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Haiti

Bureau intégré des Nations Unies en Haïti - Rapport du Secrétaire général (S/2025/28)

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I. Introduction

1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 2743 (2024) du Conseil de sécurité, par laquelle celui-ci a décidé de proroger jusqu’au 15 juillet 2025 le mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) défini dans la résolution 2476 (2019) portant création du Bureau. On y trouvera les principaux faits nouveaux survenus depuis le précédent rapport, daté du 15 octobre 2024 (S/2024/742), et des informations actualisées sur l’exécution du mandat du BINUH.

II. Politique et bonne gouvernance

2. Le processus de transition politique, dont l’objectif est de rétablir les institutions démocratiques d’ici à février 2026, a été marqué par des divergences entre le Conseil présidentiel de transition et l’ancien Premier Ministre Garry Conille et son gouvernement.

3. Au cœur de la discorde, des désaccords sur la conduite de la politique étrangère, la répartition des responsabilités entre les deux branches de l’exécutif et le traitement des allégations de corruption portées contre trois membres du Conseil présidentiel de transition. Le 16 octobre, le Conseil présidentiel de transition a demandé à M. Conille de réfléchir à un remaniement ministériel immédiat afin de renforcer l’efficacité du Gouvernement. Lors d’un débat public tenu à Port-au-Prince le 2 novembre, M. Conille n’a pas nié les tensions avec le Conseil présidentiel de transition, citant les différends concernant la nécessité de publier au Moniteur haïtien (le journal officiel) le texte de l’Accord politique pour une transition pacifique et ordonnée (Accord du 3 avril) et de mettre en place de grands mécanismes de contrôle, tels que le Conseil national de sécurité et l’Organe de contrôle de l’action gouvernementale, ainsi que concernant les allégations de corruption portées contre les trois membres du Conseil présidentiel de transition.

4. Dans ce climat de contentieux, plusieurs partis et groupes politiques et organisations de la société civile d’Haïti, dont certains groupes de parties intéressées (voir S/2024/508) représentées au Conseil présidentiel de transition, ont demandé aux deux parties le 3 novembre de mettre de côté leurs divergences et de travailler ensemble sur les priorités de la conduite des affaires publiques. Parallèlement, un groupe d’organisations de la société civile a publié une déclaration dans laquelle elles ont exprimé leur inquiétude quant à la perte de confiance du public vis-à-vis des responsables de la transition et demandé qu’un juge de la Cour de cassation soit désigné pour diriger la transition.

5. Ces désaccords ont conduit le Conseil présidentiel de transition à publier le 11 novembre un décret par lequel il a nommé Alix Didier Fils-Aimé au poste de Premier Ministre en remplacement de M. Conille. Le 12 novembre, M. Conille a salué la nomination de M. Fils-Aimé comme Premier Ministre et souligné qu’il importait de rester unis et solidaires pour que le pays puisse aller de l’avant. M. Fils-Aimé a annoncé le 15 novembre un nouveau gouvernement composé de 18 membres, dont 4 femmes. Si 10 nouvelles personnes ont obtenu un portefeuille ministériel, 8 figuraient déjà dans le Gouvernement précédent. Dans son discours d’investiture, M. Fils-Aimé a souligné l’engagement du nouveau Gouvernement à travailler de concert avec le Conseil présidentiel de transition pour faire face à l’insécurité croissante et faire avancer le processus politique vers les élections.

6. Les allégations de corruption portées contre trois membres du Conseil présidentiel transitoire ont continué à éclipser les progrès du processus politique et à éroder la confiance du public. Le 27 novembre, des représentants des signataires de l’accord du 21 décembre 2022 (Coalition du 21 décembre), de la Commission pour la recherche d’une solution haïtienne à la crise (groupe de Montana) et du Collectif des partis politiques du 30 janvier ont dénoncé ce qu’ils considéraient comme de l’inaction face aux allégations de corruption, appelant de leurs vœux un accord de gouvernance plus inclusif et des consultations approfondies entre les autorités de transition et les groupes de parties intéressées pour remédier à la situation concernant la transition politique.

