Maladie à virus Ebola – République démocratique du Congo
Bulletin d’information sur les flambées épidémiques
25 octobre 2018
Les incidents de sécurité de la semaine dernière, allant des affrontements entre les forces rebelles et les forces gouvernementales qui ont causé la mort de civils aux véhicules d’intervention bombardés de pierres, ont continué de causer de la détresse au sein des communautés et d’entraver gravement les activités de riposte à la flambée épidémique de maladie à virus Ebola (MVE) en République démocratique du Congo. Ces incidents se produisent au milieu d’une transmission intense de MVE dans les communautés de la ville de Beni. Malgré ces difficultés, le Ministère de la santé, l’OMS et ses partenaires redoublent d’efforts pour endiguer l’épidémie; l’OMS ne prévoit pas actuellement de réduire l’équipe d’intervention composée de plus de 250 membres du personnel de l’Organisation.
Depuis le dernier bulletin d’information sur les flambées épidémiques (c’est-à-dire au cours de la semaine allant du 16 au 23 octobre), 27 nouveaux cas confirmés ont été notifiés : 24 de Beni (dont un résident de Mandima qui a été hospitalisé à Beni) et 3 de Butembo. Parmi les nouveaux cas signalés, 8 étaient des contacts connus de cas déjà confirmés au moment de la notification, 2 étaient liés rétrospectivement aux chaînes de transmission et 17 font toujours l’objet d’une enquête. Un agent de santé d’un poste de santé communautaire à Beni fait partie de ces nouveaux cas d’infection ; à ce jour, 21 agents de santé ont été infectés, dont 3 sont décédés.
Au 23 octobre 2018, 247 cas de MVE (212 confirmés et 35 probables), dont 159 décès (124 confirmés et 35 probables),1 avaient été notifiés dans sept zones sanitaires de la province du Nord-Kivu et trois zones sanitaires de la province d’Ituri (Figure 1). Soixante-cinq patients se sont rétablis, ont pu quitter les centres de traitement Ebola (CTE) et réintégrer leurs communautés. L’évolution de l’incidence hebdomadaire des cas et le pic secondaire observé plus tôt ce mois-ci reflètent l’intensité de la transmission à l’intérieur et autour de Beni (Figure 2). Cette évolution doit être interprétée avec prudence étant donné les délais toujours longs entre l’apparition de la maladie et la notification des cas, et les difficultés persistantes auxquelles se heurte l’enquête sur cette flambée épidémique.
Le risque de propagation de l’épidémie à d’autres provinces de la République démocratique du Congo, ainsi qu’aux pays voisins, reste très élevé, la transmission se poursuivant dans les communautés du Nord-Kivu. Des efforts accrus sont nécessaires pour faire en sorte que les zones situées au-delà des principales zones sanitaires touchées soient préparées et prêtes sur le plan opérationnel à détecter rapidement toute exportation du virus, à enquêter et à riposter. Au cours de la semaine dernière, des alertes ont été signalées en Mauritanie, en Ouganda, en République-Unie de Tanzanie, au Soudan et au Soudan du Sud, et. À ce jour, la MVE a été exclue pour toutes ces alertes provenant de provinces et de pays voisins.
Action de santé publique
Le Ministère de la santé continue à renforcer les mesures de riposte, avec le soutien de l’OMS et de ses partenaires. Les priorités sont la coordination des interventions, la surveillance, la recherche des contacts, les capacités de laboratoire, les mesures de lutte contre l’infection, la prise en charge clinique des patients, la vaccination, la communication sur les risques et la participation des communautés, le soutien psychosocial, les enterrements dignes et sécurisés, la surveillance transfrontalière et les activités de préparation dans les provinces et les pays voisins.
