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Haiti

Haïti : Emploi et protection de l'environnement grâce aux pneus usagés

L'environnement constitue l'un des plus grands défis actuels en Haïti. Il est menacé autant par l'érosion des mornes que par la pollution provoquée par des déchets comme les pneus usagés. Un constat qui a porté la Section Réduction de la Violence Communautaire (RVC) de la MINUSTAH à monter un projet alliant écologie et apaisement social.

Depuis deux semaines, une vingtaine de jeunes provenant pour la plupart du wharf de Jérémie (port situé à Cité Soleil) sont impliqués dans la construction de seuils en pneus usagés à Morne à Cabri (20 km de Port-au-Prince). Un projet pilote qui, d'une part, vise à contribuer à la protection de l'environnement « en apprenant à des jeunes provenant d'un quartier à risque à utiliser des matériaux de récupération ». Il entend, d'autre part, favoriser la réinsertion sociale de ces jeunes en leur offrant une opportunité d'emploi à court terme.

Dans le cadre de la réalisation du projet, la Section RVC de la MINUSTAH a formé des groupes mixtes. Les jeunes de Cité Soleil travaillent aux côtés de leurs homologues de zones rurales. Une initiative qui vise à donner à ces deux catégories de jeunes la possibilité de partager leur réalité de vie en milieu urbain et rural. «C'est assez enrichissant comme expérience », avoue l'un des bénéficiaires, Snyder Sené, (26 ans), habitant du Warf de Jérémie.

Il se réjouit aussi que ce travail va aider à réduire les dégâts causés par l'eau qui dévale des pentes du Morne à Cabri. « Au moins l'intensité de l'eau sera moindre dans les villes situées en aval des montagnes en cas de fortes averses », souligne-t-il.

Un autre bénéficiaire, Johnny Occivil (24 ans), résident de la commune de Thomazeau, se félicite de la possibilité que lui offre le travail de s'occuper et de gagner en même temps un peu d'argent. «Je suis maçon, mais généralement je suis au chômage. C'est pour cette raison que je me suis inscrit pour participer à ce projet », dit le jeune homme.

De son côté Jean David (20 ans), jeune habitant du quartier défavorisé du Warf Jérémie pense qu'un tel projet permet de maintenir loin du banditisme des jeunes comme lui. Si de son côté, Jean David a fait le choix du travail, nombre de jeunes de son quartier se sont laissés séduits par des activités illicites faute de travail.

Financé à hauteur de 161.100 gourdes, ce projet d'utilisation des pneus pour réduire les effets de l'érosion entre dans le cadre d'un plus grand projet d'aménagement des bassins versants de Morne à Cabri. Un projet qui engage au total plus de 200 jeunes. Et la plupart des seuils sont construits en roche.

Le projet de RVC est réalisé en partenariat avec l'architecte haïtien Gary Pierre-Charles qui dispose d'une grande expertise dans le travail de recyclage de pneus destinés à être utilisés dans le cadre de la protection de l'environnement. Dans son travail, la RVC obtient aussi l'appui du Groupe de recherche et d'intervention pour le développement alternatif (GRIDAP), une ONG haïtienne qui fait de la sensibilisation selon une approche communautaire. Cette institution organise à l'intention de ces jeunes des séances de sensibilisation à caractère civique notamment.

L'utilisation des pneus usagés comme matériau de travail découle du constat de leur large disponibilité dans l'environnement haïtien. Etant donné qu' « ils ne sont pas collectés et entreposés correctement, ils représentent un danger pour la sécurité ».

Et Gary Pierre-Charles d'expliquer que ce projet permet « une utilisation plus rationnelle des pneus qui ne sont pas stockés dans des décharges spéciales comme c'est le cas dans d'autres pays ». De plus, selon l'architecte, une telle action permet de résoudre plusieurs problèmes à la fois, à savoir : l'assainissement des villes, leur protection contre les inondations, la conservation des sols et la création d'emplois.

Aussi, la RVC a envisagé de les utiliser « comme moyen alternatif de consolidation de sol », souligne Mme Stéphanie Ziebell, chef de l'Unité Monitoring et Evaluation de la Section RVC de la MINUSTAH. « Comme il n'y a pas assez de roches sur le site même, nous avons eu l'idée d'utiliser les pneus », fait savoir en effet Mme Ziebell.

Avant le travail effectué à Morne à Cabri, une douzaine parmi ces jeunes ont participé à la préparation des pneus. Cette phase des travaux s'est déroulée dans une base de la MINUSTAH à Tabarre. Elle a été réalisée et coordonnée par Gary Pierre-Charles, sous la supervision du personnel de la RVC.

Durant deux journées, quelque 600 pneus ont été triés, lavés et découpés afin de pouvoir être disposés sur le flanc du bassin versant choisi dans le cadre du projet. A cet effet, les jeunes ont utilisé des scies sauteuses, couteaux, limes, savon liquide, brosses, craies, décamètres, peinture spray notamment.

Ensuite, les pneus ont été transportés à Morne à Cabri. Cette tâche a été confiée aux casques bleus de la Compagnie de Génie brésilienne. Et le travail de consolidation de sol a pu débuter.

Sur les flancs du Morne à Cabri, les jeunes sont en train de construire quelque 90 mètres linéaires de seuils à l'aide des pneus. Ils travaillent par groupes de huit construisant trois murs secs simultanément.

Dans un premier temps, les endroits devant loger les seuils ont été repérés. Ensuite, les pneus sont placés et remplis de sable en provenance d'une carrière limitrophe. Les jeunes répandent de la terre autour et à l'intérieur des pneus. Celle-ci est ensuite damée afin de renforcer la structure.

Ce projet pilote semble éveiller un certain intérêt chez les participants qui demandent aux autorités de penser à eux. Aussi, l'un des jeunes, Jean David, rappelle que son quartier est dénué d'infrastructures de base. Et comme lui, ils sont une force disponible qui pourrait être utilisée dans des travaux d'assainissent, de construction de routes ou de protection de l'environnement comme ils le font à Morne à Cabri.

Rédaction : Hugo Merveille
Edition : Faustin caille