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Haiti

Bureau intégré des Nations Unies en Haïti - Rapport du Secrétaire général (S/2021/828)

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I. Introduction

  1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 2547 (2020), dans laquelle le Conseil de sécurité a prolongé jusqu’au 15 octobre 2021 le mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) conformément à sa résolution 2476 (2019), par laquelle il avait créé le BINUH et m’avait prié de lui rendre compte tous les 120 jours de l’application de la résolution. Il retrace les principaux faits nouveaux intervenus depuis la publication de mon précédent rapport (S/2021/559) et fait le point sur l’exécution du mandat du Bureau.

II. Politique et bonne gouvernance (objectif 1)

  1. La période considérée a été marquée par deux événements d’importance : l’assassinat du Président Jovenel Moïse le 7 juillet et le tremblement de terre de magnitude 7,2 qui a frappé le sud-ouest d’Haïti le 14 août, faisant plus de 2 240 morts et quelque 12 700 blessés. Ces deux événements ont contribué à accroître les incertitudes quant à la stabilité et à la trajectoire politique du pays et entraîné des retards supplémentaires dans la tenue des élections, qui auraient dû se tenir il y a longtemps déjà. Le 19 août, ma vice-secrétaire générale, accompagnée de l’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement, a effectué une visite de deux jours à Haïti pour y exprimer la solidarité et le soutien de l’Organisation des Nations Unies. Ils y ont rencontré les populations touchées et se sont entretenus avec le Gouvernement, la Direction de la protection civile et des responsables de la société civile.

  2. Aux premières heures du 7 juillet, le pays s’est réveillé avec la nouvelle bouleversante que le Président Moïse avait été assassiné lors d’une attaque menée contre sa résidence privée à Pétionville (département de l’Ouest), au cours de laquelle la Première Dame avait été gravement blessée. Immédiatement après les faits, le cabinet dirigé par le Premier Ministre par intérim Claude Joseph a invoqué l’article 149 de la Constitution modifiée pour décréter une série de mesures de sécurité, dont un état d’urgence de 15 jours conférant au Gouvernement le pouvoir de mobiliser la Police nationale d’Haïti et les Forces armées d’Haïti pour procéder à des perquisitions et des arrestations et de restreindre les déplacements à l’intérieur et à l’ext érieur du pays, notamment en effectuant des contrôles de sécurité sur les routes et en ordonnant la fermeture temporaire des aéroports internationaux. La population de Port-au-Prince s’est largement confinée pendant les 48 heures qui ont suivi et les conditions générales de sécurité du pays sont restées stables. Cependant, lors des funérailles nationales organisées le 23 juillet au Cap-Haïtien (département du Nord), des manifestants réclamant justice pour le président défunt ont bloqué plusieurs artères principales et pillé des commerces privés tandis que la police s’efforçait de rétablir l’ordre.

  3. À ce jour, 44 suspects, dont 20 policiers haïtiens et plusieurs ressortissants étrangers, ont été arrêtés pour leur implication présumée dans l’assassinat ; d’autres personnes sont recherchées pour être interrogées. Malgré l’ouverture rapide de plusieurs enquêtes et l’aide des partenaires internationaux, les circonstances de la mort violente du Président Moïse restent floues, l’éventuelle dimension transnationale de l’assassinat venant encore compliquer les choses. En conséquence, les spéculations abondent quant à l’identité des personnes qui ont commandité et planifié l’assassinat.

  4. Cet événement a encore aggravé le vide institutionnel en Haïti, dont – après le décès en juin du Président de la Cour de cassation des suites de la maladie à coronavirus (COVID-19) – les trois branches du pouvoir sont désormais dysfonctionnelles. Néanmoins, la confusion qui régnait au sein de l’exécutif, causée par les divergences qui opposaient le Premier Ministre par intérim, Claude Joseph, au Premier Ministre désigné, Ariel Henry (que le Président avait nommé à peine 24 heures avant sa mort mais qui n’avait pas encore pris ses fonctions), s’est rapidement dissipée. Le Premier Ministre Henry et les 18 membres de son cabinet ont pris leurs fonctions le 20 juillet, M. Joseph ayant conservé son poste de Ministre des affaires étrangères et des cultes. Compte tenu de ce contexte, ma représentante spéciale et son équipe, en coordination avec l’Organisation des États américains et d’autres acteurs nationaux et internationaux, ont continué d’inviter les dirigeants des partis politiques et les représentants de la société civile à encourager le dialogue entre les principales parties prenantes, afin que ces dernières mettent leurs différences de côté et parviennent à un consensus sur la voie à suivre.

  5. Depuis sa prise de fonctions, le Premier Ministre Henry a exprimé son désir de parvenir à un accord politique dans un climat inclusif et consensuel propice à créer des conditions favorables à la tenue d’élections nationales. Le 11 septembre, il a conclu, avec plus de 150 partis politiques et organisations de la société civile, dont d’anciens groupes de l’opposition et de la coalition au pouvoir, un accord définissant les modalités de gouvernance pendant la période précédant les élections, qui se tiendront au plus tard à la fin de 2022. Cet accord place le Premier Ministre à la tête du pouvoir exécutif, dont il prévoit le remaniement du cabinet. La mise en place d’un nouveau Conseil électoral provisoire y est également envisagée, de même que la formation d’une assemblée constituante chargée de mettre au point un projet de Constitution devant être soumis à référendum pour « ratification », et d’une autorité de contrôle comprenant 33 membres, dont les 10 sénateurs restants, qui aura le pouvoir de bloquer les décrets gouvernementaux avec une majorité des deux tiers.
    Enfin, l’accord recense les domaines d’action prioritaire du Gouvernement, notamment en ce qui concerne la sécurité, la justice et l’économie.