Surveillance: Au 23 octobre, plus de 11 000 contacts avaient été enregistrés, dont 5723 restent sous surveillance.2 Les taux de suivi au cours de la semaine écoulée variaient de 85% à 97% dans toutes les zones sanitaires. C’est dans la zone sanitaire de Beni que la recherche des contacts pose le plus de problèmes en raison d’une combinaison de facteurs, notamment la situation sécuritaire instable. À mesure que les activités de surveillance se sont améliorées, les intervenants ont constaté une augmentation importante du nombre d’alertes signalées et de cas suspects testés chaque jour. Du 16 au 23 octobre, 116 alertes par jour en moyenne (entre 75 et 159) ont été signalées, dont 35 (entre 7 et 48) correspondaient effectivement à des cas suspects devant faire l’objet d’un dépistage. Des enquêtes sur tous les cas récemment signalés sont en cours afin d’identifier les chaînes de transmission dans le but d’interrompre la propagation du virus.
Vaccination: Au 24 octobre, 122 anneaux de vaccination avaient été définis en plus des 37 anneaux de vaccination des agents de santé et des intervenants de première ligne. À ce jour, 22 288 personnes répondant aux critères et consentantes ont été vaccinées, dont 8471 agents de santé et intervenants de première ligne et 5488 enfants. Dans l’ensemble, les équipes de vaccination ont vacciné 3345 personnes supplémentaires répondant aux critères et consentantes au cours de la semaine écoulée. Prise en charge clinique et lutte contre l’infection: Les activités se poursuivent en République démocratique du Congo et sont soutenues par plusieurs partenaires sur le terrain. Le centre de traitement Ebola (CTE) géré par l’Alliance for International Medical Action (ALIMA) à Beni a renforcé sa capacité d’accueil, portée de 41 à 60 lits.
Communication sur les risques, collaboration des communautés et mobilisation sociale: Les activités demeurent centrées sur l’appropriation communautaire de la riposte en faisant participer les leaders locaux et les membres influents au sein des communautés, tels que les chefs communautaires, les chefs religieux et les groupes de la société civile, afin d’établir la confiance des communautés dans la riposte. Les retours d’information des communautés lors des visites porte-à-porte, des séances de dialogue avec les communautés, des entrevues par groupes thématiques et des enquêtes sur les connaissances, les attitudes et les pratiques (CAP) sont systématiquement recueillis et analysés pour ajuster les stratégies de la riposte.
Enterrements dignes et sécurisés (EDS): Les capacités nécessaires sont fournies par les équipes de la Croix-Rouge (CR) et de la Protection civile (PC). Les équipes de la CR sont opérationnelles à Mangina, Beni, Butembo (prêtes à intervenir), Tchomia et Bunia. Les équipes de la PC sont opérationnelles à Beni et Oicha. En outre, la CR a formé des équipes à Goma et à Mambasa qui peuvent être mobilisées au besoin. La sécurité reste problématique à Beni et Butembo et entrave les interventions liées aux enterrements dignes et sécurisés. Des discussions sont en cours à Beni pour trouver des solutions applicables afin d’intervenir dans les zones où ni les équipes de la CR ni celles de la PC n’ont accès. Six équipes supplémentaires ont été formées à Beni et sont maintenant opérationnelles. Au 23 octobre, 346 alertes pour des enterrements dignes et sécurisés avaient été reçues, dont 293 (85%) ont bénéficié de l’intervention des équipes de la CR ou de la PC. Quarante alertes n’ont pas pu bénéficier d’une intervention en raison du refus de la communauté ou parce que les enterrements avaient été effectués avant l’arrivée des équipes formées. Parmi toutes les alertes pour des enterrements dignes et sécurisés, 42% proviennent des communautés, 30% des centres de traitement Ebola (CTE) et 28% d’autres établissements de santé (autres que les CTE). Du 1er au 24 octobre, 86 alertes ont été reçues de Beni et seulement 11 de Butembo.
