Ce matin la situation est calme à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, après une nuit relativement tranquille. Dès l'aube, les premières motos-taxis de nouveau en circulation dans les rues semblent indiquer une reprise, certes timide, des activités habituelles de la population. Selon des sources locales, la nuit dernière a été plus tranquille que les deux précédentes même si des coups d'arme à feu ont retenti dans certaines zones de la ville. Les fusillades ont impliqué des agents de police et des militaires, avec l'entrée en activité des premières patrouilles chargées d'assurer la sécurité et empêcher les saccages nocturnes dont les soldats réguliers sont fréquemment responsables. D'après une note diffusée par les forces sécuritaires, deux militaires de l'armée congolaise (Fardc) ont été tués et trois autres arrêtés, pris en flagrant délit en train de piller des habitations dans plusieurs quartiers de la capitale provinciale. Pour redonner confiance aux populations, le chef de la police nationale congolaise, John Numbi, est arrivé hier soir à Goma ; il s'agit de la première autorité nationale à se rendre sur le terrain depuis les violents combats des derniers jours et l'avancée des rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (Cndp) du général dissident Laurent Nkunda, qui se trouvent désormais aux portes de la ville. Alors que la diplomatie tente de trouver quelques ouvertures en vue d'un dialogue, les organisations humanitaires ont demandé la collaboration des belligérants pour venir en aide à la population évacuée et épuisée par des semaines de combats. Une telle situation est ultérieurement aggravée par les fortes pluies saisonnières qui s'abattent sur la région. En plus de quelque 40.000 déplacés internes provoqués par les combats de ces derniers jours, l'Ouganda et le Rwanda ont communiqué l'entrée sur leur propre territoire de quelques milliers de réfugiés congolais, environ 2000 sur le sol ougandais et presque le double dans le pays des Mille collines. En territoire congolais, les civils en fuite de Goma suivent deux parcours bien distincts: un méridional, en direction du Sud-Kivu (en suivant les rives du Lac Kivu), l'autre septentrional, en direction des villes d'Ishasha et de Kanyabayonga. Le Bureau pour la coordination des Affaires humanitaires des Nations Unies (Ocha) considère qu'actuellement environ 70% de la population du Nord-Kivu a été contrainte de fuir. Entre temps, neuf chefs d'état africains réunis à Brazzaville (République du Congo) dans le cadre du sixième Forum mondial pour le développement, ont condamné les dernières évolutions du scénario congolais et la communauté internationale a commencé à se mobiliser ; par exemple, l'Union européenne a avancé l'hypothèse de nouvelles interventions militaires. Le parlement de Kinshasa a quant à lui approuvé une "recommandation" demandant au gouvernement d'engager un dialogue direct avec la rébellion, l'invitant à abandonner l'idée d'une solution militaire à la crise. La demande d'une confrontation directe avec Kinshasa a été avancée à plusieurs reprises ces dernières semaines; la dernière fois tout juste hier par le général pro-rwandais Laurent Nkunda (visé par un mandat d'arrêt international pour crimes contre l'humanité). Si quelques sources de presse internationales (notamment italiennes) se hâtent d'expliquer le conflit en cours au Kivu avec des arguments stéréotypés de nature tribale, quelques interviews publiées hier avancent au contraire des éléments de nature économique (à commencer par l'exploitation des riches ressources minières de la zone) et de géopolitique internationale, précisément ceux qui furent à l'origine de la guerre congolaise de 1998-2003 (qualifiée de première guerre mondiale africaine) et qui aujourd'hui encore mettent le feu aux poudres dans les crises récurrentes de la province congolaise. En réalité, ces arguments concernent directement d'importantes sociétés provenant des pays de cette même communauté internationale qui condamne les violences. Des jeux, politiques et économiques, dont les populations du Congo sont les premières à payer le prix