  6. Dans le même temps, certaines parties prenantes nationales, y compris la Commission pour la recherche d’une solution haïtienne à la crise, ont à nouveau dit préférer que l’exécutif soit dirigé par un président provisoire et un premier ministre, et ont appelé à une transition politique plus longue au cours de laquelle de vastes réformes seraient engagées en matière de gouvernance et de sécurité.

  7. Le Premier Ministre a continué de tout mettre en œuvre pour élargir l’adhésion à l’accord, notamment en engageant un dialogue avec la Commission pour la recherche d’une solution haïtienne à la crise. Ces discussions se déroulent dans un contexte de rupture politique entre le Premier Ministre et certains hauts fonctionnaires de l’administration du défunt président, qui ont critiqué l’enquête sur l’assassinat.

  8. Le processus politique n’ayant pas encore complètement abouti, le Premier Ministre a rejeté les calendriers électoraux révisés publiés par le Conseil électoral provisoire pendant l’été, les jugeant intenables. De même, après avoir reçu, le 8 septembre, une troisième version du projet de Constitution rédigé par le Comité consultatif indépendant créé par le Président Moïse, il a annoncé que l’assemblée constituante établie au titre de l’accord serait chargée d’examiner le document et d’en produire une version finale.

  9. Dans le même temps, le 5 juillet, un nouveau décret électoral a été publié. Bien que la plupart des dispositions du décret de 2015 régissant l’organisation du cycle électoral pour la période 2015-2017 ont été conservées, certains aspects en ont été améliorés, comme le renforcement de la participation des femmes au moyen de mesures contraignantes et d’incitations financières visant à augmenter le nombre de candidates aux élections.

  10. L’absence de consensus autour du référendum, le séisme, la légitimité contestée du Conseil électoral et l’intention du Gouvernement de modifier le Conseil électoral une fois l’accord politique conclu ont continué de freiner la préparation des élections. À la mi-juin, des manifestations anti-référendum organisées à Fort-Liberté (département du Nord-Est) et à Jacmel (département du Sud-Est) ont perturbé les sessions de formation des agents électoraux. En outre, le Conseil électoral n’a pas encore terminé le recrutement du personnel des bureaux de vote. Il a, par ailleurs, suspendu les activités électorales à la suite du séisme du 14 août, jusqu’à temps que les dégâts causés aux infrastructures et aux biens dans les zones sinistrées aient été évalués. Il est ressorti des premières évaluations que certains bureaux électoraux municipaux et un grand nombre de bâtiments publics destinés à faire office de centres de vote avaient subi des dommages importants.

  11. De nouveaux retards étant attendus dans le calendrier électoral, les inscriptions devraient en principe rouvrir. Au 30 août, plus de 5 millions d’Haïtiens en âge de voter s’étaient enregistrés pour obtenir la nouvelle carte d’identité servant également de carte d’électeur, les femmes représentant 52,7 % des personnes inscrites sur le nouveau registre des électeurs. Le nombre de femmes inscrites est supérieur à celui des hommes dans les dix départements du pays et au sein de la diaspora installée aux États-Unis. Enfin, le 19 juillet, le Gouvernement a versé 6,5 millions de dollars supplémentaires au fonds de financement commun pour les élections géré par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), portant sa contribution totale à 39,8 millions de dollars, dont 12,4 millions ont servi à faciliter l’organisation du référendum constitutionnel qu’il était prévu de tenir.

  12. Malgré le flou qui entoure la date des élections, la cellule mixte chargée de la sécurité électorale, coordonnée par la Police nationale d’Haïti, a continué de tenir des réunions hebdomadaires avec le Conseil électoral, l’ONU et d’autres partenaires nationaux et internationaux. En raison des retards causés par les changements qui seront probablement faits au sein du Conseil électoral et des ajustements auxquels il a fallu procéder à la suite du du séisme, le plan national intégré de sécurisation des élections et le budget de la cellule consacré à la sécurité des élections seront à nouveau révisés.

  13. Parallèlement, les partenaires internationaux aident la police à mieux évaluer les risques dans les 1 534 centres de vote et les centres logistiques où sont stockés le matériel et les biens électoraux. En outre, dans le cadre d’un projet financé à hauteur de 1,5 million de dollars par le Fonds pour la consolidation de la paix, l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONUFemmes) et le PNUD ont réuni des représentants d’organisations de la société civile, de partis politiques et du Conseil électoral provisoire afin d’élaborer une stratégie de prévention et de dissuasion en ce qui concerne la violence électorale. Enfin, le recrutement et la formation des 7 000 agents temporaires chargés de la sécurité des élections ont été reportés en attendant qu’une décision soit prise sur la date de tenue des scrutins.