Points d’entrée: Au 23 octobre 2018, un dépistage sanitaire a été mis en place dans 64 points d’entrée et plus de 10,4 millions de voyageurs en ont fait l’objet ; 17 430 moyens de transport ont été décontaminés. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis d’Amérique et l’OMS continuent de soutenir le programme sanitaire aux frontières du Ministère de la santé en République démocratique du Congo. Au 23 octobre, seuls 44 des 64 points d’entrée étaient fonctionnels en raison d’incidents de sécurité, en particulier à Beni, et d’une grève du personnel de santé aux points d’entrée de la province d’Ituri. Avec l’appui de l’OIM, 16 superviseurs du Programme national de l’hygiène aux frontières (PNHF) seront déployés à partir du 23 octobre au Nord-Kivu et en Ituri, dans le but de soutenir la coordination et le renforcement des capacités aux points d’entrée. Avec le soutien de l’OIM, la cartographie de la mobilité de la population a été finalisée à Tchomia et à Kasenyi, et cinq points d’entrée supplémentaires seront mis en place. L’OIM soutient également quatre points d’entrée dans les zones frontalières du Soudan du Sud; au 21 octobre, 9955 personnes étaient déjà passées par ces points d’entrée. Le CDC des États-Unis d’Amérique soutient également les activités aux points d’entrée en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud.
Capacités de laboratoire: Les capacités nécessaires aux tests diagnostiques ont continué de croître à mesure que les cas s’étendaient à de nouvelles régions géographiques. Cinq laboratoires Ebola de terrain permettant de réaliser un dépistage de proximité ont été créés à Beni, Mutembo, Goma, Mangina et Tschomia, en plus du laboratoire national à Kinshasa. Les volumes testés ont augmenté au cours de la semaine écoulée; 337 échantillons ont été testés au cours de la semaine se terminant le 21 octobre, soit 30% de plus que la semaine précédente. En particulier, le nombre de tests effectués sur des échantillons oraux prélevés sur des personnes décédées a augmenté de 44% et a permis de détecter un tiers de tous les nouveaux cas confirmés au cours de cette même période. Le dépistage chez les personnes décédées sera intensifié. La mise en œuvre de tests diagnostiques rapides post-mortem qui peuvent être effectués sur les lieux de sépulture est prévue afin de simplifier la procédure et de réduire les tensions avec les familles et la communauté.
Disponibilité opérationnelle et préparation: À partir de la mi-septembre, le Ministère de la santé, avec l’appui de l’OMS et de ses partenaires, a mis en œuvre un plan de 30 jours dans six provinces à haut risque voisines du Nord-Kivu. La mise en œuvre de ce plan a permis de réaliser des progrès substantiels dans la mise en place et le renforcement de la coordination multisectorielle, des équipes d’intervention rapide, de la surveillance et de la lutte anti-infectieuse, de la recherche des contacts, des points d’entrée, de la communication sur les risques et du stockage d’équipements de protection individuelle (EPI). Fort de ce succès et en mettant l’accent sur le renforcement des capacités, le plan de préparation a été prolongé de trois mois, jusqu’à la fin janvier 2019, dans le cadre du Plan de riposte stratégique. La province de Tshopo et Goma, au Nord-Kivu, ont été ajoutées à ce plan d’extension. Les trois niveaux de l’OMS travaillent en étroite collaboration avec les gouvernements des neuf pays limitrophes et les partenaires pour relever les principaux défis de la gestion des flambées épidémiques, en particulier aux points d’entrée, et plus spécialement dans les pays de priorité 1 (Ouganda, Soudan du Sud, Burundi et Rwanda). Il subsiste un déficit de financement important pour le Plan stratégique régional de préparation à la MVE, ce qui pose des problèmes pour sa mise en œuvre à grande échelle.
