
posté le 14 JUIN 2017 par CYNTHIA KANYERE
Témoignages – A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le travail des enfants, cinq jeunes de Goma, à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) prennent la parole afin de raconter leur histoire et leur passé mais aussi de transmettre un message de lutte et d’espoir.
Oswald, cuisinier dans un groupe armé
“A l’âge de 6 ans, mon oncle m’a demandé de l’accompagner quelque part. Nous sommes arrivés jusque dans un camp militaire et je ne suis jamais retourné chez nous en Ouganda. Dans le groupe armé, je portais de lourdes charges et préparais la nourriture. Quand les organismes venaient vérifier s’il y a des enfants au sein de la troupe, le commandant nous cachait pour nous faire échapper à la démobilisation. Lors des affrontements en RDC, j’ai été blessé par balles et c’est ainsi que j’ai pu être démobilisé. Beaucoup d’enfants sont restés prisonniers de chefs rebelles.”
"Veuillez tout faire pour les libérer, s’il vous plait. Je suis content d’être ici au CTO car j’y retrouve une vie que j’avais perdue depuis très longtemps."
Innocent, né dans un groupe armé
“Etre enfant soldat n’a été ni un choix ni une contrainte : je suis né dans un groupe armé. J’y ai vécu avec beaucoup d’autres enfants. Nous avons énormément souffert. Mes parents devaient voler et piller les biens des habitants pour subvenir tant soit peu à mes besoins. A 12 ans j’ai commencé à manipuler les armes alors que mes parents étaient déjà morts. Les groupes armés détruisent les enfants. Nous voulons la paix pour que les enfants aillent à l’école. J’ai la chance de me retrouver aujourd’hui au Centre de Transit et d’Orientation (CTO) CAJED appuyé par l’UNICEF.”
"Veuillez aider les autres enfants pris en otage par les chefs rebelles afin qu’ils soient démobilisés."
Feza, employée de maison dans une grande ville
“Je suis née à Masisi et je n’ai pas eu la chance de connaître mes parents. Ma mère est morte quand j’avais 6 mois et je ne sais pas qui était mon père. La tante qui m’a élevée est aussi morte quand j’avais 10 ans. Ma vie était comme un véritable cauchemar. J’ai commencé à porter des charges afin de gagner un peu d’argent. Ensuite, une dame m’a fait venir ici à Goma pour travailler comme employée de maison, contre un logis et de la nourriture ; je ne pouvais pas aller à l’école. Aujourd’hui, je suis hébergée par une autre dame qui me fait travailler dans son cabaret le soir. Je vais bientôt terminer ma 1ere année de rattrapage scolaire au Foyer social, et je ça me fait du bien de fréquenter, enfin, une école.”
"Je demande aux décideurs de construire des orphelinats pour des enfants abandonnés."
Daniel, soldat et voleur pour sauver sa vie
“Je revenais de l’école pour aller rejoindre mes parents aux champs. En cours de route les miliciens m’ont pris de force, m’ont fait porter leurs bagages jusque dans leur camp en forêt. Ils m’ont obligé à devenir un soldat et un voleur. Nous devions aller récolter dans les champs des civils et préparer la nourriture pour la troupe afin de sauver notre vie. Nous étions comme des esclaves. Les groupes armés nous gâchent la vie.”
"Je demande aux autorités de démobiliser nos amis qui sont encore dans les groupes armés car leur place se trouve en famille."
Kasuku, de la cueillette et la chasse à la drogue
“J’ai perdu mes parents à l’âge de 8 ans. Je suis allé habiter chez ma tante. Par manque de moyens financiers, je n’ai pas pu poursuivre mes études. J’allais en forêt cueillir des fruits et chasser des animaux. J’ai commencé même à prendre de la drogue et à errer. Aujourd’hui j’apprends la mécanique à Don Bosco.”
Je vous prie de tout faire pour que chaque enfant ait accès à l’éducation, car c’est la clef de la vie. Le travail des enfants demeure toujours un problème en RDC et plus particulièrement dans la partie Est victime de plusieurs années de conflits armés. Selon l’étude sur les enfants et adolescents en dehors de l’école en RDC publiée en août 2013, plus de 40% d’enfants et d’adolescents de la province du Nord Kivu ne fréquentent pas l’école et sont ainsi exposés à toute forme de travail et de mauvais traitement. Si certains enfants comme Daniel, Feza, Innocent, Kasuku et Oswald ont pu bénéficier de programmes de réinsertion sociale et de rattrapage scolaire, beaucoup d’autres enfants sont toujours privés d’encadrement et d’éducation et continuent de travailler dans des conditions difficiles et extrêmement dangereuses.
L’éducation et la protection sont des droits fondamentaux pour chaque enfant. L’article 32 alinéas 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) stipule que « les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptibles de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social. »
- Oswald (11 ans), Innocent (16 ans), Feza (17 ans), Daniel (16 ans), Kasuku (17 ans).