Le président dominicain, Danilo Medina, vient de soumettre au congrès dominicain, le 15 mai 2014, une loi intitulée « Loi instituant un régime spécial pour les personnes nées sur le territoire national inscrites irrégulièrement sur le registre d’état civil dominicain et sur la naturalisation ». Cette loi, au lieu d’apaiser les souffrances créées depuis le 23 septembre 2013 avec la fameuse sentence 168-13 du Tribunal constitutionnel dominicain, sème des inquiétudes. Des défenseurs/défenseures de droits humains se demandent en quoi cette décision du Pouvoir Exécutif dominicain va résoudre le grave problème d’apatridie créé en République Dominicaine par l’arrêt TC 168/13.
Le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) prend note de la volonté de l’Etat dominicain de vouloir proposer une issue à cette crise de droits humains qui a trop duré. Il s’inquiète des changements que pourra apporter cette loi dans la vie des Dominicains/Dominicaines d’ascendance haïtienne dont les droits fondamentaux ont été piétinés.
En lisant le texte déposé au congrès par le président Medina, on a l’impression que justice a été rendue aux victimes de la sentence TC 168/13. Mais en l’analysant plus profondément, on se rend rapidement compte qu’il ne va aucunement permettre à tous les Dominicains/Dominicaines victimes d’apatridie de recouvrer leur nationalité et de jouir pleinement de leurs droits. Les articles 6 et 8 le prouvent.
Dans l’article 6, il est fait mention d’un livre destiné à inscrire les enfants nés en République Dominicaine de parents étrangers qui sont en situation irrégulière. Ce registre nous rappelle le fameux livre rose mis en place par les autorités dominicaines en 2004 pour enregistrer les enfants haïtiens auxquels elles ne voulaient pas donner la nationalité dominicaine. En agissant de la sorte, l’Etat dominicain laisse voir une fois de plus sa détermination à violer le droit à la nationalité d’un groupe important de Dominicains/Dominicaines d’origine haïtienne.
Dans l’article 8, il est question de naturalisation pour des personnes nées en République Dominicaine de parents étrangers. Comment demander à quelqu’un d’obtenir par naturalisation une nationalité qu’il avait acquise légalement dès sa naissance ? On comprend très mal que les Dominicains/Dominicaines d’ascendance haïtienne puissent tomber dans cette catégorie parce que leur nationalité a été déjà garantie par la Constitution dominicaine de 2010.
Il est tout à fait évident que cette loi ne pourra jamais réparer les graves torts causés aux victimes de l’arrêt TC 168-13. Elle s’apparente à une stratégie de l’Etat dominicain de faire baisser les pressions autour du dossier de dénationalisation des Dominicains/Dominicaines d’ascendance haïtienne. C’est un véritable complot aux droits humains qui doit être dénoncé.
La République Dominicaine ne doit pas se refugier derrière une quelconque loi pour maintenir dans l’apatridie ses propres fils et filles.
Le GARR croit que la lutte pour le respect des droits fondamentaux des Dominicains/Dominicaines d’ascendance haïtienne doit se poursuivre. Il recommande à l’Etat haïtien de rester vigilant et garder toujours la tête haute dans les pourparlers engagés avec les autorités dominicaines depuis le début de l’année 2014. Il exhorte la commission gouvernementale haïtienne à formuler à la partie dominicaine, lors de la prochaine rencontre binationale à laquelle seront impliquées les sociétés civiles des deux pays, sur la base des engagements pris à Jimani, le 3 février dernier, les commentaires suivants :
1- Dépouiller la loi de son caractère accusateur figuré à l’article 1er alinéa a
2- Modifier le paragraphe 1 de l’article 6 du projet de loi qui stipule que les requêtes d’enregistrement doivent se faire dans un délai de 90 jours à partir de la publication de cette loi. Tenant compte du nombre de personnes concernées, il est ambitieux de prétendre les toucher tous en 90 jours.
3- Identifier des mécanismes clairs pour les personnes qui sont nées en République Dominicaine et qui n’ont jamais été déclarées à l’état civil. Cela concerne surtout leur nationalité avant d’entrer dans le plan de la régularisation.
Le Président Médina semble oublier cette phrase de sa politique générale : « …Dar Prioridad a la atencion de grupos vulnerables para prevenir la violacion de sus derechos humanos … Accorder la priorité aux groupes vulnérables pour prévenir la violation de leurs droits humains….» (Page 40, Plan de Gobierno 2012-2016 – Danilo Medina)