Introduction
- Soumis en application du paragraphe 46 de la résolution 2463 (2019) du Conseil de sécurité, le présent rapport retrace les principaux faits nouveaux survenus en République démocratique du Congo du 28 septembre au 25 novembre 2019. Il expose les progrès accomplis dans l’exécution du mandat de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) depuis mon rapport du 27 septembre 2019 (S/2019/776), donne un aperçu de l’évolution de la situation politique, décrit les progrès réalisés dans l’ajustement des priorités, du dispositif et de la présence de la Mission ainsi que la poursuite de son action globale de protection des civils, et comporte des observations sur la fin de son mandat actuel et des recommandations concernant les ajustements futurs.
Évolution de la situation politique
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Après l’investiture du nouveau gouvernement, la vie politique s’est articulée autour des processus parlementaires etde l’examen du budget national. Alors que la coalition au pouvoir est restée stable, tant au sein du pouvoir exécutif que de l’appareil législatif, les politiques partisanes ont refait surface dans les déclarations publiques. Au niveau international, des échanges se poursuivent en ce qui concerne unprojet de coalition régionale destiné à venir à bout des groupes armés dans les provinces orientales de la République démocratique du Congo et la possibilité d’un réengagement des institutions financières internationales dans le pays.
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Le 25 octobre, le Gouvernement a réalisé une avancée avec l’adoption, par le Conseil des ministres, du projet de loi de finances pour l’exercice 2020. Sous réserve de l’approbation de l’Assemblée nationale, le budget proposé a été porté de 7 à 10milliards de dollars. Le budget couvre plusieurs mesures socio-économiques qui sont au cœur du programme national du Président Tshisekedi, notamment la gratuité de l’enseignement primaire dans tout le pays. Dans ce contexte, le Président a lancé un programme accéléré visant à extraire 20 millions de citoyens de la pauvreté en l’espace de cinq ans, qui est axé sur la résolution des problèmes socio-économiques des zones rurales, et a appelé les partenaires nationaux et internationaux à soutenir largement cette initiative.
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Au Parlement, des progrès significatifs ont été accomplis dans la répartition des postes officiels restant à pourvoir, dans les chambres haute et basse, entre la coalition majoritaire du Cap pour le changement (CACH) et duFront commun pour le Congo (FCC),et la plate-forme de l’opposition Lamuka. Les négociations entre les factions politiques se sont déroulées dans un climat constructif. Le 30 octobre, l’Assemblée nationale a constitué ses huit commissions permanentes, soit quatre présidées par le FCC, une par CACH et trois par Lamuka. Au Sénat, le 28 octobre, la plénière a pris note de la composition de ses commissions permanentes; neuf seront présidées par le FCC, deux par CACH et deux par l’opposition.
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Les autorités et assemblées provinciales sont pleinement opérationnelles et ont commencé à s’attaquer à certains des problèmes les plus urgents auxquels leurs électeurs doivent faire face. Le 9 octobre, le Président Tshisekedi a présidé une réunion du Conseil national de sécurité élargi aux gouverneurs des cinq provinces de l’est (Ituri, Maniema, Nord-Kivu,Sud-Kivu et Tanganyika), lors de laquelle il a été décidé de la mise au point et de la présentation d’un plan de désarmement, de démobilisation et de réintégration assorti d’un budget. Le 29 octobre, le Gouvernement a pris deux nouveaux décrets portant création de la Commission interprovinciale d’appui à la sensibilisation au désarmement, à la démobilisation et à la réinsertion communautaire pour le Nord-Kivuet le Sud-Kivu. La MONUSCO fournit un appui technique à la Commission et a participé à une réunion de planification opérationnelle à Goma.
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Les initiatives de lutte contre la corruption restent une priorité. À la demande du Président Tshisekedi, les ministres du Gouvernement ont été appelés à déclarer leurs biens à la Cour constitutionnelle avant le 6 octobre, au titre de l’article 99 de la Constitution, tandis que la controverse autour de la disparition de 15 millions de dollars de fonds publics demeurait à l’ordre du jour. L’affaire fait toujours l’objet de multiples enquêtes de la part des autorités nationales. Le 21 octobre, le Comité laïc de coordination a organisé, dans de nombreuses villes du pays, des manifestations pacifiques contre la corruption et l’impunité, soutenues par l’opposition politique.
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Certains membres de la coalition au pouvoir ont commencé à se positionner en vue des prochaines élections générales. Lors de la convention du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le Secrétaire permanent dudit parti, Emmanuel Ramazani Shadary,a déclaré que le PPRD avait l’intention de remporter tous les scrutins futurs et a annoncé le retour en politique de l’ancien président Joseph Kabila. Le coordonnateur du FCC, Néhémie Mwilanya, a par la suite déclaré que rien ne s’opposait, d’un point de vue constitutionnel, institutionnel ou politique, à la candidature de M.Kabila à un nouveau mandat présidentiel. Des membres de l’opposition et de la société civile ont réagi avec scepticisme, avançant une interprétation divergente de la Constitution. Dans l’intervalle, un haut responsable de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) a indiqué que son parti travaillait à la réélection de M.Tshisekedi, sans faire référence à la coalition gouvernementale actuelle.
