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DR Congo

Mettre le feu à sa propre maison - La crise au Kasaï: La manipulation du pouvoir coutumier et l’instrumentalisation du désordre

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Résumé

Depuis août 2016, la région du Kasaï a vu l’une des escalades de violence les plus dramatiques de l’histoire congolaise. Une lutte localisée pour le pouvoir coutumier s’est rapidement répandue dans quatre provinces, alimentée par le ressentiment suscité par la marginalisation économique et politique, et aggravée par le recours disproportionné à la force par le gouvernement pour réprimer la révolte. En l’espace d’un an, 1,4 million de personnes ont été déplacées et des douzaines de milices armées ont été formées.

L’église catholique a dénombré 3 383 décès dus à des conflits dans la grande région du Kasaï pour la seule période du 13 octobre 2016 au 17 juin 2017.

La crise révèle la rapidité avec laquelle un conflit local peut se propager dans le contexte instable actuel de la RD Congo. L’accent mis par le gouvernement sur une réponse militaire étroite a aggravé la crise. Au lieu de chercher une solution négociée aux griefs d’un chef coutumier provocateur, les forces de sécurité l’ont tué, puis ont fait usage d’une brutalité extrême pour tuer des centaines de miliciens dépenaillés – des enfants pour la plupart munis d’armes rudimentaires -- et de civils. L’armée et la police ont ensuite aidé à mettre en place des milices rivales, soutenues aux niveaux national et provincial par des politiciens. En revanche, il n’y a eu pratiquement aucune tentative sincère de la part du gouvernement pour s’attaquer aux causes profondes du conflit ou chercher à le résoudre de manière pacifique.

Cette crise remet en cause une hypothèse tacite au sujet du Kasaï : cette colère généralisée suscitée par la marginalisation politique et économique ne pourrait conduire à un conflit armé. La propagation rapide de la rébellion de Kamuina Nsapu et ses attaques sanglantes contre les institutions étatiques devraient amener les décideurs à réexaminer la façon dont ils évaluent les dynamiques politiques en RD Congo de manière plus générale. Les principaux facteurs à l’origine de la crise sont plus ou moins répandus dans la majeure partie du pays à des degrés différents : la manipulation des luttes locales pour le pouvoir coutumier, la marginalisation sociale et les élites qui, dans le climat actuel d’incertitude politique, aggravent ou bien sont indifférentes à la violence généralisée.

Bien que le conflit dans le Kasaï ait diminué, les niveaux de souffrance humanitaire restent extrêmement élevés, et le potentiel pour de nouvelles violences, en particulier dans la province du Kasaï, subsiste. Il est difficile d’envisager une solution globale à ces défis, ou d’empêcher de nouvelles violences, sans aborder les dynamiques nationales. Le gouvernement congolais devra mettre en place des initiatives, soutenues par des bailleurs de fonds, pour faire face aux conflits coutumiers et réformer les structures de pouvoir traditionnelles. Les efforts visant à rompre l’isolement économique des provinces du Kasaï et à promouvoir un dialogue inclusif devraient se poursuivre. Peut-être le plus important est-il que les agents du gouvernement, notamment les officiers de l’armée, soient tenus de rendre des comptes pour avoir encouragé la violence ou fait un usage disproportionné de la force pour la réprimer.