Aperçu de la crise
Avec une population estimée à 118 millions d’habitants en 2024[1], la République Démocratique du Congo (RDC) fait face à une crise humanitaire enracinée dans des décennies de conflits armés, d’instabilité politique et de fragilités structurelles. Si les déplacements forcés de populations en sont la manifestation la plus visible, cette crise est le résultat d’enjeux complexes et interconnectés et de causes sous-jacentes, encore insuffisamment traités de manière structurelle et décisive.
L’est de la République Démocratique du Congo reste le théâtre d’un conflit complexe, marqué par l’affrontement entre, d’un côté, les Forces Armées de la RDC (FARDC) et leurs alliés et, de l’autre, une myriade de groupes armés non étatiques (GANE). Ces derniers, parfois alliés temporairement aux forces nationales, s’opposent aussi entre eux, alimentant un cycle de violences ciblant les civils et certaines communautés. La fragilité du contexte sécuritaire a conduit au déploiement de forces étrangères et à des opérations militaires régionales, dont les résultats demeurent limités. Dans le Nord-Kivu et l’Ituri, cette situation a également conduit à mettre en place un état de siège depuis mai 2021, restreignant le fonctionnement des juridictions, administrations et autorités civiles.
Il y a encore quelques semaines, l’espoir d’avancées entre les parties dans le cadre du processus politique de Luanda laissait entrevoir une relative accalmie avant la finalisation du HNRP 2025. Cependant, la situation a basculé de manière rapide et dramatique à partir de la fin du mois de janvier 2025, avec l’offensive du M23, appuyée par le Rwanda, entraînant de violents affrontements dans des zones densément peuplées, notamment aux abords et dans la ville stratégique de Goma, prise le 27 janvier. Ces combats d’une intensité inédite dans la région depuis plusieurs décennies ont eu des répercussions humaines dramatiques, forçant de nombreuses familles à fuir sous les bombardements et entraînant de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire. La progression du M23 s’est poursuivie avec la prise de Bukavu, capitale du Sud-Kivu, le 16 février. L’extension continue du conflit, conjuguée à un contexte de militarisation accrue, fait désormais planer un risque majeur de régionalisation de la crise, avec des conséquences potentiellement catastrophiques tant au niveau local que pour l’ensemble de la sous-région.
Une crise sécuritaire multidimensionnelle qui s’aggrave
Les conflits intercommunautaires et l’activisme de groupes armés affectent plusieurs provinces de la RDC, notamment l’Ituri, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, le Maï-Ndombe, la Tshopo et le Tanganyika. En 2024, ces violences ont provoqué le déplacement d’environ 3 millions de personnes, portant à 7,8 millions le nombre total de déplacés internes en décembre 2024—la RDC se plaçant ainsi au troisième rang mondial pour les crises de déplacement interne, après le Soudan et la Syrie. L’expansion territoriale des groupes armés aggrave les tensions communautaires, perturbe le fonctionnement de l’économie, restreint l’accès aux services essentiels, accentue les violations des droits humains, accroit le risque de violences sexuelles et basées sur le genre, favorise le recrutement forcé, y compris d’enfants, et augmente les risques de violation du droit international humanitaire, notamment en prenant les civils, les acteurs humanitaires et les infrastructures civiles essentielles pour cible.
Au Nord-Kivu, le conflit entre les FARDC et le M23 s’est intensifié malgré les efforts de médiation régionale, tandis que le cessez-le-feu négocié entre la RDC et le Rwanda a connu d’importants défis depuis son entrée en vigueur le 4 août. Dans ce contexte, le mécanisme de vérification ad hoc renforcé mis en place à Goma en novembre 2024, n’a pas été pleinement opérationnalisé. Alimenté par un soutien direct du Rwanda, comme le confirment les rapports du Groupe d’experts des Nations unies, le conflit a rapidement dégénéré. En janvier 2025, le M23 a capturé Goma, suivi de Bukavu en février 2025, marquant un nouveau pic de violence. Ces prises ont entraîné la mort de milliers de personnes et le déplacement de centaines de milliers d’individus autour de Goma. Forcée à retourner dans des zones à sécurité incertaine ou poussée vers une seconde vague de déplacements, la population se trouve dans une situation critique. La fermeture de l’aéroport de Goma depuis sa prise de contrôle par le M23 fin janvier 2025, entrave l’acheminement de l’aide humanitaire, tandis que la raréfaction des fournitures sanitaires, la destruction de nombreux camps de déplacés et le pillage des entrepôts humanitaires aggravent encore cette crise. Au Sud-Kivu, la crise s’est également aggravée, notamment dans le territoire de Kalehe et la zone de santé de Minova, où plus de 200 000 personnes déplacées ont cherché refuge.
Par ailleurs, l’extension de l’offensive du M23 dans le Nord et le Sud-Kivu redéfinit les priorités militaires et les alliances entre groupes armés, fragilisant encore les capacités d’intervention des FARDC, déjà sollicitées sur plusieurs fronts, notamment en Ituri. En 2024, les Forces démocratiques alliées (ADF) se sont imposées parmi les groupes les plus meurtriers, étendant leurs opérations d’Ituri vers le territoire de Beni (Nord-Kivu). L’avancée du M23 pourrait également influencer la dynamique sécuritaire en Ituri, où les groupes CODECO et Zaïre poursuivent leurs attaques dans le territoire de Djugu. Bien qu’un acte d’engagement signé en avril 2024 ait relancé le dialogue intercommunautaire entre Hema et Lendu, la stabilité reste fragile et le M23 a plusieurs fois menacé d’aller protéger les populations Hema.
À l’ouest, le conflit Teke–Yaka, déclenché en juillet 2022 à Kwamouth (Maï-Ndombe), s’est étendu à plusieurs provinces et a déplacé plus de 220 000 personnes. Malgré le déploiement des FARDC et divers accords de paix en 2023 et 2024, la présence de milices telles que Mobondo et de groupes criminels entretient une forte instabilité. Dans la province de la Tshopo, un conflit foncier entre les communautés Mbole et Lengola, déclenché en février 2023, a fait plus de 700 morts et 90 000 déplacés, tandis que des inondations en 2024 ont touché 137 villages, aggravant les besoins humanitaires. Enfin, dans la province du Tanganyika, les tensions intercommunautaires alimentées par des groupes armés venus du Maniema et du Sud-Kivu (Maï-Maï Malaika, Fimbo na Fimbo) génèrent de nouveaux déplacements et perpétuent l’insécurité
[1] Projections du Système Nationale d’Information Sanitaire (SNIS) à partir des informations de l’annuaire statistique 2020. https://ins.cd/2022/03/25/rdc-annuaire-statistique-2019/
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