Résumé analytique
Depuis la dernière mise à jour de l'IJDH sur les droits humains et l'État de droit en Haïti en juin, l'insécurité et les crises humanitaires déjà catastrophiques se sont encore aggravées. Le Conseil présidentiel de transition (CPT) - chargé de mettre en œuvre un accord politique conçu pour ouvrir la voie à des élections et à un gouvernement fondé sur les droits, de lutter contre l'insécurité d'une manière qui mette l'accent sur la souveraineté haïtienne, et de garantir la justice et la responsabilité - a eu du mal à remplir ses obligations. Au lieu de cela, il y a des preuves que le CPT répète les schémas de corruption et d'accaparement de l'État qui ont défini les 14 années précédentes des régimes affiliés au Pati Ayisyen Tèt Kale, soutenu par les États-Unis.
Au cours de cette période, les violations du droit à la vie et à la sécurité de la personne se sont multipliées et le gouvernement n'a pas pu ou voulu les contrôler, malgré le déploiement partiel de la Mission Multinationale d'appui à la sécurité (MSS). Les plus notables sont le massacre de Pont-Sondé qui a fait au moins 50 morts et qui n'a reçu aucune réponse de la police ou de la MSS malgré un avertissement préalable, plusieurs attaques coordonnées à grande échelle par la coalition de groupes armés Viv Ansanm, qui ont déplacé plus de 40 000 personnes en l'espace d'une semaine, et l'arrêt forcé du trafic aérien international. Les groupes armés continuent de s'étendre à des zones auparavant considérées comme sûres et utilisent des tactiques brutales pour contrôler la population. Plus de 5 000 personnes ont été tuées depuis janvier, plus de 700 000 sont déplacées à l'intérieur du pays, les enlèvements restent monnaie courante et les journalistes et défenseurs des droits humains sont de plus en plus menacés sans la protection du gouvernement. La police haïtienne reste faible et largement inefficace. L'insécurité aiguë non résolue exacerbe les autres défis décrits dans cette mise à jour.
La corruption généralisée du gouvernement, l'impunité chronique et l'utilisation des groupes armés comme instruments de violence politique ont directement précipité la crise haïtienne et la prolifération des groupes armés. Les membres du CPT - dont quatre sont impliqués dans des scandales de corruption - et d'autres représentants du gouvernement perpétuent ces schémas. En l'absence de l'État, les violences commises par des acteurs non étatiques, ainsi que par la police et d'autres acteurs gouvernementaux recourant à une force illégale et aveugle, se sont multipliées. L'impunité systémique pour ces actes et d'autres préjudices - notamment en raison de la corruption et de la politisation du système judiciaire - alimente le cycle de la violence et contribue à délégitimer encore davantage le gouvernement de transition, déjà en difficulté. Le secteur judiciaire haïtien reste pratiquement inopérant en raison du démantèlement systématique par des gouvernements corrompus, de la négligence chronique et de l'insécurité aiguë qui affecte le fonctionnement des tribunaux. Les taux élevés de détention provisoire et les conditions carcérales inhumaines constituent des violations graves et distinctes des droits humains.
L'insécurité et la crise humanitaire interdépendante continuent d'avoir un impact disproportionné sur les personnes déjà en marge de la société. Au cours de la période couverte par le présent rapport, la violence sexiste à l'encontre des femmes et des filles a augmenté de manière significative, en particulier dans les sites de déplacement. Les enfants sont particulièrement vulnérables aux effets de la crise, ce que les groupes armés exploitent pour augmenter considérablement le recrutement d'enfants. Les femmes, les enfants et les autres personnes vulnérables n'ont pas suffisamment accès aux ressources et aux protections, ce qui reflète une discrimination structurelle de longue date. La marginalisation persistante des femmes dans le processus de transition - qui viole le droit des femmes haïtiennes à l'égalité et à la pleine participation à leur gouvernement - risque de perpétuer les inégalités et les préjudices sexospécifiques, ainsi que d'affaiblir la transition.
Le paysage social et économique d'Haïti, déjà catastrophique, s'est encore détérioré. Environ 40 % des Haïtiens vivent dans l'extrême pauvreté et plus de 5,4 millions sont en situation d'insécurité alimentaire aiguë, Haïti ayant été désignée comme une zone de famine "extrêmement préoccupante". La fermeture généralisée des écoles et des hôpitaux continue d'affecter des centaines de milliers de personnes.
Ces défis combinés continuent de pousser les Haïtiens à fuir. Pourtant, alors même que les États étrangers évacuent leurs propres citoyens, ils continuent de mettre en œuvre des mesures racistes, inhumaines et, dans de nombreux cas, illégales pour restreindre l'asile et forcer les Haïtiens à retourner dans des conditions horribles. La République dominicaine, déjà responsable de 95 % des renvois vers Haïti, a mis en place un nouveau programme visant à renvoyer 10 000 Haïtiens par semaine, ce qui a donné lieu à des abus supplémentaires.
Les préjudices décrits ci-dessus ont créé un besoin désespéré d'aide extérieure, mais l'engagement étranger poursuit trop souvent des schémas qui perturbent la stabilité à long terme d'Haïti et qui sont à l'origine de la crise actuelle. Les États-Unis et leurs partenaires internationaux continuent de soutenir les acteurs répressifs haïtiens, de favoriser la corruption et les dysfonctionnements du gouvernement, et ont fait passer la MSS en dépit de profondes inquiétudes quant à sa capacité à apporter des améliorations significatives. Comme l'avait prédit la société civile haïtienne, la MSS n'a pas réussi à améliorer la sécurité de manière significative et manque encore de fondements pour assurer la protection des civils et la responsabilité correspondante. Pendant ce temps, l'incapacité des États-Unis à stopper le flux illicite d'armes vers Haïti continue d'alimenter l'horrible violence.