Par Paul Nantulya
L'évolution du calcul politique des parrains du groupe rebelle M23 risque de déclencher une nouvelle guerre dans la région des Grands Lacs, ce qui souligne l'importance pour les médiateurs africains et les partenaires mondiaux d'agir rapidement pour endiguer les combats.
La chute de Goma aux mains des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) a provoqué une onde de choc dans la région qui risque de provoquer une guerre régionale de plus grande ampleur. Les souvenirs des guerres dévastatrices du Congo de la fin des années 1990 et du début des années 2000, qui a vu intervenir sept armées africaines et causé la mort de 5,4 millions de Congolais, sont encore frais dans les mémoires.
Cette évolution est particulièrement alarmante car il est largement reconnu que le M23 est soutenu par la Force de défense rwandaise (FDR) pour appuyer les intérêts rwandais en République démocratique du Congo (RDC). Outre les quelque 6 000 soldats du M23, environ 4 000 membres des forces rwandaises se trouvent actuellement en RDC. Les enquêtes de l’ONU ont montré que le M23 reçoit également le soutien de l’Ouganda. Des rapports indiquent que des troupes congolaises, des milices alignées sur le gouvernement connues sous le nom de Wazalendo et des mercenaires étrangers se sont rendus aux troupes des FDR en RDC.
La chute de Goma aux mains des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) a provoqué une onde de choc dans la région et risque de déclencher une guerre régionale plus vaste.
La prise de Goma, capitale de la province stratégique riche en minerais du Nord-Kivu dans l’est de la RDC, bien planifiée et exécutée, s’inscrit dans le cadre d’une offensive de plus en plus vaste menée par le M23 depuis 2022 pour prendre le contrôle de ces territoires. Cette évolution s’est accompagnée de tentatives de mise en place d’une administration civile parallèle dans les zones contrôlées par le M23, ainsi que d’une intensification de l’extraction minière. Cela suggère que le groupe rebelle et ses soutiens régionaux ont des objectifs à plus long terme pour maintenir et potentiellement étendre leur contrôle territorial.
Ces attaques ont déclenché une crise humanitaire majeure, les personnes déplacées fuyant plus au sud, dans le Sud-Kivu déjà instable, ou traversant la frontière rwandaise. Selon les Nations unies, plus de 500 000 personnes ont été déplacées depuis janvier et les hôpitaux sont submergés de blessés, dont de nombreux civils. Les commerces ont été pillés. Des munitions lourdes atterrissent dans les zones civiles. Au moins 17 soldats de la paix ont été tués, dont certains issus de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) qui servent dans la Mission de stabilisation de l’Organisation des Nations unies en RDC (MONUSCO).
Le président congolais Félix Tshisekedi est soumis à une pression énorme pour répondre à l’agression généralement considérée comme émanant du Rwanda et de l’Ouganda. Des centaines de manifestants en colère à Kinshasa exigent que le gouvernement prenne des mesures immédiates et décisives pour récupérer le territoire perdu. Pour exprimer leur frustration face à l’incapacité de la communauté internationale à mettre fin aux violences, certains ont allumé des feux devant des ambassades occidentales. D’autres réclament des armes pour pouvoir se joindre à la lutte dans l’est du pays.