CONAKRY, 5 novembre 2008 (IRIN) - Les populations qui vivent près des zones d'exploitation minière de Guinée descendent de plus en plus souvent dans la rue pour protester contre le peu de services de base dont elles bénéficient, et notamment contre un manque d'accès à l'eau et à l'électricité, dans leurs communautés.
Au moins deux manifestants ont trouvé la mort au cours de manifestations récentes, réprimées par les forces de sécurité, mais les habitants et les leaders de la société civile se disent déterminés à ne pas se laisser décourager.
« Nous en avons assez des promesses creuses », a déclaré à IRIN Kalil Soumah, un habitant de la ville minière de Boké, à quelque 300 kilomètres de Conakry, la capitale, peu après qu'une répression militaire contre des manifestants eut abouti au décès d'un jeune homme de 23 ans.
La Guinée est un pays riche en ressources naturelles, qui renferme notamment une des plus grandes réserves de bauxite du monde, une matière utilisée pour la fabrication de l'aluminium.
Mais la pauvreté extrême y est endémique et à l'exception d'une élite fortunée, peu d'habitants -notamment dans les communautés vivant près des zones o=F9 sont menées de lucratives opérations minières- jouissent d'un accès régulier à l'eau salubre et au réseau électrique.
Boké
Les habitants de la municipalité de Boké, riche en bauxite, ont déclaré le 4 novembre que le calme régnait dans la ville, l'armée étant très présente dans les rues, à la suite d'une visite du président Lansana Conté, au lendemain des manifestations du 31 octobre. Mais ce calme sera de courte durée, ont-ils également expliqué, si leurs griefs restent lettre morte.
« Les habitants observent [aujourd'hui] comment les choses se passent avant de décider quelle sera la prochaine étape », a déclaré à IRIN Alima Diallo, un étudiant, depuis Boké, le 4 novembre.
Les habitants de Boké sont descendus dans la rue en masse et ont bloqué la circulation des trains sur la voie ferrée empruntée par la Compagnie de bauxite de Guinée (CBG) pour transporter le matériel d'exportation. La semaine précédente, la population de Boké avait menacé d'interrompre les opérations minières si on ne lui assurait pas un accès à l'eau et à l'électricité.
« Les forces militaires venues de Conakry n'ont pas hésité du tout lorsqu'elles se sont opposées aux manifestants », a déclaré à IRIN Ansoumane Diawara, la tante du défunt. « Elles tiraient partout. Mon neveu a été abattu par une balle perdue ».
Des membres de la société civile ont indiqué à IRIN que le manque de services essentiels était avant tout le fait du gouvernement, et non des sociétés minières, mais selon eux, interrompre les opérations minières est un moyen d'atteindre le gouvernement.
Mambia
Le calme est également revenu à Mambia, à 80 kilomètres de Conakry, trois semaines après les manifestations. Les habitants de la ville s'étaient soulevés le 9 octobre, exigeant eux aussi un accès à l'eau et à l'électricité.
La situation est tendue depuis l'opération de répression violente menée par l'armée, et rien n'a été résolu, selon un observateur. Ibrahima Diallo, un fonctionnaire local, a confirmé qu'au moins un manifestant avait été tué par les forces de sécurité.
« Les mêmes besoins subsistent ; les mêmes causes de trouble sont toujours là », a déclaré Sékou N'fally Oularé, membre de la coalition 'Publiez ce que vous payez', qui fait pression en faveur d'une exploitation responsable des ressources minières.
« Rien n'est plus pareil »
Depuis les manifestations de masse qui ont eu lieu au début de l'année 2007 contre le gouvernement guinéen, les Guinéens ont exprimé maintes et maintes fois leurs griefs en organisant des manifestations de rue.
Récemment, le 3 novembre, les Guinéens ont bloqué les routes de Conakry avec du bois et des pneus en feu pour protester contre les prix élevés des carburants. L'armée réprime généralement les manifestations par la force.
« Rien n'est plus pareil en Guinée depuis [les manifestations de 2007] », a déclaré M. Oularé. « Les gens se lèvent et dénoncent ; même s'ils savent que cela n'aura sans doute pas de conséquence immédiate, ils ne restent pas les bras croisés tandis que leurs droits sont bafoués ».
« C'est la norme en Guinée : quand les gens s'élèvent pour défendre leurs droits, la réaction est une répression immédiate. Mais malgré la répression, ces communautés [minières] continueront de revendiquer leurs droits », a déclaré à IRIN Kabinet Cissé, directeur du programme de ressources naturelles du CECIDE, un organisme de la société civile.
Solutions
Le CECIDE a co-organisé un symposium à Conakry, les 17 et 18 octobre, pour aborder l'exploitation minière et le développement. Le symposium a eu lieu juste après la tenue d'un forum gouvernemental sur l'exploitation minière dans la capitale, qui, selon les leaders de la société civile, n'avait pas tenu compte des points de vue des communautés minières.
Le gouvernement guinéen revoit actuellement les contrats miniers qui le lie à des sociétés étrangères en partie, selon les autorités, pour assurer que les Guinéens profitent davantage des bénéfices de l'exploitation.
Le 18 octobre, une coalition d'organismes de la société civile a publié une déclaration selon laquelle il incombe à la société civile, et notamment aux syndicats de travailleurs, « d'intensifier une action et une pression nécessaires » pour aider les communautés à revendiquer leurs droits économiques, sociaux et environnementaux à l'aune de l'industrie minière.
La déclaration évoque « l'impatience » de certaines communautés minières, et présente des recommandations pour la société civile, le gouvernement et les entreprises minières.
Selon des membres de la société civile, certains habitants des zones avoisinant les mines ne vivent pas dans les mêmes conditions de pauvreté que d'autres, en grande partie parce que des mécanismes ont été mis en place pour assurer que des ressources soient consacrées au développement local.
=C0 Siguiri, dans le nord-est de la Guinée, par exemple, les représentants de l'industrie, de la société civile et du gouvernement se rencontrent régulièrement pour aborder les besoins locaux en matière de développement et l'affectation des ressources, a expliqué M. Oularé, de 'Publiez ce que vous payez'.
Les communautés comme celles de Mambia et de Boké veulent en faire autant. Pour les membres de la société civile, la seule solution durable consiste en un dialogue ouvert.
« La meilleure mesure que le gouvernement puisse prendre serait d'engager le dialogue avec les communautés et la société civile », a préconisé M. Cissé, du CECIDE. « Nous ne pouvons pas continuer à vivre dans une situation d'instabilité permanente ».
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