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Haiti

Camps de déplacés : un quart des sans abris menacés d‘expulsion

Près du quart des 680.000 personnes vivant encore dans des camps d’hébergement ayant vu le jour après le séisme du 12 janvier, sont, depuis l’été dernier, sous la menace d’expulsion. Une situation préoccupante qui, selon le Cluster Protection de la communauté humanitaire, nécessiterait une « réponse coordonnée » de la part de tous les acteurs.

« J’ai quatre enfants. Leur père est mort. Depuis l’annonce de déguerpissement, je suis angoissée ; je ne dors presque pas la nuit. Je ne fais que pleurer parce que je ne sais pas où aller», explique Josiane, la quarantaine, vivant sur le parking du Stade national Sylvio Cator, transformé en camp d’hébergement. Le cas de Josiane n’est pas isolé.

Ils sont, en effet, plus de 166.000 rescapés du séisme du 12 janvier, recensés par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), évoluant sur des terrains, en majorité, privés et qui vivent sous « la menace d’une expulsion imminente » à travers les régions affectées. Sur le parking du stade Sylvio Cator, vivent, par exemple, 450 familles misérables qui doivent, sous peu, quitter les lieux.

Selon un autre résident, Arnold, lors des averses, la situation est tout simplement « dramatique ». Ce dernier raconte la fragilité extrême des conditions de vie des habitants du camp, en particulier en cas de forte pluie. « Lorsque la ravine adjacente au camp est débordée », raconte-t-il, c’est la catastrophe. « Tout est menacé d’être emporté par les eaux, y compris les habitants du camp, dans certains cas. Les eaux parfois, atteignent plus d’un mètre de hauteur. Si nous avions un endroit où aller, nous serions déjà partis d’ici », ajoute t’il.

La situation des résidents, selon Gérard, père de deux enfants, a empiré. « On enlève la majorité des toilettes mobiles. D’une vingtaine au début, elles ne sont plus que cinq aujourd’hui. Il n’y a que trois douches pour une population de plus de 250 familles vivant sur le coté sud du stade ». « Le seul robinet qui nous dessert en eau risque de nous être enlevé », poursuit Gérard. « Tout ce que nous demandons, c’est un sursis, que les autorités nous trouvent quelque part où aller », implore André.

Dans d’autres camps comme « Henfrasa » et « Palais de l’Art », à Delmas 33, la situation n’est pas différente. La tristesse se lit sur les visages des pères de famille, à qui les propriétaires du terrain ont demandé de vider les lieux. A « Henfrasa », qui abrite 680 familles, ils ont déjà reçu deux avis leur rappelant qu’il faut quitter le terrain de football.

Pour les 140 familles vivant à proximité du « Palais de l’Art », sur une autre propriété privée, l’échéance est le 1er mai prochain, soit quelques jours à peine… Passé ce délai, la barrière du site sera fermée, note le coordonnateur du camp, Calixte Harry. « Personne n’aimerait vivre dans ce désert, mais on est bien obligé ; on n’a nulle part où se rendre », confie pour sa part, Marlène, mère de deux enfants.

Selon un document de l’OIM, 8% de la population menacée habite sur des emplacements publics, 67% sur des terrains privés et 25% sur des sites dont les données sur la propriété ne sont pas encore connues.

Pour une réponse coordonnée au problème d’expulsion forcée

A travers une formation d’une journée, le mardi 12 avril dernier, le groupe de travail logement/droit foncier/propriété du « Cluster » Protection dont le chef de file en Haïti est le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme et le cluster CCCM (Camp Coordination Camp Management) de l’OIM souhaitaient proposer aux officiers de gestion des camps de l’OIM des outils leur permettant de mieux aborder « la question complexe des expulsions forcées des Camps ». Une question qui, selon Vincent Briard, officier de protection au Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés qui fait également partie du Cluster Protection, représente un « problème de droits humains très important ».

Entres autres thèmes débattus au cours de cette formation : les expulsions forcées : la définition, quel rôle pour l’officier de gestion d’un camp, quelle stratégie, quels enjeux; les techniques de négociation et médiation en cas de menaces d’expulsion, les garanties procédurales à respecter en cas d’expulsion, etc.

Le Gouvernement reste le premier responsable en ce qui concerne la protection des personnes déplacées. Cependant, face à une situation de plus en plus préoccupante des expulsions forcées et dans le cadre d’un effort conjoint de la communauté humanitaire, le Cluster Protection, à travers le groupe de travail logement/droit foncier/propriété a estimé utile de « développer des procédures opérationnelles standardisées » pour une réponse coordonnée sur la question des expulsions forcées.

Il s’agit de proposer un modèle de feuille de route harmonisée présentant une suite logique d’étapes en vue d’essayer de d’adresser la question des expulsions forcées et de protéger au mieux les droits des personnes déplacées, fait remarquer Mlle Mehret Ghebray, membre de l’équipe de Coordination du Cluster Protection dont le chef de file en Haïti est le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme.