NAIROBI, 17 mars (IRIN) - Nous présentons
ci-après un entretien qu'IRIN a eu cette semaine à Nairobi, avec Amama
Mbabazi, ministre d'Etat ougandais aux affaires étrangères, en charge de
la cooperation régionale. Il est également président du comité politique
régional chargé de superviser la mise en oeuvre de l'accord de paix de
Lusaka pour la RDC.
Q. Pourquoi la mise en oeuvre de l'accord
de Lusaka traîne-t-elle malgré l'échéance du 1er mars fixée récemment?
R. Je pense qu'il est important de remettre chaque chose dans son contexte depuis la signature de l'accord de Lusaka, l'an dernier. La Commission Militaire Mixte (CMM) était chargée d'élaborer un plan de cessation des hostilités et de désengagement des forces sur le terrain, jusqu'au déploiement de la force des Nations Unies. Pour que la CMM puisse travailler, nous avions besoin de ressources. Or, la réponse de la communauté internationale a été des plus tièdes, ce qui explique les violations du cessez-le-feu. Je crois que toutes les parties sont engagées en faveur du processus de paix. Mêmes ceux qui y seraient opposés n'ont pas le choix, parce que les acteurs principaux sont favorables à Lusaka.
Tous les chefs d'Etat qui participaient au dernier sommet régional à Lusaka [en février] étaient à New York pour la réunion du Conseil de Sécurité des Nations Unies, fin janvier. Après New York, nous avions vraiment l'impression que les Nations Unies, et la communauté internationale en général, étaient prêtes cette fois à apporter leur concours et soutenir la région.
Les Chefs d'Etat de la région ont donc adopté le 1er mars comme date-butoir, supposant que les ressources nécessaires seraient disponibles pour faciliter le cessez-le-feu sur le terrain. Le déploiement des observateurs [CMM] dans différentes parties de la RDC n'a pu se faire faute de ressources suffisantes.
Q. Avec 5 500 observateurs militaires, la force des Nations Unies est-elle suffisante pour garantir la mise en oeuvre de l'accord de cessez-le-feu?
R. Il est important de noter que ceci n'est que la phase deux du déploiement des Nations Unies au Congo. La phase un prévoyait l'envoi de 90 officiers de liaison. Comme nous comprenons les choses, le rôle des 500 observateurs et des quatre bataillons chargés de leur protection est de préparer une plus grande implication des Nations Unies. Mais certains pensent que les 5 500 observateurs des Nations Unies et leur protection constituent la phase finale du déploiement des Nations Unies, ce qui n'est pas le cas. Leur rôle est de se rendre compte de l'ampleur des défis à relever et de faire des recommandations aux autorités compétentes. Donc, compte tenu de leur rôle limité, je pense que cela devrait convenir.
Q. Quelles sont les relations entre la CMM et la MONUC [Mission d'Observation des Nations Unies]?
R. Nous avons accepté le principe d'une structure conjointe entre la MONUC et la CMM. Il reste maintenant à finaliser les détails de la collaboration.
Q. Y a-t-il des plans pour la démobilisation des forces qui doivent être désarmées dans le cadre de l'accord de paix de Lusaka?
R. La CMM et la MONUC sont mandatées pour finaliser les détails du désarmement des forces négatives et présenter leurs propositions aux dirigeants de la région et de la communauté internationale. Pour le moment, il n'y a pas de proposition concrète.
Q. O=F9 en est la relation entre l'Ouganda et le Rwanda, après les combats à Kisangani [RDC], l'an dernier?
R. Il est évident que les combats à Kisangani ont affecté nos relations, c'est un fait. Mais, d'après moi, cela n'a pas altéré nos relations de manière fondamentale, pas au point de nous empêcher de développer une position commune sur le Congo. Je ne le crois pas. Le fait que nous tenions des réunions avec le Rwanda pour discuter des questions régionales prouve assez que nous oeuvrons toujours de concert pour rétablir la paix au Congo et dans toute la région.
L'un des projets auxquels nous travaillons avec le Rwanda est celui de l'union des trois groupes rebelles congolais, et un certain nombre de questions en suspens ont été réglées. Mais d'autres problèmes doivent encore être résolus. Je pense que si nous ne pouvons amener les rebelles à s'unir, alors nous devrons reconsidérer l'ensemble de notre stratégie. Je ne vois pas pourquoi les rebelles ne pourraient pas travailler ensemble pour la paix. Nous souhaitons que les rebelles s'unissent dans le but de soutenir le dialogue national en RDC.
