RÉSUMÉ DE LA CRISE ET CONCLUSIONS PRINCIPALES
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) compte actuellement Cinq urgences sanitaires classées en République démocratique du Congo (RDC). Cette analyse de la situation de la santé publique (ASP) se concentre sur les risques sanitaires humanitaires résultant de la violence et du conflit dans les provinces suivantes : Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri, Tshopo, Kasaï et MaiNdombe.
La RDC fait partie des cinq pays les plus pauvres du monde. On estime que 74,6 % des Congolais ont vecu avec moins de 2,15 dollars par jour en 20231. Environ une personne sur six vivant dans l'extrême pauvreté en Afrique subsaharienne vit en RDC. Une longue histoire de conflits, de bouleversements politiques, d'instabilité et de régimes autoritaires a conduit à une crise humanitaire grave et persistante en RDC. En outre, il y a eu des déplacements forcés de populations. La crise humanitaire complexe et prolongée a eu un impact considérable sur la dynamique de développement du pays et a placé la population touchée dans une situation de vulnérabilité socio-économique extrême.
Les événements humanitaires ont été signalés presque partout sur le territoire national au cours des trois dernières décennies, neanmoins la partie orientale du pays (provinces de l'Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu) est sévèrement touchée en raison de la fréquence et de l'intensité relativement élevées du conflit et des situations humanitaires signalées dans cette partie du pays.
Depuis plus de 30 ans, plus de 120 milices et groupes armés opèrent activement dans la partie orientale du pays2. Malgré les offensives militaires menées par les FARDC, avec l'aide de la mission de maintien de la paix de l'ONU (MONUSCO), la violence s'est intensifiée dans les provinces de l'Est depuis plusieurs années, avec une recrudescence des attaques menées par des groupes tels que les Forces démocratiques alliées (ADF), la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) et le Mouvement du 23 mars (M23), entre autres. Bien que le gouvernement ait déclaré un régime militaire dans le Nord-Kivu et l'Ituri en mai 2021 dans le cadre d'un "état de siège" pour faire face aux groupes armés, et que des opérations militaires conjointes (EAC et SADC) aient été déployées, ces efforts n'ont pas réussi à endiguer la violence ou les attaques contre les populations. Au moins 2 446 civils ont été tués dans les provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de l'Ituri entre janvier et fin octobre 2023.
En dehors de l'est de la RDC, des tensions sont également apparues. Le conflit intercommunautaire entre les communautés Teke et Yaka déclenché par des différends sur les terres et les droits coutumiers dans la province occidentale de Mai-Ndombe s'est intensifié et étendu aux provinces voisines tout au long de l'année 2023, faisant des centaines de morts parmi les civils et détruisant de nombreux villages, écoles et installations médicales.
La crise humanitaire, déjà grave, avec 25,4 millions de personnes ayant besoin d’aide, a été exacerbée par la violence et l'insécurité prolongées et résurgentes. À la date du 30 novembre 2023, plus de 9,9 millions de personnes sont en situation de déplacement, dont 525 000 réfugiés, 6,46 millions de personnes déplacées internes (PDI), et 2,96 millions de retournés, faisant de la crise de déplacement en RDC l’une des plus graves et plus importantes au monde et, la deuxième en Afrique juste derrière le Soudan4. Environ 1,7 million de personnes sont déplacées par la seule crise du M23 dans le Nord-Kivu (au 13 février 2024), 200 000 de plus qu'à la fin du mois de janvier 2024. En septembre 2023, on estimait déjà 2,3 millions de personnes affectées par le M23 et les Forces démocratiques alliées (ADF) dans le Nord-Kivu5. Au Sud-Kivu tout comme en Ituri, 1,6 millions de personnes étaient déjà estimées déplacées en septembre 2023 dans chacune des provinces.
En 2023, les acteurs humanitaires ont porté assistance à près de 6,91 millions de Congolais, grâce aux 890 millions de dollars de financement reçus des bailleurs de fonds pour répondre à des besoins qui ont aussi augmenté au cours de l’année 2023. C’est ce qui a motivé lle déclenchement de l'intensification (« Scale-up ») de la réponse humanitaire dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu le 16 juin, qui est allée jusqu'au 31 décembre7. En 2024, la communauté humanitaire ciblera 8,7 millions de personnes dont les besoins humanitaires sont critiques, pour un montant de 2,6 milliards de dollars.