Du 1er janvier au 13 septembre 2020, un total de 4 594 cas suspects d'orthopoxvirose simienne (ou variole du singe), dont 171 décès (taux de létalité de 3,7 %), ont été signalés dans 127 zones sanitaires, dans 17 des 26 provinces de la République démocratique du Congo. Le premier pic épidémique a été observé au début de mars 2020 (semaine épidémiologique 10), 136 cas étant signalés chaque semaine (figure 1). Du 1er janvier au 7 août, l’Institut national de recherche biomédicale (INRB) a reçu 80 échantillons de cas suspects d'orthopoxvirose simienne, dont 39 échantillons confirmés positifs par PCR (réaction en chaîne par polymérase). Quatre des 80 échantillons provenaient de lésions cutanées (croûtes/vésicules), les échantillons restants étant des échantillons sanguins. Aucune autre information n’est actuellement disponible concernant l'état de santé de ces 80 patients dont les échantillons ont été testés. Les tests de confirmation sont toujours en cours.
Au cours de la même période en 2019, 3 794 cas suspects et 73 décès (taux de létalité 1,9 %) ont été signalés dans 120 zones sanitaires de 16 provinces, tandis que 2 850 cas suspects au total (taux de létalité 2,1 %) ont été rapportés en 2018.
Les provinces qui signalent le plus grand nombre de cas suspects sont Sankuru avec 973 (21,2 %) cas suspects, Mai-Ndombe avec 964 (21 %) cas suspects, Équateur avec 586 (12,8 %) cas suspects, Tshuapa avec 520 (11,3%) cas suspects et Mongala avec 518 (11,3 %) cas suspects (figure 2). Du 1er janvier au 13 septembre, la province de Kwilu signale le taux de mortalité le plus élevé : 16,7 % (1 décès/6 cas suspects), suivi de 8,1 % pour la province de Tshopo (17 décès/211 cas suspects) et de 7,8 % pour la province de Mai-Ndombe (75 décès/964 cas suspects).
Des flambées actives dans la province de Mai-Ndombe (située au sud de la province de l’Équateur, dans le nord-ouest du pays) ont été signalées depuis janvier 2020. La flambée dans la zone sanitaire d’Inongo (province de Mai-Ndombe) est l’une des flambées les plus préoccupantes, un quart du territoire de la province étant touché. Cette flambée se poursuit depuis juin 2020, représentant 65 % du nombre total de cas suspects, avec un taux de létalité estimé à 10 %. En outre, la zone de santé d’Inongo borde la zone de santé de Bikoro (province de l’Équateur) ; La province de l’Équateur, lieu de l’épidémie actuelle d’Ebola, est désormais aussi en proie à une flambée d'orthopoxvirose simienne.
En République démocratique du Congo, la majorité des cas suspects (58 %) sont âgés de plus de cinq ans ; toutefois, le taux de létalité chez les enfants de moins de cinq ans est plus élevé et s'établit à 4,2 % (80 décès/1 907 cas suspects) alors qu’il est de 3,4 % chez les enfants de plus de cinq ans (91 décès/2 687 cas suspects).
Des cas de variole du singe ont été signalés dans des zones sanitaires qui connaissent également de nombreuses autres flambées de maladie, parmi lesquelles la rougeole, la poliomyélite à poliovirus circulant dérivé de souche vaccinale (PVDVc), le paludisme, le choléra et la COVID-19, outre une flambée de maladie à virus Ebola qui se poursuit dans la province de l’Équateur, toujours en proie aux conflits armés et à la violence. L’instabilité persistante de la situation en matière de sécurité en République démocratique du Congo continue à perturber les efforts de surveillance et les activités d’intervention. Dans les régions touchées par cette flambée, les conflits armés et les déplacements de population n’ont pas cessé.
L’exposition potentielle pourrait être liée à la proximité de la forêt où les réservoirs animaux possibles sont nombreux, y compris aux activités de chasse.
La circulation mondiale du virus à l’origine de la COVID-19 qui pèse lourdement sur le système de santé ainsi que l’insécurité persistante dans la région entraînent un risque de perturbation de l’accès aux soins de santé. Au 16 septembre 2020, un total de 10 401 cas de COVID-19, dont 267 décès, ont été signalés en RDC.
