7 novembre 2008 - GOMA - Profitant de l'accalmie sur le front, les habitants de Goma regagnent leurs quartiers. En ville, la vie reprend timidement, mais en attendant l'issue des efforts diplomatiques de la communauté internationale, la peur est toujours présente dans la population, soucieuse de reprendre ses activités.
Les attaques lancées fin octobre par le Cndp de Laurent Nkunda sur la ville de Goma et des localités du territoire de Rutshuru avaient jeté sur les routes plus de 100.000 déplacés. Une semaine plus tard, profitant d'une accalmie sur le front, ces familles sont de retour dans leurs maisons, qu'elles avaient abandonnées. Dans la ville, la vie reprend timidement. Après quelques jours d'incertitude totale, boutiques, magasins, stations de carburant, marchés...rouvrent petit à petit. "Nous sommes obligés de reprendre les activités après plus de trois jours de fermeture. La vie devenait de plus en plus chère et l'on ne pouvait pas rester longtemps sans revenus", explique le tenancier d'un magasin.
Les tirs des soldats des Fardc ont provoqué des dégâts énormes dans toute la ville. Plus d'une vingtaine des civils ont été tués par des balles tirées par des militaires qui rançonnaient, sans compter des nombreux cas de pillages de magasins et de maisons dans tous les quartiers. "Au lieu de nous sécuriser, ils sont venus nous piller et nous tuer", se plaint C., dont l'un de ses voisins au quartier Katindo a été tué avec quatre membres de sa famille. Aucune poursuite, aucune condamnation n'a été prononcée par les autorités. Ailleurs en ville, seuls deux militaires ont été arrêtés la nuit en flagrant délit de destruction d'un magasin non loin du centre ville.
Reprise timide des activités
Dans les quartiers, la population qui avait fui vers la province voisine du Sud-Kivu et vers le Rwanda regagne ses habitations. En ville, la circulation a repris. Taxi-moto et minibus circulent à nouveau. Pour rassurer une population encore inquiète et incertaine du lendemain, le vice-gouverneur a effectué au début de cette semaine une tournée au centre-ville et dans le quartier commercial de Birere. Sur les grandes artères, des patrouilles motorisées du contingent de la Monuc et des Fardc sont visibles. "C'est pour garantir à la population qu'elle peut circuler sans crainte et sans danger", a expliqué Alan Doss, patron de la mission onusienne en RD Congo. La nuit, les patrouilles se poursuivent avec l'aide de la police congolaise. Mais selon la mission onusienne, il faut plus d'effectifs pour arriver à sécuriser Goma. "En ville nous n'avons que 800 casques bleus, mais nous sommes en train de renforcer l'effectif avec des troupes venant d'autres provinces", précise Alain Le Roy, Secrétaire Général adjoint de l'Onu en charge des opérations de maintien de la paix.
Denrées rares
Sur les marchés, le coût des denrées augmente de jour en jour alors que le stock des marchandises, insuffisant, n'arrive plus à couvrir les besoins de la population. Le prix de certains produits a augmenté de 30 voire 50 %. Aux dépôts de produits vivriers du quartier commercial de Birere, de longues files d'attente s'étirent. Tous les clients ne sont pas servis. Certains produits comme les haricots et la farine de manioc, très sollicités, sont devenus rares. Face à cette demande croissante, des dépôts sont vidés de leurs stocks et les commerçants n'arrivent plus à les renouveler.
Les deux voies d'approvisionnement de la ville de Goma sont difficilement utilisables. Les axes Goma-Masisi et Goma-Rutshuru, qui relient aux grands marchés de l'intérieur de la province, restent bloqués. Le Cndp, qui les contrôle, n'a autorisé le passage aux véhicules des commerçants que moyennant payement d'une taxe instituée par ce mouvement. "D'une part, nous sommes bloqués par les Fardc qui nous interdisent de nous rendre à Masisi-centre, Karuba et Mushaki, des marchés de l'intérieur du territoire de Masisi, affirme un loueur de véhicules, qui ajoute que lorsqu'il s'agit du Cndp, pour chaque passage nous payons environ 400 $ par véhicule."
Mais la guerre est loin d'être terminée. Le chef rebelle a certes décrété un cessez le feu unilatéral, mais il n'est pas intégralement respecté, et ses troupes sont toujours stationnées à 10 km au nord de Goma. Nkunda a exigé des négociations directes avec le gouvernement. Une demande rejetée par celui-ci, qui s'en tient au programme Amani issu de la conférence sur la paix dans le Kivu tenue en janvier dernier à Goma. Sur les radios étrangères, Laurent Nkunda a déclaré qu'il va renverser le pouvoir en place si celui-ci refuse de négocier avec lui, et qu'il irait même "au-delà de Goma". La paix n'est pas pour demain...
Gervais Manou