Cet après-midi du mercredi 5 novembre restera certainement gravé dans le cœur des élèves de l'école KOPADIM. Ils ont assisté à un spectacle de clown. Un événement inhabituel dans leur école, qui leur a procuré beaucoup de joie et de rires, égayant ainsi leur quotidien d'enfants de quartier difficile.
Sagement assis dans une salle aménagée pour l'occasion, les 250 écoliers du KOPADIM, une école située à Maritssant, quartier chaud de Port-au-Prince, attendaient des « invités de marque ». Et ces « personnes importantes » qui devaient leur rendre visite à leur école, ce mercredi après-midi, étaient des clowns.
Cependant, à leur arrivée, la sage atmosphère qui régnait s'est transformée en véritable tohu-bohu. Des éclats de rire fusant de tous les coins de la salle saluaient les visiteurs qui faisaient leur apparition sur la scène de fortune construite pour la circonstance. Tout de suite en effet, les clowns ont créé de la joie parmi ces enfants qui en ont tant besoin.
Vêtus de larges salopettes, un nez rouge « planté » au milieu du visage illuminé par un large sourire, les clowns Steve et Gautier ont entrainé ces enfants dans un univers enchanté et magique à travers leurs pitreries de tout genre. Acrobaties, musiques, bouffonneries, joyeuses farces, personnages imaginaires prenant vie à travers des corps en plastique. Du merveilleux pour ces enfants plutôt habitués aux dures et parfois cruelles réalités d'un quartier difficile et jadis en proie à la violence armée.
«Les clowns m'ont fait beaucoup rire. Ils m'ont apporté de la joie », témoigne, visiblement enchantée, Lovy, une adolescente de 17 ans en 4ème année du cycle primaire. « Merci pour tant de rire », a-t-elle également dit. Plus qu'un moment de détente, c'est du rêve et de l'espoir qu'ont apportés ces artistes de l'organisation Clowns Sans frontières Belgique, à ces enfants au vécu difficile.
Ces enfants font tous partie de KOPADIM, une école créée par des femmes du quartier de Martissant regroupées au sein de l'organisation du même nom : «Comité de Parents en Difficulté de Martissant ». Depuis deux ans, cette organisation bénéficie en effet du support financier de la MINUSTAH.
«Ces femmes ont constaté que leurs enfants avaient de grandes difficultés scolaires après les divers traumatismes qu'ils ont subis. Aussi ont-elles fondé le KOPADIM qui comprend une école primaire et une école professionnelle», a expliqué la coordonatrice du KOPADIM, Chantale Duméra.
Ces filles et garçons ont été victimes de près ou de loin de la violence qui sévissait dans le quartier de Martissant. Certaines filles, les plus âgées qui fréquentent l'école professionnelle, ont été victimes de violence sexuelle. Certains des adolescents ont, quant à eux, été impliqués dans des actes de violence.
En effet, comme le souligne Steve, «ces enfants ont perdu brutalement leur innocence. On leur a volé leur enfance. Nous sommes venus vers eux pour leur permettre de retrouver une partie de cette enfance, cette période de la vie faite de rêves, de rires. Nous sommes là pour le leur apporter ».
Et Gauthier de renchérir : « il importe peu pour nous de savoir qui est cet enfant en face de nous. Ce qui est essentiel, c'est qu'en retrouvant son rire, il se réapproprie ses rêves, son imaginaire. Dans nos spectacles, nous faisons toujours en sorte que des enfants du public participent avec nous. Ils sont devant les autres et ils sont applaudis. C'est une façon pour nous de leur dire que vous êtes quelqu'un, plein de capacités et de promesses ».
Les magiciens du rire ont aussi adressé un message sérieux aux enfants. Soucieux des problèmes environnementaux qui menacent la planète, les clowns exhortent les plus jeunes à protéger ce important patrimoine de l'humanité.
D'ailleurs, ils sont les premiers à donner l'exemple. En effet, les accessoires utilisés lors de leurs spectacles, tels que marionnettes, serpentins et autres, sont faits avec des déchets recyclables. Les marionnettes sont fabriquées avec des sachets en plastiques et les instruments de musiques, à partir de bidons également en plastique.
«Nous voulons montrer aux enfants qu'il est important de se soucier de tout ce qui peut nuire à l'environnement. En outre, nous leur montrons qu'avec un peu d'imagination on peut créer à partir de peu », souligne Steve.
Venus en Haïti à l'invitation de Médecin Sans Frontières, Steve et Gauthier resteront un mois au pays. Ils déambuleront gaiement dans certaines zones d'Haïti, notamment Gonaïves et Cabaret, deux des principales zones touchées par les dernières intempéries. Pour chaque enfant, ils amèneront en cadeau, dans leur sac de voyage, du rire et de la joie de vivre.