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Haiti

Demande de respect des droits humains et constitutionnels des Femmes et des Filles d'Haïti en centrant ces droits dans les politiques et les nominations du gouvernement de transition

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M. Alix Didier Fils-Aimé, Premier ministre par intérim
M. Leslie Voltaire, Président du Conseil présidentiel de transition (CPT)

Chers Messieurs :

En tant qu'organisations féministes et de défense des droits humains, nous vous écrivons pour dénoncer l'incapacité persistante du gouvernement de transition à respecter les droits légaux des Femmes et des Filles d'Haïti. Cette violation de la Constitution Haïtienne et du droit international a en outre pour effet de saper les efforts visant à restaurer une sécurité durable et une gouvernance démocratique en Haïti, comme l'ont démontré avec une clarté particulièrement brutale les événements de ces dernières semaines. Nous exigeons des mesures correctives immédiates.

Le gouvernement de transition manque à ses obligations légales envers les Femmes et les Filles d'Haïti. La violence sexuelle est répandue et utilisée par les groupes armés comme moyen d'exercer et de maintenir leur contrôle. Avec d'autres formes de violence fondée sur le genre, elle « a atteint de nouveaux sommets de brutalité et d'ampleur », son incidence ayant quintuplé entre le début de l'année et le mois de mars. Les Femmes et les Filles constituent également la majorité des plus de 700 000 Haïtien.ne.s qui ont été déplacé.e.s et sont confronté.e.s à des risques accrus de violence, d'agression sexuelle, d'exploitation et d'abus sexuels et de transactions sexuelles forcées pendant leur déplacement. Les besoins spécifiques des Femmes et des Filles en matière de sécurité, d'économie et autres sont marginalisés ou ignorés. Les services gouvernementaux adaptés sont pratiquement inexistants. Selon le Haut-Commissariat aux droits humains (HCDH), il en résulte « un préjudice irréversible pour les victimes, les survivant.e.s et la destruction de plusieurs générations ».

Alors que le gouvernement de transition a pris le pouvoir en pleine crise, la situation s'est gravement détériorée sous sa direction, alors même que des allégations de corruption non traitées et des luttes intestines irresponsables ont ravagé sa crédibilité et son efficacité. Les organisations soussignées, s'inquiètent précisément de ce résultat et c'est pour cette raison qu'elles ont publié en juillet un Cadre politique pour une transition efficace et équitable, demandant instamment sa mise en œuvre immédiate par le gouvernement de transition et tous.toutes les actrices.acteurs qui soutiennent la transition d'Haïti. Les principes que nous avons identifié sont simples, exigés par la Constitution Haïtienne et le droit international et indispensables à une transition efficace basée sur les meilleures pratiques identifiées au niveau mondial. Le Cadre politique compte désormais plus de 160 soutiens institutionnels en Haïti et dans le monde entier. Il a été présenté au gouvernement de transition, notamment à la Primature et au Ministère de la Condition Féminine et des Droits de la Femme. Le HCDH a par la suite identifié des préoccupations équivalentes et a demandé instamment que des mesures soient prises, reflétant les recommandations du Cadre politique.

Pourtant, ce gouvernement de transition ne respecte toujours pas ces obligations, alors même que les violences sexuelles et autres formes de violence fondées sur le genre continuent d’augmenter sans que le gouvernement ne réagisse ou ne dispose de ressources suffisantes et que la transition d'Haïti vacille. Il manque l'orientation politique et le leadership dévoué nécessaires pour relever ces défis. Il manque des Femmes occupant des postes de direction et de décision, qui s'engagent à faire progresser les droits des Femmes et des Filles, à préserver la transition et qui sont habilitées à le faire. Au lieu de cela, le nombre de postes occupés par des femmes a été réduit dans le nouveau cabinet à seulement 4 sur 18 - bien en deçà du minimum constitutionnel de 30 %. Notamment, ce sont deux des ministères les plus puissants - le Ministère des Affaires Étrangères et des Cultes et le Ministère de l'Économie et des Finances - qui ne bénéficient plus du leadership des Femmes.

Le gouvernement de transition doit faire mieux. Dans un premier temps, la Primature et le Conseil Présidentiel de Transition doivent s'engager à respecter les principes énoncés dans le Cadre politique et à mettre en œuvre ses recommandations ainsi que les recommandations correspondantes émises par le HCDH. De même, il est impératif d'établir un dialogue permanent avec les organisations qui œuvrent à la promotion des droits des Femmes en Haïti, y compris les quelque 80 organisations basées en Haïti qui ont approuvé le Cadre politique aux côtés de la diaspora et de partenaires internationaux. Enfin, nous vous demandons de prendre immédiatement les mesures suivantes :

1. La Primature, le CPT et tous.tes les membres du gouvernement de transition - quel que soit leur sexe - doivent centrer leurs activités sur les droits des Femmes et les besoins spécifiques des femmes et des filles haïtiennes. Une attention particulière doit être accordée aux réponses efficaces à la violence sexuelle généralisée qui touche les femmes et les filles, y compris l'exploitation et les abus sexuels dans les situations de déplacement et d'aide humanitaire.

