Neida Matias Batista, Référente Santé Communautaire et VIH pour Aide Médicale Internationale en République Démocratique du Congo, présente les missions qui sont les siennes et l'environnement dans lequel elle les conduit.
Dans quel contexte intervient AMI en RDC ?
Pour bien comprendre ce contexte, il faut savoir comment le système sanitaire de la République Démocratique du Congo (RDC) est organisé. La RDC est divisée, au niveau sanitaire, en provinces, elles-mêmes scindées en districts, qui regroupent plusieurs zones de santé, dans lesquelles la plus petite unité est l'aire de santé. Ces dernières sont censées, en théorie, regrouper au maximum 10 000 habitants en milieu rural, qui ne doivent pas être éloignés de plus de 5 à 8 kilomètres du centre de santé (même si la réalité sur le terrain est parfois différente de cet idéal).
Au-delà de ce découpage géographique, le système sanitaire, qui implique la participation de la population, est assez complexe : des élections sont organisées à différents niveaux. Au niveau communautaire, pour commencer, des groupements de dix à quinze ménages élisent des représentants qui constituent des relais communautaires (ReCo). Le rôle de ces relais, qui sont très proches des populations, est de veiller à la fréquentation du centre de santé, à la qualité des traitements dispensés, au respect des référencements. Ils sont aussi en charge de la prévention (en relayant notamment de l'information sur des campagnes de vaccination) et de la promotion de la santé (par la diffusion de messages en relation avec les problèmes sanitaires locaux).
Les différents relais communautaires élisent à leur tour des cellules d'animation communautaire. Ces cellules (une par village) centralisent les informations données par les relais (sur les maladies observées, ou les commentaires des usagers sur les structures de santé par exemple).
Enfin, les cellules d'animation communautaire élisent le comité de développement sanitaire des aires de santé (CODESA, dont les membres sont bénévoles) qui est chargé de la co-gestion des centres de santé avec le personnel de ces centres.
Avec lesquelles de ces entités AMI travaille-t-elle ?
AMI travaille plus particulièrement avec les comités de développement sanitaire (CODESA). Ce comité est divisé en trois sous-commissions : la sous-commission « paquet minimum d'activités », la sous-commission de gestion des ressources et la sous-commission de mobilisation sociale locale.
La sous-commission « paquet minimum d'activités » est, à l'échelon de l'aire de santé, en charge des activités promotionnelles et sociales, tout comme les ReCo le sont au niveau très local. Le rôle d'AMI au sein de ces sous commissions est de veiller à la qualité de la prise en charge des individus (qualité de l'accueil, détermination du bon tarif des soins, médicaments à gratuité, etc.).
La commission « gestion des ressources » est quant à elle en charge de la gestion du personnel, des médicaments et de la gestion financière. AMI travaille essentiellement avec cette sous-commission : en effet, l'appui à la gestion de ces ressources par le transfert de compétences permet de poser les jalons de la pérennisation de ces centres de santé.
Enfin, la commission « mobilisation sociale locale » s'occupe de mobiliser la population à la conduite d'actions sanitaires (prises au sens large, comme l'entretien des centres de santé, le forage de puits, la collecte de déchets, ou la construction de centres de santé pour lesquels la population fournit du sable, des pierres, des briques). La motivation et le volontarisme des populations locales est variable : c'est pourquoi il importe toujours de bien nous faire connaître des populations et d'expliquer notre démarche.
Concrètement, quelles sont les actions que vous menez avec les Comités de développement sanitaire ?
=C0 ce jour, je travaille avec 10 superviseurs de santé communautaire, qui eux-mêmes assurent différentes missions auprès des CODESA. Ils dispensent ainsi des sessions de formation initiale sur le volet « rôles et tâches », le volet gestion des médicaments et le volet gestion financière. Ils assurent par la suite le compagnonnage d'une partie des personnels sur ces différentes questions.
Par ailleurs, ils mènent des enquêtes trimestrielles (enquêtes sur la tarification), afin de déterminer si les tarifs définis par les bureaux centraux de zones et par AMI pour les différentes zones de santé sont bien respectés (les tarifs diffèrent selon les réalités socio-économiques des zones).
Ils supervisent également la participation communautaire, vérifiant que le travail des CODESA est bien mené afin de pallier les défaillances après vérification. Ces vérifications se font sur un rythme trimestriel, alternant un mois d'enquête (au cours duquel les faiblesses sont identifiées) et deux mois de compagnonnage (durant lesquels, dans le cadre d'un véritable accompagnement, les superviseurs travaillent à renforcer les capacités des CODESA sur les points faibles préalablement identifiés)
Les évaluations portent également sur la prise en charge des vulnérables (indigents, rapatriés, retournés, déplacés, réfugiés). En effet, AMI assume le coût de la prise en charge de ces personnes reçues par les centres de santé pour assurer un accès gratuit aux soins aux populations. Ce sont les ReCo qui déterminent trimestriellement, auprès de leurs ménages, les personnes qui doivent en bénéficier. Nous veillons donc à la bonne tenue des listes qui répertorient les patients reçus.
Quelles sont les missions qui vous attendent dans les mois à venir ?
Quatre chantiers s'inscrivent à mon agenda des prochains mois : un travail sur la promotion de la santé, un autre sur la prévision budgétaire dans les centres de santé, un travail en collaboration avec le HCR sur la prise en charge des rapatriés, retournés, déplacés et réfugiés ; et enfin la « mise à plat » de la formation initiale des comités de développement sanitaire (CODESA).
La mission sur la promotion de la santé, menée en collaboration avec un service spécifiquement dédié à cette thématique au sein de l'Inspection Provinciale de la Santé, est le chantier le plus important. Il s'agit d'éditer un guide composé de fiches pratiques sur les démarches à suivre face à telle maladie ou telle épidémie (quelles sont les personnes relais à interpeller, les messages à diffuser, quelles techniques de mobilisation employer, etc.). Ce guide sera diffusé auprès des équipes des centres de santé et des CODESA ; des formations seront dispensées pour préparer les personnels à son utilisation. Ce projet de promotion de la santé s'inscrit pleinement dans les valeurs d'AMI qui privilégie l'action à long terme.
=C0 cette mission s'ajoute un travail sur la prévision budgétaire, en collaboration notamment avec l'économiste de l'inspection provinciale de Bukavu. Il s'agit de préparer au mieux les équipes locales à la gestion des centres de santé en prévision d'un désengagement à moyen terme des équipes d'AMI. Nos programmes comprennent la prise en charge des rapatriés, retournés, déplacés, et réfugiés. AMI rembourse les soins de ces catégories et les SSC vont trimestriellement vérifier ces listes dans les centres de santé. Nos informations seront dorénavant recoupées avec celles du HCR, et des ONG locales et internationales, qui travaillent avec ces populations, pour permettre une meilleure prise en charge.
Enfin, un dernier chantier concerne la mise à plat de la formation initiale dans les Comités de développement sanitaire. En effet, ces formations sont dispensées dans différents endroits et ne sont pas toutes les mêmes. Il s'agit de les homogénéiser et de constituer un référentiel pédagogique commun pour chaque journée composant la formation initiale. Cette unification permettra la création d'un outil d'évaluation, pour le suivi des Codesa, qui est en cours de validation par l'Inspection Provinciale de la Santé.
Le travail ne manque donc pas pour les mois à venir, mais les objectifs identifiés et l'impact des programmes sur la santé des populations constituent un facteur de mobilisation forte de l'ensemble des équipes.