Action de santé publique
L’OMS collabore avec les autorités nationales pour obtenir plus d’informations sur les cas et les capacités de laboratoire. Les investigations menées sur les cas suspects et leur confirmation aideront à mieux comprendre l’étendue de la propagation du virus en RDC.
Un appui technique est fourni au Ministère de la santé pour élaborer et mettre en œuvre rapidement un plan de riposte global visant à renforcer la surveillance aux niveaux national et local, et prévoyant de nouvelles activités d’investigation et d’intervention en cas de flambée.
L’un des principaux défis de l’urgence actuelle est l’insuffisance du financement pour répondre aux multiples flambées en cours dans le pays. Les lacunes dans la surveillance et les capacités insuffisantes des laboratoires, ainsi qu’un nombre élevé de réfugiés traversant la frontière de la province du Kasaï vers l’Angola, pourraient conjointement contribuer à la propagation de l’épidémie.
Le soutien de partenaires tels que les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et les organisations non gouvernementales (ONG) sera essentiel pour lutter contre cette flambée.
Évaluation du risque par l'OMS
L’orthopoxvirose simienne, ou variole du singe, est une zoonose selvatique, avec un nombre restreint d’infections humaines survenant sporadiquement dans les forêts tropicales d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest. Elle est causée par le virus de l'orthopoxvirose simienne (MPXV) qui appartient à la famille des Orthopoxvirus, un groupe de virus dont fait également partie la variole.
Il y a deux clades distincts du virus de l'orthopoxvirose simienne, le clade du bassin du Congo et le clade d’Afrique de l’Ouest. Pour l'orthopoxvirose simienne due au virus du clade du bassin du Congo, la mortalité déclarée peut atteindre 10 % des cas, tandis que pour le clade d’Afrique de l’Ouest, les issues mortelles représentent généralement moins de 1 % des cas. L’infection par le VIH semble augmenter le risque de décès chez les personnes infectées par le virus de l'orthopoxvirose simienne
Le réservoir animal reste inconnu. Cependant, des données probantes suggèrent que les rongeurs africains indigènes peuvent être des sources potentielles. Le contact direct avec des animaux infectés vivants ou morts, lors de la chasse ou de la consommation de gibier de brousse, est supposé être à l’origine de l’infection chez l’homme. La maladie, dont les symptômes durent de 14 à 21 jours, guérit généralement spontanément. Les cas graves surviennent plus fréquemment chez les enfants et dans la population immunodéprimée, en particulier chez les personnes vivant avec le VIH, et sont liés à l'ampleur de l'exposition au virus, à l’état de santé des patients et à la gravité des complications. Le taux de létalité a été extrêmement variable selon les épidémies, mais se situe entre 1 % et 10% dans les cas documentés. Il n’existe pas de traitement spécifique homologué pour l’orthopoxvirose simienne et un vaccin récemment approuvé n’est pas encore largement disponible dans le secteur public.
Depuis l’identification du premier cas humain d’orthopoxvirose simienne en 1970 en République démocratique du Congo (alors connu sous le nom de Zaïre) chez un garçon de 9 mois, et jusqu’en 1986, 95% des cas survenus dans le monde ont été signalés en RDC. Des cas d’orthopoxvirose simienne ont également été signalés dans d’autres pays africains - Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Libéria, Nigeria, République centrafricaine, République du Congo, Sierra Leone et Soudan du Sud. En 2003, une flambée a eu lieu aux États-Unis d’Amérique à la suite de l’importation d’animaux infectés. Des cas importés isolés ont été identifiés en Israël et au Royaume-Uni en 2018, et à Singapour en 2019, tous après un diagnostic chez des voyageurs en provenance du Nigeria. Au Royaume-Uni, un cas secondaire a été confirmé chez un agent de santé.
Avec l’éradication de la variole et l’arrêt qui a suivi de la vaccination systématique contre la variole, l'orthopoxvirose simienne est apparue de plus en plus fréquemment chez l'homme dans les populations non vaccinées.
