05 mars 2025
GENEVE – Alors que la situation continue de se détériorer dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), une experte des Nations Unies* a appelé aujourd’hui à un soutien urgent et concret aux défenseurs des droits de l’homme dans la région.
« Les défenseurs des droits de l’homme dans l’est de la RDC courent actuellement un risque extrême de représailles pour leur travail en faveur des droits de l’homme. Ils ont besoin d’aide immédiate, y compris d’un soutien pour une réinstallation temporaire avec leurs familles », a déclaré Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.
Le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a continué à progresser dans la région depuis le début de son offensive au début de l’année, et ceux qui ont documenté et dénoncé ses violations ont été directement visés.
« Ces dernières semaines, j’ai reçu d’innombrables alertes demandant un soutien et j’ai parlé directement avec des défenseurs sur le terrain », a déclaré Mme Lawlor. « Ils vivent dans la peur et les risques sont réels. Récemment, un défenseur m’a informé que les rebelles du M23 avaient dressé des listes de défenseurs des droits de l’homme à appréhender dans les zones qu’ils contrôlent ».
La Rapporteuse spéciale a déclaré avoir reçu des informations crédibles selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme sont détenus au secret, disparus de force et torturés à Rutshuru et Masisi, dans le Nord-Kivu, tandis qu’au moins six défenseurs des droits de l’homme sont portés disparus après avoir tenté de fuir Goma, suite à la prise de la ville par le M23.
« Certains défenseurs des droits de l’homme n’ont pas eu d’autre choix que de fuir leur domicile. Ceux qui parviennent à gagner d’autres villes n’ont pas les moyens de trouver un abri ou de subvenir à leurs besoins quotidiens », a déclaré la Rapporteuse spéciale. « D’autres sont restés dans les zones contrôlées par les rebelles, mais craignent pour leur sécurité. Un défenseur m’a demandé comment il pouvait continuer à se cacher alors que le M23 commençait à effectuer un recensement à Goma ».
Depuis les évasions massives des prisons de Goma, Kalehe, Bukavu et Uvira, des milliers de détenus, y compris des criminels violents et des chefs de groupes armés condamnés pour de graves violations des droits de l’homme assimilables à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité, se sont échappés. Certains d’entre eux menacent les défenseurs des droits de l’homme qui ont fourni une assistance médicale, psycho-sociale et juridique aux victimes et aux témoins qui ont déposé pendant les procès. Maintenant que les défenseurs des droits de l’homme sont menacés et craignent des représailles, les victimes n’ont plus personne vers qui se tourner.
Dans un environnement déjà fébrile pour les défenseurs des droits de l’homme, la Rapporteuse spéciale a souligné le risque grave de violence sexuelle auquel sont confrontées les femmes défenseurs.
« Nous savons que les violences sexuelles et sexistes liées aux conflits dans l’est de la RDC sont endémiques et que les femmes qui prennent position contre les violations des droits de l’homme dans de tels contextes, et qui deviennent visibles par leur travail, en font souvent les frais », a déclaré Mme Lawlor. « Il est consternant de penser que 25 ans après la résolution historique du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, ces événements se déroulent sous les yeux d’un monde largement apathique ».
La Rapporteuse spéciale a également attiré l’attention sur les risques encourus par les défenseurs des droits de l’homme dans les zones isolées et rurales, notamment les assassinats, les disparitions forcées et les enlèvements, et a souligné l’impact psychologique de la situation sur les personnes présentes sur le terrain.
« Les défenseurs étaient déjà menacés dans la région – à la fois par le gouvernement et par les groupes armés – mais comme l’a décrit une femme défenseur des droits de l’homme lors d’un entretien avec moi, il n’y a désormais plus de répit, l’insécurité est constante et il n’y a pas de protection », a déclaré la Rapporteuse spéciale.
« J’appelle la communauté internationale à reconnaître sa responsabilité collective à l’égard de ces défenseurs des droits de l’homme et je demande instamment aux États membres de les rechercher et d’explorer toutes les possibilités d’assistance rapide afin d’éviter que la situation ne se détériore davantage ».
La Rapporteuse Spéciale est en contact avec le Gouvernement sur cette situation.
*L’experte : Mary Lawlor Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.
Endossé par : Morris Tidball-Binz, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; Gina Romero, Rapporteuse spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association ; Alice Jill Edwards, Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; Laura Nyirinkindi (présidente), Claudia Flores (vice-présidente), Dorothy Estrada Tanck, Ivana Krstić, et Haina Lu, Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles ; Gabriella Citroni (présidente), Grażyna Baranowska (vice-présidente), Aua Baldé, Ana Lorena Delgadillo Pérez et Mohammed Al-Obaidi, Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Reem Alsalem,Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes et les filles.
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