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DR Congo

RDC : Exactions contre des civils à Nyakakoma

Olivier Charmes/Monuc

Territoire de Rutshuru, dans le Nord-Kivu. Un silence morbide règne sur Nyakakoma. Dans les rues désertes, des vêtements jonchent le sol, éparpillés. Une boîte de lait en poudre roule dans la poussière. Ici, un album de photos de famille éventré. Là, une sandale. Plus loin, une batterie de voiture a été précipitamment emballée avant d'être abandonnée sur le chemin: trop lourde? Certaines maisons sont brûlées, d'autres détruites. Les portes de celles qui tiennent encore debout ont été systématiquement forcées. Dans le port de pêche, il n'y a plus un bateau sur le Lac Edouard. Quand une équipe de la Mission des Nations Unies en R.D Congo (MONUC) entre dans le village le 19 juillet 2005 avec plusieurs agences humanitaires et des ONG, il est désert. Les habitants ont fui.

Et puis il y a les corps de deux femmes, et celui d'un bébé, qui gisent sur le sol en plein soleil. Et celui de cet homme sur la berge du lac. Et encore celui-ci: un homme, abattu d'une rafale probablement. Depuis combien de jours sont ils là, sans sépulture? Trois? Quatre? Plus? Ils ne sont pas des dommages collatéraux. L'ampleur des dégâts prouve que les civils ont été pris pour cible délibérément, au milieu des affrontements qui auraient opposé des Maï Maï aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), l'armée nationale. Le 11 juillet 2005, des «assaillants Maï Maï» - selon les termes du commandement de la 8ème Région militaire - auraient attaqué et pris le contrôle des villes de Nyakakoma, Ishasha et Nyamilima. Ils ont chassé les FARDC de Nyakakoma. Les 5ème et 12ème Brigades des FARDC sont alors venues en renfort pour reconquérir le village. C'est dans le contexte de ces combats que la population a subi ces exactions.

Ces affrontements entre militaires ont provoqué des mouvements d'exode de milliers de personnes. A Kiwanja et Ishasha, 2 000 familles ont été recensées et requièrent une assistance humanitaire. Les agences onusiennes et les ONG ont commencé à distribuer des vivres et des non-vivres à partir du 25 juillet 2005. A Nyamilima, un comité a été mis en place pour recenser les déplacés. A Vitshumbi, o=F9 une équipe de la MONUC s'est rendue le 21 juillet 2005, il pourrait y avoir environ 1 400 personnes en provenance de Nyakakoma. D'autres se trouvent encore dans la brousse ou en forêt.

Les Maï Maï se définissent comme des forces patriotiques, composées à l'origine de villageois et qui s'opposent à la présence de groupes armés étrangers au Congo. Aujourd'hui, la plupart sont intégrés dans le processus de brassage de l'armée congolaise, tandis que d'autres, notamment dans le territoire de Rutshuru, sont pour l'instant restés hors de ce programme et vivent en hors la loi avec leurs armes. Du côté des FARDC, le processus de brassage doit conduire à la disparition des solidarités issues des anciennes rébellions qui ont miné le pays depuis 1996. Mais les allégeances et commandements parallèles n'ont pas encore disparu et il arrive que des unités se comportent comme une armée dans l'armée, utilisant tous les prétextes sécuritaires pour refuser de faire le premier pas, et échappent parfois au contrôle de la hiérarchie militaire. C'est particulièrement vrai dans l'Est du pays, o=F9 la proximité avec le Rwanda et l'Ouganda, la peur de perdre le contrôle face à des troupes venues de Kinshasa ou d'autres provinces constituent un complexe stratégique extrêmement sensible.

La confusion qui règne entretient le doute quant aux responsabilités des actes commis contre les civils. La MONUC estime qu'il est du devoir de l'armée nationale, représentée au Nord-Kivu par la 8ème Région militaire, d'établir la responsabilité de ces actes ignobles. Pour sa part, la MONUC a agit dès le 11 juillet 2005. La Brigade du Nord-Kivu de la MONUC est intervenue militairement (Opération Virunga Shield) afin de restaurer un climat de confiance et rétablir la sécurité. Conformément au Chapitre VII de la Charte des Nations unies et à la Résolution 1592 du Conseil de Sécurité, le bataillon Indbatt I s'était interposé entre les parties, ce qui a permis à la population de quitter les zones de combats.

Que les exactions aient été perpétrées par des bandits ou par des militaires réguliers, les responsables doivent être identifiés et toutes les mesures légales doivent être prises contre ceux qui seront reconnus coupables des crimes de Nyakakoma.