Le risque est évalué comme élevé au niveau national, modéré au niveau régional et faible au niveau mondial.
Conseils de l’OMS
Plusieurs orthopoxvirus, et plus particulièrement le virus de l’orthopoxvirose simienne, circulent dans les populations de faune sauvage et passent sporadiquement la barrière des espèces pour affecter les êtres humains. La réduction des contacts avec la faune sauvage et de la dépendance à son égard permettra d'améliorer les efforts de prévention des zoonoses qui touchent la faune sauvage, y compris l’orthopoxvirose simienne.
Il est nécessaire de renforcer la collaboration transfrontalière avec les pays voisins (République du Congo, RDC et République centrafricaine), y compris le partage de données et d’informations.
Les personnes qui résident ou voyagent dans les zones/pays d’endémie doivent éviter tout contact avec des animaux malades, morts ou vivants, susceptibles d’abriter le virus de l’orthopoxvirose (rongeurs, marsupiaux et primates) et s’abstenir de manger ou de manipuler du gibier de brousse. L’importance du respect des règles d’hygiène et de lavage des mains à l’eau et au savon, ou avec un désinfectant à base d’alcool doit être soulignée. Des points de lavage des mains et des initiatives de lutte contre les infections, notamment par l’utilisation de désinfectants, doivent être mis en place dans les milieux hospitaliers. Toute maladie survenant pendant ou au retour d’un voyage doit être signalée à un professionnel de santé, en donnant des indications sur tous les voyages récents ainsi que sur les antécédents vaccinaux.
La recherche des contacts en temps voulu, les mesures de surveillance et la sensibilisation du personnel de santé sont essentiels pour prévenir les cas secondaires et gérer efficacement les flambées d’orthopoxvirose simienne. La lutte contre les infections dans les établissements de santé est cruciale. Le personnel de santé en charge des patients dont l’infection par le virus de l’orthopoxvirose est présumée ou confirmée doivent appliquer les mesures de précaution standards pour lutter contre l’infection par contact ou gouttelettes.
Les échantillons prélevés sur les personnes ou les animaux présumés infectés par le virus de l'orthopoxvirose simienne doivent être manipulés par un personnel qualifié travaillant dans des laboratoires équipés de manière appropriée. La confirmation de l’orthopoxvirose simienne dépend du type et de la qualité de l'échantillon et du type d’analyse en laboratoire. Ainsi, les échantillons doivent être emballés et expédiés conformément aux exigences nationales et internationales. La réaction en chaîne par polymérase (PCR) est le test de laboratoire à privilégier compte tenu de sa précision et de sa sensibilité. Les échantillons diagnostiques optimaux pour dépister l’orthopoxvirose simienne sont ceux prélevés sur les lésions cutanées - tissus ou liquide des vésicules et des pustules, et croûtes sèches. Les analyses par PCR des échantillons sanguins sont souvent négatives en raison de la durée réduite de la virémie, qui dépend du moment de la collecte des échantillons après le début des symptômes. La sérologie n’est pas indiquée pour détecter l’infection aiguë. En conséquence, il n'est pas recommandé de prélever systématiquement des échantillons sanguins auprès des patients, si ce n’est dans le cadre de travaux de recherche ou d’une enquête de grande envergure sur la flambée, visant notamment à identifier d'éventuels cas antérieurs.
Le vaccin de la vaccine utilisé dans le cadre du programme d’éradication de la variole offrait également une protection contre l'orthopoxvirose simienne. Certains pays et l’OMS conservent des stocks d’urgence de vaccin contre la variole (vaccine). Un nouveau vaccin de troisième génération plus sûr (à base de virus modifié de la vaccine Ankara) approuvé en 2019 pour la prévention de l'orthopoxvirose simienne n’est pas encore disponible à grande échelle pour le secteur public. Des agents antiviraux sont également en cours de mise au point.
Sur la base des informations disponibles pour l’instant, l’OMS ne recommande pas d’appliquer des mesures de restriction des voyages ou des échanges commerciaux avec la République démocratique du Congo.
Pour plus d’informations sur l’orthopoxvirose simienne :