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DR Congo

Tshopo : Entre inondations ravageuses et conflits intercommunautaires, les communautés font preuve de résilience

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La province de Tshopo, nichée au cœur de la majestueuse forêt du bassin du Congo en République Démocratique du Congo (RDC), se trouve confrontée à des crises multiples qui mettent en péril la vie et les moyens de subsistance de sa population. Les inondations récurrentes ravagent les cultures, rendant la nourriture de plus en plus rare, tandis que les conflits fonciers exacerbent la violence intercommunautaire et divisent les habitants. Cependant, au milieu de ces défis, les communautés locales font preuve d'une résilience extraordinaire et d'une force impressionnante dans un environnement en perpétuelle mutation.

Le deuxième plus long fleuve d'Afrique, le fleuve Congo, constitue une menace grave pour les habitants de la province de Tshopo. Au cours des dix dernières années, les inondations récurrentes ont causé d'énormes pertes humaines et dévasté les moyens de subsistance de la population. Mandoko Atanga, 39 ans, est l'une de ces victimes. Autrefois, le fleuve était une véritable source de vie et de prospérité, nourrissant sa famille et l'ensemble de la communauté grâce à son abondance en variétés de poissons. Cependant, ce sentiment de sécurité a été ébranlé et a largement disparu, à cause des inondations répétées qui frappent durement la région.

En novembre 2023, Mandoko, son mari et leurs sept enfants ont dû évacuer leur maison lorsque l'eau du fleuve a submergé leur village.

« Nous n'avions d'autre choix que de fuir, » raconte-t-elle. « Nous avons trouvé refuge dans une église sur la colline, mais nous avons perdu toute notre réserve alimentaire. Heureusement, nous avons reçu de l'aide de nos proches et des membres de la communauté. »

Quatre mois plus tard, lorsque les eaux se sont retirées, Mandoko et sa famille sont rentrés chez eux. Mais ce qu'ils ont vu était déchirant : des débris en bois recouverts de boue étaient tout ce qui restait de leur maison.

« Nous avons tout perdu, » se lamente-t-elle. « Maintenant que les eaux de crue se sont retirées, nous avons progressivement repris nos activités agricoles pour survivre. »

Mandoko est l’une des 108 000 personnes déplacés par les crues à répétition dans la Tshopo. Ces crues ont aussi détruit plus de 5 000 hectares de terres agricoles et leurs récoltes, perturbant l'agriculture et mettant les gens en péril l'insécurité alimentaire des populations qui peinent à se nourrir, alors que les prix des denrées alimentaires augmentent sur le marché local.

Fiston Basosila, inspecteur agricole à Isangi, confirme la gravité de la situation :

« L'année dernière, deux saisons agricoles ont été perdues à cause des inondations qui ont submergé les villages. Les conséquences sont désastreuses : le prix d'une mesure de riz est passé de 1 000 à 2 000 francs congolais (0,3 à 0,7 USD) et le prix des haricots est passé de 2 500 à 6 000 francs congolais (0,8 à 2,14 USD). Les gens dépendent de l'agriculture et de la pêche pour subvenir aux besoins de leurs familles. Lorsque les inondations surviennent, ils perdent presque tout. »

L'organisation humanitaire non gouvernementale ACTED a fait une assistance sous forme de transfert monétaire pour aider près de 20 000 personnes parmi les plus vulnérables. Grâce à un financement du CERF, l’UNICEF et ses partenaires ont réhabilité 25 points d'eau. Les familles ont également besoin d'aide pour relancer leurs activités agricoles, mais le financement humanitaire reste un grand défi.

Les autorités envisagent de relocaliser certaines communautés dans des zones moins à risque d'inondation. Cependant, ce projet soulève des inquiétudes sérieuses, car il pourrait exacerber les tensions foncières qui sont déjà présentes dans la région.

Les conflits fonciers alimentent la violence intercommunautaire

La province de Tshopo abrite une partie cruciale de la forêt du bassin du Congo, un puits de carbone essentiel. Toutefois, la nécessité de préserver la forêt a réduit l'espace disponible pour les activités de subsistance des communautés locales, entraînant des tensions sur l'utilisation des terres. Cet équilibre délicat a été davantage perturbé en février 2023, lorsqu'une entreprise privée a reçu plus de 200 hectares pour un projet agricole. Les communautés locales ont perçu cette décision comme une menace pour les terres communautaires dont elles dépendent pour leurs moyens de subsistance traditionnels, y compris l'agriculture et l'élevage. Les allégations de vente de terres par certains membres de la communauté ont accru les tensions, menant à une violence qui a coûté la vie à plus de 700 personnes et déplacé 90 000 personnes depuis mai 2023.

