Une troisième guerre est-elle possible en République démocratique du Congo ? La question vaut son pesant d'or dès lors que le retour du sénateur Jean-Pierre Bemba soulève déjà des vagues. Que subitement le général dissident Laurent Nkunda qui fait parler de lui ces derniers temps depuis Masisi devienne fréquentable. Entre-temps au Kivu, certaines sensibilités radicalisent leur position et optent pour une solution militaire pendant que la situation reste tendue à Goma. Une chose est vraie : si ces différentes attitudes ne sont pas bien gérées, elles sont susceptibles d'engendrer de nouvelles discordances politiques en République démocratique du Congo. Les signes avant-coureurs d'une éventuelle crise au plan interne sont perceptibles de déboucher sur un nouveau conflit armé en RDC. Tout juste ce qu'attendent les marchands d'armes pour réactiver leurs réseaux de vente des engins de la mort. Ce serait le schéma des « faucons » que compte chaque camp facilement identifiable.
S'il faut s'en tenir à l'autorisation accordée au sénateur Jean-Pierre Bemba, président national du MLC, de se rendre au Portugal, Le Potentiel avait déjà évoqué dans ces mêmes colonnes qu'il s'agissait d'un débat sans objet. Et ce, conformément à l'article 208 du règlement intérieur du Sénat.
Cependant, Jean-Pierre Bemba est une haute personnalité politique au vu de derniers résultats des élections présidentielle et sénatoriales. Il a quitté le pays aux lendemains des affrontements meurtriers du mois de mars 2007 entre sa garde rapprochée et les forces loyalistes. Cet aspect politique confère une autre dimension à l'affaire en plus de ce fait que celui-ci, à maintes reprises, a affirmé que sa sécurité est en danger. D'où, toutes les conditions rassurantes devraient être examinées avant son retour. Ce qui n'est pas l'avis de H. Menkerios adjoint à la Monuc qui déclare dans une interview à la presse que « le retour de M. Bemba ne puisse créer une menace à la sécurité ».
Toutefois, son parti, dans un communiqué remis à la presse, affirmait que Jean-Pierre Bemba a adressé une lettre au secrétaire général de l'Onu, lettre datée du 14 juin 2007 pour solliciter son implication « dans la recherche d'une solution politique » pour son retour. Dans le même communiqué adressé au Conseil de sécurité, le MLC, parlant au nom de l'Opposition, sollicite l'intervention du Conseil de sécurité pour peser de tout son poids afin d'obtenir « l'instauration du nécessaire dialogue entre le chef de l'Etat et l'Opposition républicaine comme moyen de résoudre les problèmes de fond qui demeurent ».
NKUNDA : L'OMBRE DES ETRANGERS
Si le Conseil de sécurité est sollicité pour rassurer le sénateur Bemba à regagner le pays en toute sécurité, la situation au Kivu reste dominée par la donne Nkunda, ce général dissident qui se fait parler de plus en plus de lui ces derniers jours est devenu subitement fréquentable. Il menace même de relancer les hostilités si un compromis n'est pas trouvé au regard des revendications posées par lui. Aujourd'hui, au Kivu, la violence a repris droit de cité et les bruits de bottes sont perceptibles, faisant craindre le pire.
Pour preuve, William Swing, Représentant spécial du secrétaire général de l'Onu et responsable de la Monuc séjourne actuellement à Goma. Depuis le début de cette semaine, la tension est montée d'un cran et reste tendue. Les convois de la Monuc son attaqués et les activités humanitaires sont interrompues dans la zone contrôlée par Nkunda. On observe depuis un certain temps des attaques quotidiennes et des déplacements massifs de populations fuyant des combats. Comme si la troisième guerre avait déjà commencé.
Mais voilà que des voix étrangères qui s'inquiètent de cette situation précaire au Kivu, s'élèvent pour dissuader le gouvernement congolais à trouver une « solution politique avec Nkunda ». Ce dernier d'ailleurs ne s'en cache pas et fait de plus en plus parler de lui en évoquant ces entretiens avec des délégués belges et américains. En plus de ce fait qu'il serait soutenu par un pays voisin qui ne souhaite nullement que la paix revienne en RDC.
Curieusement, les mêmes voix étrangères ne croient plus que Nkunda soit une réelle menace. Ce sont plutôt les « Interahamwe ». Et s'il revient au gouvernement congolais d'user de la manière forte, elle doit être dirigée contre les FDLR et non contre Nkunda. Fort de ce soutien étranger, ce général dissident se comporte en autorité politico-militaire sans l'aval de Kinshasa et administre la zone qu'il occupe.
Il vient d'exiger la fermeture des camps des déplacés dans le territoire de Masisi parce qu'ils abriteraient les éléments des FDLR. N'est-ce pas là une meilleure façon de préparer la guerre ?
