Informing humanitarians worldwide 24/7 — a service provided by UN OCHA

Haiti

Bureau intégré des Nations Unies en Haïti - Rapport du Secrétaire général (S/2024/310)

Attachments

I. Introduction

1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 2692 (2023) du Conseil de sécurité, par laquelle celui-ci a décidé de proroger jusqu’au 15 juillet 2024 le mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), défini dans sa résolution 2476 (2019) portant création du Bureau. On y trouvera les principaux faits nouveaux survenus depuis le précédent rapport, daté du 15 janvier 2024 (S/2024/62), et des informations actualisées sur l’exécution du mandat du Bureau.

II. Politique et bonne gouvernance

2. Les attaques coordonnées de gangs contre les institutions de l’État, les infrastructures critiques et d’autres symboles de l’autorité de l’État dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince ont constitué des défis majeurs pour la stabilité politique et la gouvernance au cours de la période considérée. Malgré des difficultés majeures, la Police nationale d’Haïti a continué à mener des opérations antigangs pour repousser les attaques. En février, la pression s’est accrue sur le Premier Ministre Ariel Henry pour qu’il prenne des mesures concernant la sécurité et les élections. Du 5 au 7 février, des manifestations antigouvernementales, parfois violentes, ont eu lieu à Port-au-Prince et dans d’autres villes pour demander la démission du Premier Ministre. Les manifestants ont critiqué l’incapacité du Gouvernement à rétablir la sécurité et à faciliter la transition vers l’élection démocratique d’un Président dans les délais prévus par l’accord du 21 décembre 2022. S’adressant à la nation le 7 février, le Premier Ministre a appelé au calme et a réaffirmé l’engagement du Gouvernement à organiser des élections et à renforcer la sécurité. Certains groupes d’opposition ont rejeté ses appels et insisté pour qu’il démissionne immédiatement.
Les signataires de l’Accord du 21 décembre ont appelé les parties prenantes à se réunir de nouveau pour tenir des consultations, trouver un consensus sur la mise en place d’un gouvernement d’unité nationale et définir une feuille de route pour les élections.

3. Les participants à la quarante-sixième réunion ordinaire de la Conférence des chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), qui s’est tenue à Georgetown du 25 au 28 février, ont publié une déclaration exprimant leur préoccupation face à la détérioration de la situation en Haïti, à l’issue d’une réunion avec le Premier Ministre Henry spécialement consacrée à Haiti. Ils y ont pris note, entre autres, de l’engagement pris par ce dernier à faire avancer le processus politique, y compris avec la tenue d’élections générales afin de rétablir un gouvernement et une autorité constitutionnels, au plus tard le 31 août 2025. Les chefs de gouvernement ont en outre annoncé qu’à cette fin, la CARICOM enverrait une équipe chargée d’évaluer les besoins en matière électorale d’ici le 31 mars 2024, en consultation avec l’ONU et conformément aux mandats en vigueur définis par le Conseil de sécurité, avec l’appui du Canada, des États-Unis d’Amérique et de l’Organisation des États américains (OEA), afin de soutenir la planification et les efforts des institutions haïtiennes devant être mises en place.

4. Après la réunion de la CARICOM, le Premier Ministre Henry s’est rendu à Nairobi, à l’invitation du Président, William Ruto. À cette occasion, un mémorandum d’accord a été signé pour faciliter le déploiement futur de la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti. Alors que le Premier Ministre Henry tentait de rentrer en Haïti le 3 mars, les attaques coordonnées de gangs visant des infrastructures essentielles de l’État se sont intensifiées, notamment contre le pénitencier national et des commissariats de police. Le 3 mars, le Ministre des finances, Patrick Boisvert, agissant en qualité de Premier Ministre par intérim, a déclaré un état d’urgence, qui reste en vigueur. Le 4 mars, les vols internationaux à destination de Port-au-Prince ont été annulés à la suite d’une tentative de prendre le contrôle de l’aéroport international Toussaint Louverture. Le même jour, le vol à destination de Port-auPrince affrété pour le Premier Ministre a été détourné vers Porto Rico.

5. Le 11 mars, le Premier Ministre Henry a annoncé dans une allocution vidéodiffusée qu’il quitterait ses fonctions une fois que des dispositions transitoires de gouvernance seraient mises en place. Le même jour, la CARICOM a organisé une réunion à Kingston afin de poursuivre les efforts visant à faciliter la concrétisation d’une vision des dispositions transitoires en matière de gouvernance qui soit prise en main et dirigée par les Haïtiens. La réunion de la CARICOM, tenue en présence de plusieurs partenaires internationaux et avec la participation virtuelle de parties prenantes haïtiennes, a abouti à une déclaration finale dans laquelle ont été annoncé deux engagements majeurs : toutes les parties ont convenu d’établir un engagement en faveur d’un accord de gouvernance transitoire qui faciliterait une transition pacifique du pouvoir grâce à des élections libres, équitables, crédibles, inclusives et participatives, et le Premier Ministre Henry s’est engagé à se retirer dès la formation d’un conseil présidentiel de transition et la nomination d’un Premier Ministre par intérim. Ce conseil serait composé de sept membres ayant droit de vote, représentant divers groupes politiques (Collectif, 21 Décembre, Engagés pour le Développement/ Résistance Démocratique, Compromis historique, Lavalas, Montana, Pitit Desalin) et le secteur privé, et de deux membres sans droit de vote représentant la société civile et les communautés interconfessionnelles. La déclaration finale a également spécifié un certain nombre de pouvoirs présidentiels à conférer au conseil, notamment pour ce qui est de sélectionner et nommer le Premier Ministre par intérim et, avec ce dernier, de nommer un conseil des ministres inclusif, de mettre en place un conseil électoral provisoire et un conseil de sécurité nationale, et de collaborer avec la communauté internationale pour accélérer le déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti. Le 12 mars, le Gouvernement kenyan a annoncé qu’il suspendrait les préparatifs du déploiement de 1 000 policiers kenyans dans le cadre de la mission de la Mission en Haïti jusqu’à ce qu’une autorité au pouvoir soit en place.