7. Le 28 novembre, M. Fils-Aimé a rencontré les membres du Comité de pilotage de la Conférence nationale, exprimant son soutien aux consultations en cours avec les grands secteurs de la société haïtienne dans le cadre du processus de révision de la Constitution. Il a réaffirmé que la réforme constitutionnelle serait une étape clé de l’exécution du plan d’étapes devant mener à l’organisation d’élections inclusives et participatives.

8. Selon certaines informations, le 4 décembre, le Premier Ministre a chargé les ministres de son gouvernement de définir les priorités et de mettre en œuvre les mesures relevant des cinq piliers stratégiques de l’Accord du 3 avril : la sécurité publique et nationale, le redressement économique, la conférence nationale et les réformes constitutionnelles, la justice et l’état de droit, et les élections. Le 8 décembre, le Conseil présidentiel de transition et le Premier Ministre ont réfléchi ensemble aux moyens de renforcer la coopération entre les autorités de transition pour mettre en œuvre les priorités. Le même jour, un cadre de renforcement de la cohésion institutionnelle pour une transition réussie a été officiellement adopté. Ce document précise les attributions au sein de l’exécutif et établit les procédures de communication, d’échange d’information et de prise de décision.

9. Le 12 décembre, les membres de la Coalition du 21 décembre – Pitit Desalin, Collectif 30 janvier et Les Engagés pour le développement – ont publié une note commune dans laquelle ils ont rejeté les décisions du Conseil présidentiel de transition, selon eux prises unilatéralement, dont un certain nombre de nominations dans l’administration publique et le service diplomatique jugées partisanes. Notant que l’inaction dans l’affaire de corruption présumée portait atteinte à la crédibilité et à la légitimité de la transition actuelle, les signataires ont demandé au Groupe de personnalités éminentes de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) de faciliter de nouvelles consultations en vue d’un nouvel accord de gouvernance. Dans une lettre publiée le même jour, le parti Fanmi Lavalas a exprimé sa profonde inquiétude face à la détérioration continue de la situation en matière de sécurité.

10. Comme suite à une demande du Gouvernement, une mission d’évaluation des besoins électoraux de l’Organisation des Nations Unies s’est rendue à Port-au-Prince en novembre. La mission s’est entretenue avec des interlocuteurs nationaux, y compris de grandes institutions de l’État, telles que le Conseil électoral provisoire et l’Office national d’identification, ainsi que des représentants de la société civile et du secteur privé, et avec des représentants de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, afin d’élaborer des recommandations quant à la poursuite de l’assistance apportée par l’ONU au processus électoral. Les recommandations devaient être soumises au Gouvernement en janvier 2025.

11. Le 4 décembre 2024, le Conseil présidentiel de transition a nommé les deux derniers membres du Conseil électoral provisoire, à savoir des représentants des secteurs des droits humains et des femmes. Cette décision a porté à quatre le nombre de femmes au sein de l’organe électoral, composé de neuf membres au total. Le 5 décembre, le Conseil présidentiel de transition a nommé le Ministre délégué aux affaires électorales et constitutionnelles et le Ministre délégué à la solidarité et aux affaires humanitaires. Du 3 au 5 décembre, le Conseil électoral provisoire, en partenariat avec l’International Foundation for Electoral Systems et avec la participation du BINUH, a organisé une retraite au Cap-Haïtien à laquelle se sont tenues des discussions sur la rédaction d’un décret en vue de l’organisation d’un référendum, l’établissement d’un calendrier à cet égard et l’importance du dialogue avec la société civile et les partis politiques.

12. Le Groupe de personnalités éminentes de la CARICOM a rencontré des groupes de parties prenantes haïtiennes le 16 décembre pour entendre le mécontentement de ces derniers à l’égard des représentants du Conseil présidentiel de transition qu’ils avaient nommés. Les discussions ont porté sur plusieurs questions essentielles, notamment l’inaction concernant les allégations de corruption portées contre trois des sept membres votants du Conseil, les conditions de la nomination du nouveau Premier Ministre, l’absence de progrès sur le front de la sécurité et les récentes nominations, jugées partisanes. Ces critiques, associées à la perte de confiance du public dans la transition politique, ont relancé le débat sur la refonte de l’accord de gouvernance transitoire.