Q. Si Lusaka échoue, quelle sera la prochaine étape pour l'Ouganda?
R. Tout d'abord, nous espérons que Lusaka marchera car nous soutenons totalement l'accord de cessez-le-feu, et nous ferons tout ce qui nous est en notre pouvoir pour que cela marche. Mais si Lusaka devait échouer, alors bien sûr nous devrions considérer d'autres voies.
Q. Quelles voies?
R. Nous allons d'abord examiner les raisons de l'échec de Lusaka, et peut-être harmoniser nos positions pour que cela marche. Tout ce que je puis dire c'est que l'intérêt fondamental de l'Ouganda au Congo est la sécurité, et nous devons nous en occuper car c'est notre devoir. Tant qu'il y a une menace émanant du Congo, nous sommes obligés d'y répondre, même si cela signifie pour nous maintenir des forces au Congo.
Q. Quel est le rôle de l'Ouganda dans les affrontements ethniques à Ituri [nord-est de la RDC], qui ont fait de nombreux morts?
R. Tout d'abord, on ne peut absolument rien nous reprocher car l'Ouganda n'est responsable de l'administration d'aucun territoire au Congo. Aux termes de l'accord de Lusaka, des parties congolaises sont responsables de l'administration des zones sous leur contrôle au moment de la signature de l'accord.
Néanmoins, il est vrai que c'est une région sous juridiction des UPDF [armée ougandaise] et lorsque des luttes intercommunautaires s'y sont développées, nous avons déployé des forces pour y mettre fin. Malheureusement, lorsque ces dernières sont arrivées, des vies avaient été perdues. Mais la situation est maintenant sous contrôle et les tueries ont cessé. Nous encourageons le dialogue afin que les deux groupes puissent vivre en harmonie.
Q. La présence de l'armée ougandaise au Congo a-t-elle constitué une aide dans la guerre contre les rebelles des ADF [Allied Democratic Forces]?
R. Nous avons réussi à 100 pour cent, parce que le Soudan ne peut plus approvisionner les ADF via le Congo. En fait, le Soudan avait introduit toute une brigade d'infanterie au nord du Congo, mais ils ont été battus. Dans la mesure o=F9 nous avons coupé les lignes d'approvisionnement des ADF à partir du Soudan, c'est [l'opération des UPDF] un succès. Bien sûr, ils sont toujours actifs à la frontière ouest, o=F9 ils pratiquent l'attaque-surprise suivie de replis dans les montagnes. Il ne fait pas de doute qu'avec le temps ils seront éliminés car leur [base] arrière a été coupée. Maintenant, c'est [le Président de RDC] Kabila qui les approvisionne, mais nous réfléchissons au moyen de régler cela.
Q. L'Ouganda essaye-t-il en aucune manière de normaliser ses relations avec la RDC au niveau de l'Etat?
R. Nous n'avons pas rompu les relations diplomatiques, c'est pourquoi ils ont leur ambassade et leurs diplomates à Kampala. Ils ont envahi et occupé notre mission diplomatique à Kinshasa et violé toutes les règles de la diplomatie. Nous nous concentrons sur la restauration de la paix au Congo. Notre seule relation avec le gouvernement congolais est que nous sommes tous deux partenaires dans le processus de paix de Lusaka et nous travaillerons ensemble pour promouvoir cela. Si cela échoue, bien sûr c'est une autre histoire.
Q. Quand aura lieu la prochaine rencontre du comité politique?
R. J'espérais pouvoir la convoquer la semaine prochaine, après consultation avec les autres membres, en tout cas elle aura lieu. Nous avons beaucoup de travail en retard à régler, la CMM a présenté des rapports qui doivent être adoptés après des décisions de politique, et plusieurs choses à finaliser.
Q. Le comité politique est-il présidé par le seul Ouganda?
R. L'Ouganda a été élu président du comité politique et le Zimbabwe président suppléant à la première réunion et jusqu'à présent nous avons fonctionné selon cet arrangement. Il existe des propositions de nouvelles règles de procédures qui seront discutées à la prochaine réunion. Lorsque l'Ouganda assure la présidence, le Zimbabwe assure la vice-présidence, et vice versa. Cet arrangement a bien fonctionné pendant les négociations de Lusaka.
[FIN]
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