2. Veiller à ce que les institutions, les politiques et les programmes de transition - en particulier ceux qui sont chargés de l'aide humanitaire, des élections et de l'élaboration des lois et des institutions haïtiennes - prennent spécifiquement en compte et servent à promouvoir les droits des Femmes dans l'ensemble de leurs activités. Ces institutions comprennent notamment le Conseil électoral provisoire, la Commission de mise en œuvre de la réforme pénale, la Conférence nationale et la Commission Vérité, Justice et Réparations, ainsi que le Conseil national de sécurité et l'Organe de contrôle de l'action gouvernementale, qui n'ont pas encore été créés. Les facteurs qui doivent faire partie de toute planification et mise en œuvre comprennent l'égalité d'accès et de participation sans discrimination fondée sur le sexe, la lutte contre les lois et les pratiques incompatibles avec les droits humains des Femmes tels qu'ils sont reconnus par la Constitution d'Haïti et les engagements pris dans le cadre des traités internationaux sur les droits humains, ainsi que la prévention et la lutte contre toutes les autres formes de préjudices sexospécifiques, comme la violence politique sexospécifique.

3. Garantir la pleine participation des Femmes à tous les niveaux du gouvernement et de la prise de décision, comme l'exigent la Constitution Haïtienne et les obligations du droit international. Au minimum, cela signifie que 30 % des postes gouvernementaux à tous les niveaux doivent être occupés par des Femmes qualifiées, y compris au sein du cabinet.

4. L'inclusion des Femmes dans le leadership doit réellement incarner un engagement à faire progresser les droits des Femmes. Cela signifie, par exemple, (i) que toutes les Femmes de votre gouvernement doivent être pleinement habilitées à participer aux décisions, à fixer des priorités et à déployer des programmes ; (ii) que les initiatives axées sur les Femmes, y compris le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes, doivent être entièrement financées et orientées vers les priorités du mouvement Féministe Haïtien. La présence sans vote, sans voix et sans budget ne suffit pas. Au contraire, l'échec systématique et chronique de l'autonomisation du leadership et de la prise de décision des Femmes tout au long de la transition à ce jour nécessite des efforts extraordinaires, systématiques et ciblés dans l'ensemble du gouvernement.

Nous exigeons que que vous preniez au sérieux vos obligations constitutionnelles et de droit international envers les Femmes et les Filles d'Haïti, les principes incarnés par l'Agenda pour les Femmes, la Paix et la Sécurité selon lesquels l'inclusion des Femmes et la prise en compte des considérations qui leur sont propres sont des éléments nécessaires et essentiels pour garantir une paix durable et une démocratie effective.

L'expansion incessante de l'insécurité, des dysfonctionnements gouvernementaux et de la corruption au cours des derniers mois semblent illustrer ce point. En tant que telles, les exigences de cette lettre et du Cadre politique pour une transition efficace et équitable constituent un double impératif pour votre gouvernement. Nous vous demandons instamment de prendre immédiatement les mesures qui s'imposent.

Nous vous prions d'agréer l'expression de nos sentiments respectueux,

1. Advens Optical, Inc.
2. Association pour la Promotion de la Famille Haïtienne (PROFAMIL)
3. Bureau des Avocats Internationaux (BAI)
4. Centre de Formation et de Développement Communautaire (CEFODEC)
5. Chans Altenativ
6. Commission Episcopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP)
7. Femmes en action contre la stigmatisation et la discrimination sexuelle (FACSDIS)
8. Faith In Action International - Haiti
9. Fédération des Associations Régionales Haïtiennes de la Diaspora (FAREHD)
10. Fondation TOYA
11. Groupe d'Appui au Développement et à la Démocratie (GRADE)
12. Groupe de Recherche en Appui à la Justice aux Droits Humains (GRAJUDH)
13. Impact Communautaire pour le Développement d'Haïti (ICODEH HAITI)
14. Initiative de la Société Civile
15. Konbit Peyizan Grandans (KPGA)
16. Kouraj
17. Marijàn
18. Nègès Mawon
19. Nou Pap Dòmi
20. Organisation Arc-en-ciel D'Haïti (ORAH)
21. Organisation des Femmes Solidaires (OFASO)
22. Òganizasyon Feminis Dantò / Dantò Òganizasyon Feminis
23. Organisation Trans d'Haïti (OTRAH)
24. Plateforme des Organisations de Femmes Haïtiennes pour le Développement (POFHAD)
25. Plateforme des Organisations Haitiennes des Droits Humains (POHDH)
26. Regwoupman Fanm aktif (RFA)
27. Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH)
28. WE ARE WOMEN ORG

Organisations basées en Haïti

29. American Jewish World Service (AJWS)
30. Anana Consultants
31. Ansara Family Fund
32. CAISO: Sex and Gender Justice
33. Center for Gender & Refugee Studies (CGRS)
34. Collectif Haïti de France (CHF)
35. Coordination Europe-Haïti (CoEH)
36. Dominican Sisters of Sinsinawa Peace and Justice Office
37. Dominican Sisters of Sparkill
38. Family Action Network Movement (FANM)
39. Faith in New Jersey
40. Firedoll Foundation
41. Haitian Bridge Alliance (HBA)
42. Haitian Ladies Network
43. Haitian Women’s Collective (HWC)
44. Haiti School Project
45. Institute for Justice and Democracy in Haiti (IJDH)
46. MADRE
47. Manifest Haiti
48. Maryknoll Office for Global Concerns
49. Massachusetts Action for Justice
50. New England Human Rights Organization (NEHRO)
51. Passionists International
52. POWER Interfaith
53. Quixote Center
54. Roots of Development
55. Stop au Chat Noir

Organisations en dehors d'Haïti

Pour authentification : Pascale Solages, coordinatrice générale de Nègès Mawon (pascale.solages@negesmawon.org | +509 3888 9999)