« Elle n'a rien fait de mal, » dit-elle.

En janvier 2024, Rachel, son mari et leurs cinq enfants étaient sur le point de dîner lorsqu'ils ont entendu des cris leur ordonnant de fuir. Au moment où ils réalisaient ce qui se passait, il était trop tard ; des hommes armés avaient encerclé leur maison. Alors qu'ils tentaient de s'échapper, un coup de machette a fait tomber son mari au sol. Rachel a fui avec ses enfants, mais Sophie est restée près de son père. Les hommes armés ont alors tranché ses bras avec une machette.

Lorsque les hommes armés sont partis, des voisins sont venus les aider et les ont conduits à l'hôpital. Rachel a ensuite appris que son mari et sa fille avaient également été transportés à l'hôpital, et elle les a rapidement rejoints. « J'étais outrée en les voyant, » raconte-t-elle.

Grâce aux organisations humanitaires, Sophie et son père ont reçu des soins médicaux gratuits. Ils ont quitté l'hôpital quatre mois plus tard et vivent maintenant avec d'autres personnes déplacées près d'une église à Kisangani, la capitale de la province de Tshopo.

« La vie de ma fille ne sera plus jamais la même, » dit Rachel. « Comment pourrait-elle retourner à l'école sans ses deux bras ? »

Des études scientifiques récentes dans la réserve forestière de Yangambi, pres de Kisangani, ont révélé une inquiétante augmentation des températures et des événements climatiques extrêmes dans la province de Tshopo. Cela est principalement dû à la déforestation incontrôlée, qui a des effets dévastateurs sur les rendements agricoles et la sécurité alimentaire des populations locales.

Benjamin Bisimwa, du Centre international pour la recherche en agroforesterie, coordonne des initiatives pour préserver ce poumon vert. Il explique :

« Nous essayons de créer un microclimat autour de nous, mais il est difficile de le maintenir et nous avons besoin de plus d'engagement. Si nous devons agir, alors nous devons tous agir. »

Travaillant avec les communautés, Benjamin promeut sans relâche des pratiques agricoles durables, renforçant ainsi les forces des populations. Ensemble, ils plantent des arbres, développent des chaînes de valeur agricoles rentables et fournissent des semences de qualité.

« Nous avons besoin d'actions locales pour atteindre des objectifs globaux, » explique-t-il. « Ces initiatives communautaires sont essentielles pour préserver la forêt et sauver la planète. »

Les humanitaires s'efforcent d'aider Sophie et de nombreuses autres familles sur le site de l'église, mais les besoins dépassent de loin leurs capacités.

En juin, un groupe d'organisations humanitaires a visité Kisangani et la communauté de Lubunga. Ils ont constaté le besoin critique de solutions pour aider les personnes touchées tout en s'attaquant aux causes profondes du conflit foncier qui déchire les communautés. Cette approche combine les efforts des autorités locales, des organisations humanitaires et des agences de consolidation de la paix et de développement.

Les communautés locales d'Isangi ont également développé une solution innovante pour adapter leur style de construction de maisons à l'environnement changeant.

Appelée Likengo, cette solution consiste à surélever les maisons sur des pilotis en bois pour les protéger des grandes marées lors des inondations.

Abeti Itenga, résidente d'Isangi, explique comment cela l'a aidée pendant les inondations :

« Pendant les récentes inondations, je n'ai pas eu à quitter ma maison. J'ai utilisé une petite pirogue en bois pour me procurer de la nourriture. Je sais que l'eau peut se retirer, mais je préfère rester ici. Je voudrais plutôt construire une maison plus grande avec un Likengo. »

En plus de la protection qu'offre le Likengo en période d'inondation, il symbolise l'attachement fort des habitants d'Isangi à leur terre.

« Je ne peux pas partir d'ici, » dit Itenga. « C'est la terre de mes ancêtres. »

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