13. Haïti continue de rechercher des soutiens de premier choix pour la transition en cours, en particulier pour la sécurité. Dans une lettre adressée au Secrétaire général de l’ONU le 21 octobre, le Président du Conseil présidentiel de transition, Leslie Voltaire, a demandé que la Mission multinationale d’appui à la sécurité soit transformée en une opération de maintien de la paix des Nations Unies. Le 29 novembre, la Présidente du Conseil de sécurité a fait parvenir au Secrétaire général une lettre (S/2024/868) dans laquelle elle lui a demandé de fournir, dans un délai de 60 à 90 jours, un bilan détaillé de la situation en Haïti et des recommandations stratégiques assorties d’un éventail d’options concernant le rôle que l’ONU pouvait jouer à cet égard. Une mission d’évaluation des Nations Unies, dont le déploiement était prévu à Port-au-Prince du 7 au 11 janvier, devait établir à l’intention du Secrétariat des recommandations sur les prochaines étapes de l’appui que l’ONU peut apporter à Haïti.

14. Dans ce contexte et conformément à sa stratégie de soutien à la transition politique d’Haïti et à la restauration des institutions démocratiques, sous la houlette de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti, le BINUH a continué à utiliser ses bons offices pour aider les autorités de l’État, notamment le Conseil présidentiel de transition et le Gouvernement, ainsi que les responsables politiques et les représentants de la société civile, à faire avancer le processus politique et à maintenir le cap de la transition vers des institutions élues. Lors de réunions avec des représentants de l’exécutif, notamment les Premiers Ministres les 4 et 29 novembre, le Président du Conseil présidentiel de transition les 5 et 27 novembre et le Ministre des affaires étrangères et des cultes le 2 décembre, la Représentante spéciale a souligné qu’il importait de maintenir l’unité nationale et de s’engager collectivement à faire avancer le pays sur la voie de la transition politique et à enrayer la montée de la double crise de la sécurité et de la gouvernance. Le 10 décembre, le Premier Ministre a invité la Représentante spéciale et le corps diplomatique à une réunion au cours de laquelle la Représentante spéciale a plaidé en faveur d’efforts concertés destinés à améliorer la sécurité et à renforcer les capacités des forces de l’ordre.

15. Le 6 décembre, la Représentante spéciale a dirigé une réunion du BINUH et de l’équipe de pays des Nations Unies à laquelle était convié le Premier Ministre pour parler du soutien que peut apporter l’ONU à la mise en œuvre des priorités nationales, notamment la sécurité, la réforme constitutionnelle, les élections, l’état de droit et le relèvement socioéconomique. Dans une déclaration publiée le 16 décembre, le Bureau a souligné que l’ONU continuait d’apporter son soutien, insistant par ailleurs sur le fait que, sans stabilité ni consensus, aucune amélioration durable ne pourrait advenir en Haïti sur le plan politique et en matière de sécurité.

16. Afin de renforcer la participation de la société civile à la transition, en particulier pour les femmes et les jeunes, le BINUH a continué d’encourager le dialogue pour veiller à ce que le processus de révision de la Constitution, étape cruciale de la feuille de route pour la transition, prenne en considération les voix et les priorités de toutes les composantes de la société haïtienne. Le 13 novembre, le BINUH et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont apporté un soutien logistique au lancement de la Conférence nationale. Du 13 au 19 novembre, le Groupe de travail sur la Constitution a rencontré des représentants du secteur privé, des syndicats et des organisations de la société civile afin de recueillir leurs points de vue sur la gouvernance, les réformes économiques, les droits des travailleurs, la cohésion sociale et les valeurs démocratiques. Des consultations se sont également tenues le 27 novembre avec des organisations d’inspiration religieuse, le monde universitaire, des groupes de femmes et des associations d’agriculteurs ruraux.