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Des dizaines de familles haïtiennes apeurées fuient le nord de la République Dominicaine après la violente journée de lundi

Les autorités annoncent un retour au calme et des dispositions judiciaires contre les coupables ; cependant, des villageois dominicains accordent un délai de 48 heures aux haïtiens pour vider les lieux, alors qu'une des dominicaines agressées par des haïtiens a perdu un oeil
Les conflits entre haïtiens et dominicains ont franchi une nouvelle étape depuis lundi et risquent de s'étendre à plusieurs zones sensibles du territoire dominicain où la densité de la présence haïtienne est particulièrement élevée. Des dizaines de familles haïtiennes fuyaient le nord du pays au cours des dernières heures afin d'échapper à la vague de violences qui s'abat sur les ressortissants haïtiens suite à l'assassinat d'un usurier dominicain par de présumés haïtiens dans une ferme caféière.

D'autre part, l'une des trois jeunes femmes dominicaines sévèrement agressées mardi par des sans-papiers haïtiens lors d'une tentative de viols collectifs a perdu un œil tandis qu'une deuxième se trouvait mercredi matin hospitalisée dans un état grave à cause des nombreux coups de couteaux qu'elle a reçus. Nereida Bruno, 36 ans, a affirmé que quand les agresseurs se sont rendus compte qu'ils ne pouvaient pas les violer, ils ont tenté purement et simplement de les exécuter. Mais, ajoute-t-elle, elles ont pu toutes trois échapper miraculeusement à la mort grâce à l'intervention de plusieurs personnes.

Mercredi matin, la tension entre les deux communautés n'était toujours pas retombée. La veille, au cours d'une rencontre à El Encantado de Villa Trina, le village du nord de la République Dominicaine où l'usurier Apolinar Lòpez Rodrìguez a été tué dimanche, les représentants de toutes les communautés voisines réunies en assemblée ont donné un ultimatum de 48 heures aux autorités et aux fermiers de la région pour faire partir tous les haïtiens indistinctement. Faute de quoi, ils se verront dans l'obligation de les chasser eux-mêmes. "Nous allons lutter contre vents et marées pour qu'ils (les haïtiens) ne reviennent pas ici. Pour cette raison, nous avons intimé aux propriétaires l'ordre de ne plus revenir avec eux, car il s'agit d'un conflit entre eux-mêmes et nous autres" a déclaré Nelson Germàn, président de l'assemblée des voisins.

A La Cumbre, à quelques kilomètres de Villa Trina, la direction de la migration et les Forces Armées dominicaines ont récupéré 13 illégaux haïtiens qui s'étaient mis à couvert depuis deux jours de peur d'être victimes de représailles meurtrières après la mort de l'usurier.

Pour sa part, le procureur général de la République Dominicaine (chef du parquet) Francisco Domìnguez Brito a estimé que les graves incidents qui se sont produits à Villa Trina -où des dominicains ont, dans un accès de vengeance, tué lundi à coups de machettes un jeune haïtien de 20 ans, Jean Pétion- doivent faire l'objet d'investigations et leurs auteurs seront soumis à l'examen des autorités judiciaires. "Aucun citoyen dominicain ou haïtien, absolument personne n'a le droit de violer les lois ni de se faire justice avec ses propres mains" a poursuivi le haut responsable judiciaire pour qui, l'auteur d'un délit, indépendamment de sa nationalité, doit être sanctionné.

Francisco Domìnguez Brito affirme, d'autre part, qu'il n'existe pas un problème de nationalité ou de civilisation entre les haïtiens et les dominicains. Il constate seulement des "faits isolés" qui ne doivent pas se reproduire et des violations qui doivent être sanctionnées par la loi alors que, de toute évidence, une escalade de la violence et de la haine a marqué, ces derniers mois, l'attitude de nombreux dominicains vis-à-vis des haïtiens.

Pour sa part, le directeur général de la migration, Carlos Amarante Baret, a déploré les incidents survenus à Villa Trina tout en assurant que des mesures conservatoires sont prises en vue de protéger les haïtiens et d'empêcher la répétition des actes de violence. Le responsable précise qu'aussi bien les services d'immigration que les Forces Armées Nationales "ont accordé aide et protection aux haïtiens qui se sentaient menacés face à quelques débordements enregistrés dimanche". "Maintenant, la situation est sous contrôle. Les haïtiens, y compris ceux qui vivent depuis de nombreuses années à Villa Trina et qui travaillent avec l'association des producteurs de café ont bénéficié de la protection de cette association, de la nôtre et de celle des autorités militaires". Amarante Baret a tenu à rappeler que le gouvernement du Président Leonel Fernàndez n'entend encourager aucune action violente contre les illégaux haïtiens vivant dans le pays.

Le poids démographique énorme de l'immigration haïtienne en République Dominicaine constitue depuis des décennies un problème qui s'est considérablement aggravé, ces dernières années, en raison de la défaillance économique généralisée d'Haïti confrontée à un taux de chômage record pratiquement supérieur à 60%. Cependant, de vieux contentieux historiques nés de plusieurs épisodes douloureux de l'histoire commune des peuples haïtien et dominicain sont régulièrement exploités à Santo Domingo avec le plus grand cynisme politique. Même au prix de grandes commotions ou d'un renforcement du potentiel de conflit entre les populations civiles. spp/RKœ