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Haiti

Haïti : Le droit des enfants à vivre en famille

La Convention internationale relative aux droits de l'enfant" (CIDE) a été adoptée le 20 novembre 1989 par l'Assemblée générale des Nations Unies. Depuis, 192 Etats, dont Haïti, l'ont ratifiée. Toutefois, de par le monde, les enfants continuent d'être victimes de différents maux qui, de par leur caractère crucial, interpellent plus d'un. Ici et ailleurs, la lutte se poursuit pour que le respect du droit des enfants soit enfin une réalité.

Exploitation sexuelle, pornographie mettant en scène des enfants, mutilation, trafic, recrutement et enrôlement des enfants dans les groupes armés... la liste est bien longue des maux qui affectent les enfants de par le monde. Les droits des enfants sont l'objet de violations majeures aux conséquences multiples.

En effet, le rapport « SOS, Enfants en danger, du 2 mars 2006 de l'UNICEF » dénombrait 300.000 enfants en domesticité dont 75% sont des filles, 2.000 en situation de rue à Port-au-Prince, 200.000 orphelins du Sida.

Ensemble, les chiffres évoqués traduisent une réalité commune : la séparation des enfants avec leurs parents, et ce, en violation de l'article 9 de la Convention Relative aux Droits de l'enfant. Celui-ci stipule en effet que « les Etats partie veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents ».

Les dispositions de la Convention en ce qui a trait à la non séparation de l'enfant avec ses parents ne sont pas nouvelles. Déjà la Constitution de 1987, en ses articles 259 et suivants posait la famille comme socle du développement de l'enfant et enjoint l'Etat à lui fournir une protection articulée.

L'Article 9 de la Convention Relative aux Droits de l'Enfant statuant sur le droit de l'enfant de ne pas être séparé de ses parents se décline en différents points :

Il s'agit d'abord de l'impérieuse nécessité pour l'enfant d'être gardé auprès de ses parents le plus que possible, nonobstant certaines situations d'exception (décision judiciaire confiant la garde à l'un des deux parents, famille dysfonctionnelle, migration ou emprisonnement des parents ) où dans l'intérêt supérieur de l'enfant, il peut être placé en dehors du milieu familial d'origine.

Et ensuite, la garantie du maintien des liens familiaux lorsque la séparation avec les deux ou avec l'un des deux parents même dans le cadre de situations extrêmes (telles l'emprisonnement, l'exil, l'expulsion, la mort...) s'imposent.

Dès lors, l'évocation récurrente de l'élément familial au niveau de ces trois textes évoqués permet de conclure au caractère fondamental de la famille dans l'évolution même de l'enfant et dans le devenir de la société. A la famille revient également le devoir de protection, de soins affectifs, sanitaires, d'obligation morale et matérielle à l'endroit de l'enfant, dont la subsistance, la détermination du domicile de l'enfant, entre autres.

Entre autres situations identifiées comme favorisant la rupture des liens familiaux figurent la domesticité, le trafic, l'implication dans les groupes armés, l'incarcération de l'enfant ou de ses parents, la séparation suite aux catastrophes naturelles, le placement en orphelinat, le refoulement sur le territoire d'origine de migrants clandestins sans leurs enfants.

Ces situations ne sont pas sans conséquences sur l'enfant puisqu'elles génèrent trop souvent la maltraitance, les sévices physiques, le rejet, les abus sexuels, la négligence, voire une précarité accrue. Par ailleurs, elles sapent l'univers psychique et physique de l'enfant, amenuisent ses potentialités et pèsent lourd sur son futur en tant qu'être à part entière, citoyen en devenir.

Responsabilité de l'Etat

Par la signature et la ratification sans réserves de la Convention Relative aux Droits de l'enfant, l'Etat haïtien a contracté une obligation positive, donc exécutoire et dont l'effet juridique est l'adoption de toutes les mesures susceptibles de faciliter la mise en œuvre des prescrits de la Convention qui s'incorpore au droit positif haïtien.

Dès lors, en ce qui a trait à l'application de l'article 9, l'Etat haïtien a la double responsabilité d'adopter toutes les mesures pour que l'enfant ne soit pas séparé de sa famille. Il importe également de veiller à ce que même dans les situations d'exception où cette séparation surviendrait que les liens familiaux ne soient pas rompus.

Cette double responsabilité inclut l'élaboration, par les organes concernés, d'un plan national stratégique devant faire la radiographie des situations séparant l'enfant de sa famille et indiquant les mesures de redressement.

Elle concerne également le renforcement des capacités budgétaires et institutionnelles de l'Institut du Bien Etre Social et de Recherches, devant lui permettre d'exécuter son mandat qui consiste entre autres à promouvoir l'évolution de l'enfant au sein de sa famille, de lutter contre les causes qui séparent l'enfant de sa famille dont la traite et le trafic, l'adoption internationale illégale, et dans des cas exceptionnels, de procéder au placement des enfants dans un milieu approprié autre que le milieu parental , toutes les fois que la famille d'origine se révèle dysfonctionnelle.

Il s'agit aussi de la mise en œuvre d'un plan de sécurité sociale et d'allocation familiale, devant venir en appui aux familles en situation de précarité, ainsi qu'une approche holistique basée sur une protection réelle de la famille et de l'enfance et une saine distribution de la justice des mineurs.

Appui de la MINUSTAH

A l'occasion de la journée internationale des droits de l'Enfant, l'Unité de la Protection de l'Enfant de la MINUSTAH se donne pour mission d'attirer l'attention des familles et des acteurs concernés sur la situation criante des enfants qui traversent les frontières haitiano dominicaines dans des conditions attentatoires à leurs droits en violation des prescrits des instruments internationaux.

L'Unité de la Protection de l'Enfant de la MINUSTAH se penchera également sur la situation des mineurs en situation de rues, dont le nombre grossit permanemment, de ceux exerçant les pires formes de travail dans le cadre de la domesticité ou autres situations.

A travers son Unité de la Protection de l'Enfant, la MINUSTAH se propose de rappeler à l'Etat haïtien l'obligation positive qu'il a contracté en ratifiant la Convention Relative aux Droits de l'Enfant de veiller à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents et renouvelle, par la même, son engagement à continuer d'apporter son support à l'Etat, à travers notamment l'appui à l' Institut du Bien-être Social et de Recherche (IBESR) dans le cadre de la réunification familiale de plusieurs dizaines d'enfants victimes de traite.

L'Unité de la Protection de l'Enfant appuie également l'IBESR dans le cadre de la recherche familiale d'enfants en conflit avec la loi et leur placement dans leur milieu familial. Cet appui va aussi à la Brigade de Protection des mineurs, dans la conduite d'enquête dans des orphelinats ou des pédophiles avaient commis des abus sexuels sur des mineurs.

L'IBESR bénéficie en outre de l'appui de la MINUSTAH dans le processus de cartographie des orphelinats en vue de sévir contre l'illégalité et de prévenir des violations majeures des droits de l'enfant, dont la traite et le trafic, les abus sexuels.

A travers les départements du pays et de concert avec les principaux acteurs du pays, l'Unité de la Protection de l'Enfant œuvre dans la sensibilisation de la population sur l'importance du respect du droit des enfants.

La route vers la mise en œuvre de l'article 9 de la Convention est certes longue dans un pays marqué par la précarité et la désagrégation graduelle des familles. Cependant une volonté politique réelle et la mise en commun des synergies des différentes entités concernées peuvent en venir à bout et offrir une meilleure chance à l'enfant de vivre dans une famille et de recouvrer son enfance.