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Guinea

Covid-19: Cinq questions à Krista Verstraelen Représentante Résidente en Guinée

La Guinée, à l’instar d’autres pays du monde, est frappée par le Covid-19. A l’heure actuelle, comment se présentent les chiffres liés à la pandémie dans le pays ?

Les dernières statistiques publiées le mercredi 13 mai 2020 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire indiquent 74 nouveaux cas de Covid-19 en Guinée. Ce chiffre, ajouté aux cas répertoriés depuis l’apparition de la maladie dans le pays le 12 mars dernier, porte le total des contaminations à 2 372. Le nombre de patients guéris est de 856, pour 14 décès au total. Les nouvelles contaminations, comme vous le constatez, connaissent une hausse considérable. La pandémie peine à être jugulée. Si je devais, pour illustration, comparer la Guinée aux pays africains - je préfère limiter la comparaison à ce niveau– il y aurait de quoi s’inquiéter. Le pays figure parmi les pays africains les plus affectés par la pandémie, en se classant à la 8ème place en chiffres absolus. Si on établit le rapport entre le total des cas positifs et le nombre de la population, en tenant compte du laps de temps (deux mois) pendant lequel la maladie s’est propagée, alors la situation est encore plus préoccupante.

Quels sont les défis auxquels fait face le système sanitaire de la Guinée, dans le cadre de la lutte contre le Coronavirus ?

La Guinée a connu l’épidémie d’Ebola en 2014, avec 2500 victimes. Cette terrible épreuve d’il y a cinq ans a fait penser que le pays était mieux armé pour faire face aux crises sanitaires qui surviendraient. Mais la gestion du Covid-19, en dépit des mesures prises par les autorités nationales, révèle une impréparation du système sanitaire guinéen.

On peut dire qu’à bien des égards, l’expérience d’Ebola n’a pas été capitalisée. Justement, Enabel en Guinée a conduit, avec l’Université de Conakry, la toute première étude visant à évaluer le niveau de préparation de la Guinée face au nouveau Coronavirus. L’idée consistait à partir de la réalité du terrain pour mieux orienter la riposte. Les résultats de cette étude, menée à divers endroits du pays et auprès d’un échantillon bien représentatif de la population, démontrent que les centres de santé ne sont pas bien équipés, les soignants pas correctement formés, les équipements de protection individuelle pas disponibles.

A cela s’ajoute les difficultés liées au dépistage : un retard a été accusé dans son déploiement, les tests disponibles sont en deçà des besoins réels sur le terrain, et le suivi des cas-contacts est défaillant. Le programme de formation en épidémiologie de terrain indique qu’au jour d’aujourd’hui, 40% des testés positifs ont ‘’disparus dans la nature’’ et refusent de se faire prendre en charge. On peut donc dire que les défis sont énormes.

Comment se comporte la population guinéenne vis-à-vis de la maladie et des mesures d’urgence prises par le gouvernement ?

Globalement, la population se comporte plutôt bien face à la maladie. Je rappelle que l’étude qui a aussi évalué les attitudes et les perceptions des guinéens en ce qui concerne le Covid-19, note tout de même qu’une partie de la population relativise l’existence de la pandémie dans leur pays et croit que c’est « une maladie de blancs ».

La crise politique liée au double scrutin législatif et référendaire du 22 mars dernier, a fortement impacté le cours de la pandémie et le comportement de la population vis-à-vis d’elle. Il y a eu comme une rupture de confiance entre une partie de la population et les gouvernants. Une telle rupture n’est pas la meilleure alliée en temps de crise. A cela s’ajoute le niveau de pauvreté de la majorité de la population, en quête quotidienne de quoi manger et donc difficilement « confinable ». Tout cela semble avoir contribué au retard enregistré dans la riposte en Guinée. Les mesures prises par le gouvernement, l’état d’urgence sanitaire, les restrictions des mouvements des populations, le port obligatoire de masque dans l’espace public, sont de plus en plus respectées. La sensibilisation y a sans doute joué un rôle majeur. La crainte de devoir payer des amendes aussi.

« 40 % des personnes testées positives refusent d'être soignées.»

Quelles actions sont prises par le gouvernement guinéen pour limiter la propagation de l’épidémie ?

Le gouvernement a déclaré l’état d’urgence sanitaire le 27 mars. Depuis, les frontières sont fermées. Seuls les cargos, les vols humanitaires et les vols « spéciaux » sont autorisés à atterrir sur l’aéroport de Conakry. Un couvre-feu a été instauré, entre 21h et 5h du matin. Le port des masques a été rendu obligatoire dans les lieux publics. Les mouvements des populations, notamment les déplacements interurbains, ont été drastiquement restreints et les rassemblements de plus de vingt personnes pas autorisés.

Reste la mesure relative aux tests, pour détection des cas positifs, leur confinement et le suivi de leurs contacts. De ce point de vue, beaucoup reste à faire en termes d’améliorations.

Quelles sont les actions engagées par Enabel, en soutien au gouvernement dans sa réponse au Covid-19 ?

En réponse à l’urgence imposée par la progression du Covid-19, Enabel a réorienté l’ensemble de ses projets en exécution vers les actions de riposte. Très tôt, on s’est mobilisé, en soutien au plan de riposte national, au travers de la production et la diffusion de messages de sensibilisation y compris en langues locales, d’un appui aux ONG engagées sur le terrain, la fourniture des milliers de masques et kits hygiéniques aux ménages.

Je dois ajouter le diagnostic situationnel rapide dont je parlais un peu plus haut, mais aussi l’organisation d’un hackathon qui a mobilisé une centaine de startups locales ayant permis de développer des solutions numériques pour enrayer la pandémie. Dans les jours à venir, nous allons déployer une application mobile (Android et iOS) qui contribuera aux efforts de sensibilisation et d’informations. Elle met l’accent sur la dimension ludique et permettra aux internautes d’apprendre sur le Covid-19 de manière divertissante.

Enabel Guinée s’implique aussi fortement dans la résilience économique, avec une attention particulière pour la sécurité alimentaire et l’emploi, thématiques en lien avec l’appui à l’entrepreneuriat, fil rouge du portefeuille bilatéral que nous déroulons.