Boue, flaques d'eau, poussière... c'est le paysage post-ouragan des Gonaïves. Une situation qui laissait craindre des d'épidémies. Mais les mesures préventives prises par les autorités locales de la santé et la communauté internationale ont permis d'éviter ce scénario catastrophe.
«L'un des principaux éléments ayant permis d'éviter les épidémies jusqu'à présent est la forte résistance des populations à plusieurs maladies», explique Vikki Stienen, le coordonnateur local de l'ONG Médecins Sans Frontières (MSF)- Belgique.
Des mesures urgentes ont, cependant, été prises par les acteurs impliqués dans les questions de santé au lendemain de la catastrophe. En effet, un hôpital de campagne a été ouvert, à l'initiative de la Direction départementale de la santé dans la zone non inondée de Gattreau, notamment dans les anciens locaux de l'ONG CARE.
Cette initiative soutenue par l'Organisation mondiale de la Santé (OPS/OMS) et MSF a permis de faire face aux cas graves : accouchements, opérations chirurgicales... Surtout que le principal centre hospitalier du département, l'Hôpital La Providence, avait été complètement inondé.
De même, les cliniques mobiles de la Croix Rouge Haïtienne ont permis de soigner les blessés légers et de répondre aux besoins urgents des populations en soins de santé de base.
Pour contrer la malaria, suite aux quelques cas déclarés, les responsables de l'Organisation panaméricaine de la santé et l'OPS/OMS ont procuré plus de 25.000 moustiquaires imprégnées, le 23 octobre, aux populations des Gonaïves.
«On craignait une dangereuse prolifération de moustiques dans la ville qui peuvent transmettre la malaria», explique Jean-Philippe Breux de l'OPS/OMS.
Cette opération, coordonnée par la Direction sanitaire de l'Artibonite, est donc arrivée à un moment où la population était devenue de plus en plus vulnérable face aux risques d'attraper la malaria. La présence, en effet, de mares d'eau en grande quantité dans la ville favorise la multiplication des moustiques porteurs de la malaria.
Etant imprégnées d'insecticides, les moustiquaires peuvent non seulement protéger contre les piqûres des moustiques mais aussi les tuer s'ils s'en approchent. Même lorsqu'elles sont déchirées, elles continuent à être efficaces. D'ailleurs, elles ont une durée vie d'environ cinq ans.
Ainsi, poursuit Dr Breux, «la distribution gratuite de moustiquaires devient un élément clé dans la lutte contre la malaria, particulièrement dans des pays comme Haïti où le niveau de pauvreté est très élevé ».
Pour faciliter l'accès à un grand nombre de bénéficiaires, les responsables du Ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) ont mis en place 31 centres de distribution, selon le directeur départementale du MSPP, Carl Murat Cantave. Dans chaque centre, une équipe explique le mode d'emploi des moustiquaires avant de remettre la précieuse couverture aux bénéficiaires.
Le Dr Cantave salue cette initiative. « On doit s'attendre à une diminution des cas de malaria dans la région », justifie-t-il. Il se félicite également des bons rapports entre la Direction sanitaire de l'Artibonite (DSA) et des Organisations non gouvernementales (ONG) œuvrant dans le domaine de la santé aux Gonaïves. « Nos relations avec les partenaires sont très bonnes et j'en suis satisfait », affirme-t-il.
La question de la gestion de l'eau a également mobilisé tous les acteurs de la santé. En dépit des importants dégâts enregistrés au niveau du système de distribution, les organisations comme MSF, Oxfam, Action contre la faim (ACF) ont atteint une capacité totale de production s'élevant à un million de litres d'eau par jour. Environ 650.000 litres sont distribués au quotidien dans une centaine de points à travers la ville.
Quant au Service national d'eau potable (SNEP), la structure étatique en charge de la production et de la distribution de l'eau potable, elle ne parvenait à satisfaire que 20% de la demande, avant les ouragans de septembre.
Aujourd'hui, la préoccupation majeure de la population reste la poussière. Les trois millions de mètres cubes de boue qui se sont déversés sur la Cité de l'Indépendance semblent s'être transformés en autant de quantité de poussière. Il est difficile de respirer aux Gonaïves.
« Après la pluie, nous ne savons pas quel autre drame se noue avec cette poussière. On n'en a jamais vu autant. Vous en avez partout, même jusque dans le porte-monnaie », s'inquiète Me Berthaud, avocat au barreau des Gonaïves.
L'air est suffocant et il est parfois impossible de voir au-delà de 10 mètres. Malgré les gros efforts faits par la communauté internationale et les autorités nationales, les défis restent grands.
Cependant, cette situation n'inquiète pas les spécialistes de la santé. « Vous savez, il est difficile de ne pas enregistrer des cas d'épidémies après un désastre naturel. La question de la poussière est moins préoccupante. Il est plus important d'enlever la boue qui est beaucoup plus nuisible à la santé », soutient Vikki Stienen de MSF.
Le spécialiste assure que jusqu'à présent, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. « Il n'y a pas de recrudescence de cas de maladies respiratoires. Il ne s'agit pas d'une poussière dangereuse », poursuit-il.
Si l'on en croit les données fournies par la coordination humanitaire, jusqu'à date, moins de 20% des trois millions de mètres cubes de boue ont été enlevés de la Cité de l'indépendance. Pour cette opération, les services du Conseil National d'équipement (CNE) ont besoin d'au moins 200 camions de grande capacité. Or, seulement une quarantaine de camions sont disponibles.
Un total de 100 millions de dollars serait nécessaire pour l'assainissement de la ville des Gonaïves. A ce jour, moins de 50% de ce montant ont été recueillis. Une situation qui ralentit le processus de rétablissement d'un environnement viable aux Gonaïves.