Jean-Tobie Okala/Monuc
Mbuji Mayi
Ils étaient 153, souriants et heureux comme le jour o=F9 ils ont rejoint les rangs de la police nationale congolaise. Et il y avait de quoi: ce sont les premiers éléments de la police congolaise du Kasaï Oriental à recevoir une "formation de recyclage au maintien de l'ordre républicain". Environ deux semaines durant, du 2 au 12 juin 2005, quelque 153 policiers de Mbuji Mayi sont retournés sur les bancs de l'école de la police civile de la MONUC, CivPol. Les enseignements ont porté sur la façon de manouvrer une troupe, le commandement, la déontologie, c'est-à-dire les principes généraux de graduation de la force; il s'agissait aussi de former ces policiers du Groupe Mobile d'Intervention de la Police congolaise aux taches de maintien de l'ordre, à l'usage (théorique) des armes ou encore à ce que les formateurs appellent dans le jargon policier l'intervention professionnelle; en clair la maîtrise d'un individu. Le choix de Mbuji Mayi n'est certainement pas anodin : la dégradation du climat social et politique dans le chef-lieu du Kasaï Oriental, par ailleurs fief du leader de l'opposition politique non armée, Etienne Tshisekedi y est pour beaucoup.
Témoigner de l'appui de la communauté internationale
Les tensions politiques ont déjà fait de nombreuses victimes ici, sans compter les dégâts matériels et une peur qui commence à s'installer dans les esprits des habitants. De quoi pousser l'Inspecteur Provincial de la Police du Kasaï Oriental, le général JD Oleko à solliciter auprès de la MONUC une formation de ses agents en matière de maintien de l'ordre ; le tout bien sûr, dans la perspective des prochaines élections. La cérémonie officielle de remise des brevets sanctionnant la fin de cette formation a eu lieu ce 13 juin au siège de l'Inspection Provinciale de la Police à Mbuji Mayi. Au nombre des invités, le gouverneur ad intérim du Kasaï Oriental, le comité provincial de sécurité, le président du Groupe Technique de Sécurisation des Elections, le général Odimula; mais surtout le numéro un de la police civile de la MONUC, le commissaire divisionnaire Cure qui a tenu à faire ce déplacement pour plusieurs raisons : d'abord pour «témoigner de l'appui de la MONUC à aider à l'avènement d'un environnement sain en vue des prochaines élections», a-t-il déclaré; mais aussi et surtout pour couper court à certaines rumeurs qui prétendaient que la MONUC était en train de former à Mbuji Mayi une milice: Non, a lancé à la foule le patron de la CivPol, «la MONUC n'est pas venue ici pour former une unité de combat ni une milice. Nous sommes venus ici pour recycler les policiers aux principes généraux en matière de maintien de l'ordre, et pour rien d'autre», a-t-il conclu. D'ores et déjà, l'on peut dire que la MONUC a réussi son pari. Avant même la fin de cette formation, ces policiers ont eu l'occasion de mettre en pratique les enseignements reçus, «avec brio», note un des formateurs de la MONUC. C'était dans le cadre d'un service d'ordre au stade de la MIBA il y a deux semaines: «Du jamais vu, pas une seule fausse note, aucun débordement, avec en prime, plus d'1 million de francs congolais de recettes, soit plus de 2 000 dollars US, l'équivalent des recettes d'un match international», poursuit ce même formateur onusien. Le tout bien sûr, à la plus grande satisfaction des fans de foot.
Un jour mémorable
L'Inspecteur provincial de la police du Kasaï Oriental ne pouvait dès lors qu'exprimer son appréciation des efforts soutenus de la communauté internationale et de la MONUC «qui ne nous ont pas abandonné en chemin», a-t-il déclaré, avant de poursuivre : «Nous avons désormais un contingent de policiers formés aux techniques de maintien de l'ordre ; nous remercions la MONUC qui a une réelle volonté de nous aider». A ce jour, ce sont quelque six cent policiers congolais que la mission onusienne en RDC a déjà formé ou recyclé aux différentes missions d'une police moderne. Les 153 de Mbuji Mayi ne seront certainement pas les derniers, une nouvelle session de formation est d'ores et déjà prévue par la MONUC, toujours pour le Kasaï Oriental. Une lauréate exprime sa satisfaction après cette session de mise à niveau: pour Lisette Mwanke, sous-commissaire de police: «On nous a appris les techniques de maintien de l'ordre; on nous a dit que les manifestants ne sont pas nos ennemis, mais des gens qui revendiquent leurs droits. Je remercie la MONUC de nous avoir assisté, et surtout d'avoir été patiente avec nous tout au long de la formation. Ce que j'ai aussi appris, c'est qu'on ne tire pas n'importe quand et n'importe comment.» Reste maintenant, comme on dit, à faire un bon usage pratique des enseignements reçus.
Cérémonie endeuillée Malheureusement, la joie aura été de courte durée pour l'un des lauréats. Pour des raisons non encore élucidées, le brigadier Kadima Tshisekedi, 22 ans qui venait de recevoir son brevet de fin de formation, a perdu la vie peu de temps après la cérémonie. Atteint par cinq balles tirées par un militaire des forces armées congolaises FARDC au Quartier Dubaï à Mbuji Mayi, le jeune homme devait décéder quelques minutes plus tard. Le meurtrier est depuis lors aux arrêts; il risque la peine capitale.