Partenaires
Pour aider le Ministère de la santé, l’OMS collabore intensivement avec un vaste ensemble de partenaires et parties prenantes multisectoriels et multidisciplinaires, à l’échelle régionale et à l’échelle mondiale, pour la riposte à la MVE, la recherche et la préparation urgente, y compris dans les pays limitrophes. Parmi ces partenaires figurent plusieurs organismes des Nations Unies et organisations internationales, dont la Direction générale Aide humanitaire et protection civile de la Commission européenne (ECHO), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la Public Health Rapid Support Team du Royaume-Uni, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), la Banque mondiale et les banques de développement régionales, le Programme alimentaire mondial (PAM) et les Services aériens d’aide humanitaire des Nations Unies (UNHAS), la mission des Nations Unies et le Département de la sûreté et de la sécurité de l’ONU (UNDSS), le Comité permanent interorganisations, le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations Unies, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), les Centers for Disease Control d’Afrique, le CDC des États-Unis d’Amérique, le Ministère du développement international du Royaume-Uni (DFID), l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), Adeco Federación (ADECO), l’Association des femmes pour la nutrition à assise communautaire (AFNAC), l’Alliance for International Medical Action (ALIMA), CARITAS RDC, CARE International, le Centre de promotion socio-sanitaire (CEPROSSAN), Cooperazione Internationale (COOPI), la Catholic Organization for Relief and Development Aid (CORDAID/PAP-DRC), l’International Medical Corps (IMC), le Comité international de secours (IRC), l’Organizzatione Umanitaria par l’Emergenza (INTERSOS), Medair, Médecins sans frontières (MSF), Oxfam International, la Croix-Rouge de la République démocratique du Congo avec le soutien de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Samaritan’s Purse, Save the Children International (SCI), le Réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie (GOARN), le Réseau de laboratoires travaillant sur les agents pathogènes émergents et dangereux (EDPLN), le Réseau pour l’évaluation clinique des maladies émergentes et l’action (EDCARN), des réseaux techniques et des partenaires opérationnels, et l’initiative des équipes médicales d’urgence (EMT). Les institutions partenaires du GOARN continuent de contribuer à la riposte moyennant des déploiements pour mener les activités de préparation dans les provinces non touchées et dans les pays limitrophes et à différents niveaux de l’OMS.
Évaluation des risques par l’OMS
Cette flambée de MVE touche les provinces du nord-est de la République démocratique du Congo à la frontière de l’Ouganda, du Rwanda et du Soudan du Sud. Les facteurs de risque potentiels pour la transmission de la MVE aux niveaux national et régional sont notamment: les liaisons de transport entre les zones touchées, le reste du pays et les pays limitrophes; les déplacements des populations à l’intérieur du pays; et les déplacements de réfugiés congolais vers les pays voisins. Le pays est confronté actuellement à plusieurs autres épidémies (choléra et poliomyélite dérivée de souches vaccinales, par exemple) et à une crise humanitaire prolongée. De plus, l’insécurité au Nord-Kivu et en Ituri continue d’entraver la mise en place des activités de riposte. D’après l’évaluation de l’OMS, le risque est très élevé aux niveaux national et régional, mais il demeure faible à l’échelle mondiale. Sur la base des éléments disponibles, l’OMS continue de déconseiller l’application de restrictions aux voyages et au commerce avec la République démocratique du Congo.
Comme le risque de propagation national et régional est très élevé, il est important que les provinces voisines et les pays limitrophes renforcent les activités de surveillance et de préparation. Le Comité d’urgence du RSI a jugé qu’à défaut d’une intensification de ces activités de préparation et de surveillance, les conditions devraient s’aggraver et la propagation se poursuivre. L’OMS continuera de collaborer avec les pays voisins et les partenaires pour s’assurer que les autorités sanitaires sont en état d’alerte et prêtes à riposter sur le plan opérationnel.
Conseils de l’OMS
Sur la base des informations disponibles, l’OMS déconseille d’instaurer toute restriction aux voyages ou aux échanges commerciaux avec la République démocratique du Congo. Elle continue de surveiller attentivement les mesures prises pour les voyages et le commerce en relation avec cet événement, effectuant les vérifications nécessaires le cas échéant. Pour l’instant, aucun pays n’a pris de mesures entravant sensiblement les voyages internationaux à destination ou en provenance de la République démocratique du Congo. Les voyageurs doivent demander conseil à leur médecin avant de partir et respecter les règles d’hygiène.