont basés à Port-au-Prince. Ce qui ne les empêche pas d'intervenir à l'intérieur d'Haïti, dans le cadre d'opérations ponctuelles.
Après notre premier entretien, le Lieutenant-colonel Ndao sort, sans escorte, de son bureau et sympathise, dehors, avec des marchands haïtiens. Ces riverains et bons voisins, le chef FPU les connaît, tous ou presque, par leur prénom. Il se réjouit, d'ailleurs, de découvrir en Haïti des noms d'origine sénégalaise, tels Biagui ou Diémé, et se plait à rappeler qu'Haïti partage des racines culturelles avec l'Afrique et que Dakar et Port-au-Prince se trouvent sur la même latitude.
La générosité des Sénégalais ne passe pas inaperçue dans ce quartier pauvre de Port-au-Prince. La FPU leur offre des soins médicaux gratuits et partagent avec eux leur pain quotidien.
Depuis leur arrivée à Cité Militaire, en fin Avril 2007, ce sont plus de 3.500 personnes qui ont été soignés. «Ils sont plus de 500 personnes par mois à nous rendre visite pour des consultations gratuites», explique le Docteur Ibrahima Diallo, qui ajoute que «parmi les cas les plus fréquents, il y a le paludisme, la grippe, les IST (Infections Sexuellement Transmissibles) ou d'autres maladies qui nécessitent de la petite chirurgie». Les cas nécessitant une hospitalisation sont référés aux hôpitaux civils haïtiens.
A la demande des marchandes, les Gendarmes sénégalais ont installé des lampes pour éclairer la devanture de la base, permettant ainsi aux riverains de faire leur marché durant la nuit, jusqu'à 22 heures, ou à leurs enfants de venir étudier grâce à l'éclairage nocturne.
Esther, vendeuse, depuis 6 ans, apprécie la gentillesse de la FPU sénégalaise et explique que, grâce à l'initiative, elle se sent en sécurité et que ses ventes se sont améliorées durant la saison des fêtes.
A l'heure du déjeuner, les gendarmes sénégalais partagent régulièrement leur nourriture avec des habitants de ce quartier pauvre.
«Nous sommes tenus de faire de l'action sociale», explique le Lieutenant-colonel Ndao, ajoutant que «c'est un réflexe naturel des Sénégalais. Et c'est pareil dans toutes les missions de paix : au Congo, en Côte d'Ivoire au Libéria ou au Soudan...partout. Nous ne pouvons manger tranquillement quand nous savons qu'autour de nous les gens ont le ventre affamé!»
La charité des sénégalais a même été vantée auprès du Chef de l'Etat qui leur a rendu visite, il y a quelques mois de cela.
Cette générosité va au-delà du quartier où ils sont cantonnés pour s'étendre à une grande partie de Port-au-Prince. Sur une base mensuelle, ils pourvoient en nourriture pas moins de cinq orphelinats de la capitale haïtienne, selon le témoignage de leur commandant.
Pourtant les attributions des gendarmes sénégalais sont nombreuses : ils participent à la formation de la police haïtienne, à la sécurisation de la population locale, à celle du personnel et des installations des Nations-Unies, assurant également la protection de hautes personnalités nationales et internationales.
En 2007, ils ont participé à «des opérations à haut risque conduisant à l'arrestation de grands criminels à Cité Soleil, à Bel-Air ou à Petit-Goâve», se rappelle le Commandant adjoint et chef des opérations, Crépin Arsène Sambou. Au passage, il a salué le comportement de ses hommes qui, dans des situations difficiles, «parviennent à amener des populations hostiles à de meilleurs sentiments. C'était le cas à Cabaret au Nord de Port-au-Prince où une population en colère a coupé la route et nous a jeté des pierres. Sans tirer une seule bombe lacrymogène et sans frapper personne, nous avons finalement réussi à y rétablir l'ordre». Aussi, convient-il de souligner, au passage : en matière de maintien de l'ordre, il vaut mieux tabler sur la négociation et la sagesse que sur la force ou la violence!
Le Commandant adjoint de la FPU sénégalaise, Arsène Sambou met le succès de leur intégration et des interventions au compte de leur conception des notions de «force et sécurité». Il énumère avec satisfaction les retombées de l'approche communautaire de l'Unité sénégalaise de Police Constituée: «Au-delà même de cet aspect du partage, il y a, à travers ce geste, l'avantage même de se faire accepter par la population locale. Parce que, plus nous sommes proches de la population locale, plus nous comprenons sa souffrance, plus cette population est disposée à accepter l'aide prodiguée et plus aussi elle est disposée à nous aider à obtenir des renseignements», a-t-il expliqué.
Les marchandes saluent toutes, avec gratitude, la convivialité et l'humanité des gendarmes sénégalais.
Et Esther de conclure, philosophe : «un tel comportement de générosité et de partage doit nous servir d'exemple, à nous les Haïtiens!».