CONFLIT ARME EN VUE
Il est évident qu'on ne peut associer le cas Nkunda à celui de Bemba. Si le président national du MLC s'accroche à une solution politique, il entend jouer pleinement son rôle de « chef de file » de l'Opposition. L'adoption de la Loi portant Statut de l'Opposition lui offre l'opportunité d'un retour sur scène. Aujourd'hui, la stratégie consiste à le faire passer comme le « Coordonnateur » de l'Opposition.
Certes, il revient à chacun d'interpréter les dernières déclarations du président de la République dans une interview accordée à Jeune Afrique. La crainte réside dans l'hypothèse d'un désaccord persistant entre Kabila et Bemba, une crise politique aux conséquences incalculables pourrait avoir lieu. Ce qui affecterait incontestablement le processus politique en cours. En effet, le moindre dérapage, disions-nous au Kivu, pousserait le leader du MLC à croire que réellement il y a insécurité. Ce qui lui donnerait certaines idées pour se tourner vers des anciens alliés avec lesquels il n'a pas encore coupé le codon ombilical. La suite est facile à deviner.
Or, l'on constate que les « Faucons » du camp présidentiel, comme ceux du camp Bemba n'oeuvrent pas pour un rapprochement entre les deux personnalités politiques. Ils les poussent vers un radicalisme porteur de germes d'un conflit armé. Il en est de même en ce qui concerne le camp Nkunda. Ses « Faucons » s'inscrivent également dans le schéma militaire pour servir les intérêts étrangers. Au niveau même des provinces du Nord et Sud-Kivu, les « Faucons » n'acceptent pas la solution politique et ont opté pour la voie armée, certainement que quelques-uns trouvent leurs comptes dans la guerre.
D'autre part, dans quelques salons huppés de la ville de Kinshasa, les « Faucons » qui se recrutent même au sein du gouvernement, interprètent les dernières propositions des partenaires étrangers comme un soutien à Nkunda. Un soutien qui cacherait beaucoup de choses en prétextant, selon ces « faucons », qu'une solution armée affecterait plus la population civile en cherchant à neutraliser Nkunda, qui ne constitue plus une menace. Ils balaient cet argument d'un revers de la main et soutiennent la solution militaire.
Il est vrai que ces étrangers n'ignorent pas que Nkunda est un dissident. Pour éviter que son cas ne fasse des émules au sein d'une armée en pleine restructuration, il devrait d'abord répondre des sanctions prévues par la discipline militaire après s'être mutiné. Ces partenaires qui, autrefois, avaient évoqué l'émission d'un mandat d'arrêt international contre Nkunda, n'en parlent plus. Pourquoi ? Ils invitent plutôt les parties congolaises à une « solution politique ».
Il revient à dire que si les « Faucons » réussissent à faire passer leur message pour que Kinshasa ne s'inscrive pas dans cette logique de solution politique, il est acquis que l'on va droit vers un nouveau conflit armé susceptible de porter également un coups dur au processus politique en République démocratique du Congo. D'où les regards sont tournés vers le président Kabila pour qu'il ne tombe pas dans le piège qui lui est tendu.
BRISER L'ELAN DEMOCRATIQUE
Nous sommes donc là en face des situations qui, bien que distinctes, pourraient aboutir à un même résultat : le déclenchement d'une nouvelle crise politique et armée en République démocratique du Congo. Eventualité qu'il faudra à tout prix éviter en appelant surtout les « Faucons », de toutes les tendances confondues, au bon sens. Et ce dans l'intérêt supérieur de la Nation.
Au fait, l'évolution de la situation en République démocratique du Congo ne plaît pas à tout le monde. Certes, l'on observe encore des tâtonnements, faits inhérents à toute nouvelle entreprise. Cependant, le processus démocratique en RDC est en train de prendre de l'élan. Ce qui ne fait pas plaisir à des forces centrifuges qui s'emploient maintenant à activer le feu pour que la maison congolaise brûle.
Il est temps que la Communauté internationale quitte le vieux sentier battu de rechercher chaque fois de « nouveaux pions ». Mais de s'engager activement dans la voie pragmatique de la recherche d'une solution durable. Dans le cas d'espèce, il serait positif d'accélérer la relance de la Communauté économique des pays des Grands Lacs pour soutenir le cadre de concertation qui permettra à la RDC, au Burundi au Rwanda, et pourquoi pas à l'Ouganda de disposer d'un cadre de dialogue approprié. La relance des activités de la CEPGL obligerait les pays concernés à œuvrer pour le dialogue afin de résoudre durablement les questions liées à la sécurité, à la stabilité et au développement de la région.
Si aujourd'hui, les Faucons qui font de la guerre un véritable business parviennent à arrêter l'élan démocratique en République démocratique du Congo, les conséquences seront désastreuses. Une perte incommensurable, surtout pour la Communauté internationale qui s'est investie dans la mise en place des institutions légitimes en RDC. Un véritable gâchis qui sera assimilé à un crime contre l'humanité.