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L’opposition a largement pu participer, sans entraves, au processus politique du pays. Le 11 octobre, Jean-Pierre Bemba a organisé un rassemblement politique à Kisangani, sans ingérence des services de sécurité, tandis que Moïse Katumbi a effectué depuis Goma, dès le 26 octobre, une vaste tournée dans la région orientale du pays, après que plusieurs autorisations de voyage lui ont été refusées. Le 10novembre, Floribert Anzuluni, coordinateur du mouvement de jeunes citoyens Filimbi, est retourné à Kinshasa après plus de quatre ans d’exil. Pour autant, des informations continuent de faire état de violations de la liberté de la presse ainsi que d’agressions et de menaces visant des défenseurs des droits de l’homme et d’autres acteurs de la société civile. Parallèlement, en ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique, le Gouvernement a continué de se montrer résolu à atteindre le quota de 30% de femmes prévu dans la Constitution dans les institutions publiques et de gouvernance.
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Au niveau régional, à la suite de l’appel lancé par le Président Tshisekedi, au sommet de la Communauté de développement de l’Afrique australe, en faveur de la formation d’une coalition régionale censée venir à bout des groupes armés dans la région orientalede la République démocratique du Congo, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de hautsreprésentants militaires du Burundi, de l’Ouganda,de la République-Unie de Tanzanie et du Rwandaont organisé, à Goma, plusieurs réunions sur l’instauration d’un quartier général intégré chargé de surveiller les opérations militaires communes. La MONUSCOet le Commandement des forces des États-Unis en Afrique y ont participé en qualité d’observateurs. La possibilité que des forces militaires étrangères opèrent en République démocratique du Congo a suscité chez certains une réaction négative, en particulier parmi des membres de haut rang du FCC. Selon les FARDC, la coalition régionale cherchait à échanger des informations et des renseignements plutôt qu’à déployer des troupes étrangères en République démocratique du Congo. La MONUSCO a déclaré publiquement que son mandat de protection des civils et d’appui aux FARDC ne prévoyait pas un appui aux opérations militaires de forces étrangères présentes dans le pays.
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Dans l’intervalle, les chefs des services de renseignement et de sécurité du Burundi, de l’Ouganda,de la République démocratique du Congo, de la République-Unie de Tanzanie et du Rwandase sont réunis à Dar es-Salaam, du 4 au 6 novembre, pour donner suite à leur première réunion, tenue le7 juin. Ils ont préconisé une stratégie globale comprenant des approches –militaires ou non –pour éliminer les forces nuisibles et les empêcher de se remobiliser. L’importance d’assurer la participation des femmes, des jeunes, des chefs religieux et des dirigeants communautaires a également été soulignée, de même quela nécessité de mettre en place des initiatives communautaires et des projets d’emploi pour les ex-combattants et les jeunes risquant d’être recrutés par des groupes armés.
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Sur le plan international, le Président Tshisekedi a continué de plaider pour des investissements dans le programme national du Gouvernement, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’infrastructure. En réponse, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international évaluent actuellement la possibilité d’un réengagement en République démocratique du Congo. Le 30 octobre, le représentant de la Banque mondiale dans le pays a annoncé qu’il était envisagé de mettre sur pied un dispositif d’appui de 5 milliards de dollars sur cinq ans, sous réserve de l’instauration de réformes visant à améliorer les recettes publiques, la responsabilisation et la gouvernance. Le Président Tshisekedi a également reçu l’assurance du soutien de la Banque africaine de développement.
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Ma Représentante spéciale a poursuivi ses bons offices auprès des principales parties prenantes nationales et locales. Elle a rencontré le Président Tshisekedi, le Ministre de l’intérieur, de la sécurité et des affaires coutumières, le Ministre de la décentralisation, le Ministre de la défense nationale et des anciens combattants et le Chef de cabinet du Président pour échanger des vues sur les problèmes de sécurité qui se posent actuellement et sur les moyens pour la Mission d’aider les autorités à y remédier. Donnant suite aux graves préoccupations en matière de droits de l’homme et de protection suscitées dans le Sud-Kivu, ma Représentante spéciale a rencontré les principaux acteurs politiques et de la société civile de la province, notamment l’ancien Vice-Président de la Commission électorale nationale indépendante, Norbert Basengezi Katintima, afin d’examiner les moyens de régler les conflits locaux. Pour appuyer la conclusion des négociations de paix entre le Gouvernement et la Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI), ma Représentante spéciale a participé à une réunion sur les négociations de paixdu comité directeur chargé du Plan de stabilisation et de reconstruction de l’est de la République démocratique du Congo, tenue à Kinshasa le 24 octobre et présidée par le Premier Ministre, Sylvestre Ilunga Ilukamba. Le personnel de la Mission a également offert ses bons offices et ses services de médiation sur le terrain, comme on l’indique plus loin dans le présent rapport.