Dans les quartiers de la capitale Port-au-Prince, surtout dans les zones les plus pauvres, l’accès en eau de la population reste fragile.
« Pour avoir de l’eau, il faut se lever tôt car la distribution ne dure pas toute la journée et la demande est grande », souligne Ifania, 35 ans, venue s’approvisionner à une fontaine publique du quartier de Bolosse, dans les hauteurs de Martissant.
Au moins trois jours par semaine entre 6 et 11 heures du matin, des résidents jeunes et adultes, seaux à la main, essayent à tour de rôle de remplir leurs récipients du précieux liquide coulant d’un tuyau à deux têtes sortant d’un mur de clôture d’une maison privée voisine.
Rares sont les maisons qui sont alimentées par un robinet du service national, la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (DINEPA), créée en 2009 pour remplacer l’ancienne structure, connue sous le nom de Centrale autonome métropolitaine d’eau potable (CAMEP).
« Rien, semble-t-il, n’a été fait pour que chaque maison soit alimentée », tranche Yvon, un habitant qui regrette « les difficultés pour faire parvenir l’eau jusqu’à nous ».
« Nous achetons le drum [récipient d’environ 55 gallons] à 10 gourdes et revendons le liquide à cinq gourdes le récipient de 5 gallons », témoigne pour sa part, à quelque 200 mètres de là, le chauffeur d’une camionnette venu s’approvisionner à un captage privé ‘illégal’.
Le liquide ainsi obtenu est vendu à environ 1km plus loin dans un autre bidonville de Carrefour Feuilles, quartier sud-est de la capitale non alimenté par le système d’eau.
Le manque d’accès à l’eau pour une bonne partie de la population a plusieurs causes dont un manque de contrôle dans les zones abritant des sources, une mauvaise gestion et distribution de l’eau, un entretien déficient et, selon certains, une corruption et un manque d’investissements qui ont contribué à la dégradation des systèmes de distribution.
Ces problèmes ne sont pas nouveaux puisqu’une étude de l’ONU réalisée en 1976 soulignait que la CAMEP produisait environ 64 millions de litres par jour, mais en perdait 30 millions en vols, fuites et gaspillage.
« La population ne nous facilite pas la tâche. Les tuyaux sont crevés en de nombreux endroits par les habitants eux-mêmes qui vont ensuite se plaindre de ne pas recevoir d’eau», indiquait encore en 2007 l’Ingénieur Pierre Lukner Jean, alors responsable du service de distribution de cette institution.
« Aujourd’hui seulement 55% des ménages ont accès à une source d’eau améliorée », en Haïti, révèle l’UNICEF. Selon Lesly Dumont, coordonnateur national de la DINEPA, en 2010, seuls 35% des foyers de la région métropolitaine de Port-au-Prince avaient accès à l’eau potable.
Ceci, malgré d’importants efforts déployés par de nombreuses institutions, dont la MINUSTAH, qui accompagnent le gouvernement dans ses démarches.
Rien que pour la période ayant suivi le séisme du 12 janvier 2010, la MINUSTAH a réalisé 31 forages et puits, par le biais de ses Casques bleus, alors que des systèmes d’adduction, dont 127 citernes, 14 fontaines et 8 réservoirs d’eau potable ont été construits ou réhabilités dans 49 communes par la Mission.
Pour faciliter l’accès de tous à l’eau, les Nations Unies proposent avant tout de sensibiliser tout un chacun sur les défis et le potentiel de la coopération dans le domaine de l’eau, de faciliter le dialogue entre les acteurs, et de promouvoir des solutions innovantes pour entretenir cette coopération.
‘La coopération dans le domaine de l’eau’, est d’ailleurs le thème sous lequel est célébrée cette année la Journée mondiale de l’eau. En Haïti, cette journée est fêtée sur le thème ‘Konbit dlo pou tout moun’ soit ‘tous unis pour l’accès de tous à l’eau’, mettant l’accent sur la nécessité pour que dans ce pays riche en eau, cette ressource ne soit plus un luxe pour près de la moitié des citoyens.
En effet, selon les Nations Unies, cette coopération « contribue à la réduction de la pauvreté, à établir l’équité, à créer des retombées économiques, à préserver les ressources en eau et à protéger l’environnement, tout en construisant la paix ».
Pierre Jerome Richard