6. Après quelques retards, la CARICOM a reçu les nominations concernant les candidatures des membres du Conseil. Le dialogue interhaïtien a continué à se tenir à distance, toutes les réunions et tables rondes en personne ayant été temporairement suspendues en raison de la situation actuelle en matière de sécurité. Les candidats proposés ont tenu une première réunion avec les facilitateurs de la CARICOM le 22 mars et ont rencontré des partenaires internationaux pour discuter de questions de sécurité le 24 mars. Les discussions ont porté sur les procédures électorales, l’élection du Président du Conseil et les critères de sélection d’un nouveau Premier Ministre.

7. Lors des discussions facilitées par la CARICOM concernant la formation du Conseil présidentiel de transition tout au long du mois de mars, un certain nombre d e changements sont survenus quant aux candidats nommés par les différents groupes de parties prenantes, y compris la coalition Engagés pour le Développement/Résistance Démocratique, les organisations interconfessionnelles et la société civile. En outre, le 20 mars, le parti politique Pitit Desalin a annoncé sa décision de nommer son propre représentant au sein du Conseil présidentiel de transition, composé de sept membres, alors qu’il avait initialement rejeté le processus. Le 24 mars, la deuxième candidate de la coalition Engagés pour le Développement/Résistance s’est retirée, déclarant qu’elle avait été victime d’attaques politiques, de commentaires misogynes et de menaces de mort. Cette évolution, ainsi que la représentation limitée des femmes dans les nouveaux dispositifs de gouvernance, a suscité certaines critiques parmi les parties prenantes qui ont exprimé leurs inquiétudes quant aux défis et à ce qui était perçu comme un retard dans la mise en place du Conseil. Dans le même ordre d’idées, diverses personnalités politiques et de la société civile ont appelé à la nomination d’un juge de la Cour de cassation comme Président de transition, reflétant ainsi partiellement une procédure inscrite à l’article 149 de la Constitution haïtienne de 1987 (non révisée), qui conférait à la plus haute instance judiciaire le pouvoir de combler une vacation présidentielle (sur investiture ad hoc par l’Assemblée nationale).

8. Le 1 er avril, le Gouvernement a publié une déclaration informant que le 29 mars, le Premier Ministre Henry avait reçu du Président du Guyana et Président de la CARICOM, Mohamed Irfaan Ali, les noms des neuf personnes sélectionnées pour siéger au Conseil présidentiel de transition. Le Conseil des ministres a également été réuni le 1 er avril pour discuter de la procédure de mise en place du Conseil présidentiel de transition et de la nomination de ses membres. Le 4 avril, les groupes de parties prenantes qui avaient nommé des représentants au Conseil présidentiel de transition ont signé un « accord politique pour une transition pacifique et ordonnée ». Le 12 avril, un décret établissant officiellement le Conseil présidentiel de transition a été publié au journal officiel. L’accord politique définit la sécurité, la réforme constitutionnelle et les élections comme étant les principales priorités de la transition. Aux termes de l’accord, le Conseil présidentiel de transition, dont le mandat s’achèvera le 7 février 2026 avec l’objectif de transférer le pouvoir à des autorités démocratiquement élues, devrait désigner un Premier Ministre, former un gouvernement en consultation avec ce dernier et établir un conseil électoral provisoire dans les 60 jours suivant la formation de l’exécutif.

9. Le 19 mars et le 6 avril, l’un des membres désignés du Conseil présidentiel de transition a déclaré aux médias que la situation difficile en matière de sécurité à Portau-Prince devrait être prise en compte dans la formation et la mise en place ultérieure du Conseil, en faisant observer que ses membres auraient besoin d’une protection rapprochée.

10. Le BINUH a continué de dialoguer avec les parties prenantes de tous horizons en utilisant des plateformes en ligne. La Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti a poursuivi ses interactions avec les parties prenantes nationales afin d’encourager le dialogue. Le 29 février, le BINUH a contribué à une conférence sur le leadership des femmes afin de promouvoir la participation des femmes aux discussions sur la sécurité nationale. À cette occasion, les participants ont lancé un appel au déploiement rapide de la Mission multinationale d’appui à la sécurité. Leer mars, le BINUH a organisé un forum pour les jeunes dirigeants afin d’intégrer leurs points de vue dans le processus politique. Les jeunes dirigeants ont présenté une série de propositions concernant l’élaboration d’un cadre de coopération entre les partis politiques et la société civile, ainsi que des éléments à inclure dans une réforme constitutionnelle.