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DR Congo

France: Situation en République démocratique du Congo

Intervention du Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, M. Charles Josselin, au Conseil de Sécurité des Nations-Unies (New York, 24 janvier 2000)
Messieurs les Présidents,

Messieurs les Secrétaires généraux,

Madame la Secrétaire d'Etat,

Mesdames, Messieurs les Ministres,

Messieurs, Messieurs les Ambassadeurs,

Je tiens tout d'abord à remercier la Présidence d'avoir pris l'initiative de cette réunion publique du Conseil de sécurité consacrée à la République démocratique du Congo.

Si la communauté internationale est bien consciente de la gravité de la crise et de l'importance de ses enjeux pour la paix, la stabilité et le développement de la République démocratique du Congo et de la Région des Grands lacs, il lui appartient maintenant de prendre toutes ses responsabilités et de soutenir résolument le processus engagé par la signature de l'accord de Lusaka.

La France pour sa part, y est prête.

Base d'une solution négociée, agréé par toutes les parties, cet accord de Lusaka constitue aujourd'hui le seul instrument complet, consensuel, pouvant conduire au rétablissement de la paix.

Même si elle connaît des difficultés, même si elle ne respecte pas le calendrier très ambitieux fixé par ses signataires, la mise en oeuvre de Lusaka est engagée. Le Comité politique et la Commission mixte militaire, clés de voûte de cet accord, ont été constitués. Ils se sont réunis de manière régulière et ont pu prendre d'importantes décisions, concernant aussi bien leur organisation interne que l'observation de l'application de l'accord.

Même si d'inacceptables violations du cessez-le-feu sont à déplorer, en particulier au cours de ces dernières semaines, la situation s'est globalement stabilisée sur le plan militaire.

La communauté internationale, en particulier l'ONU, par la création de la MONUC et l'annonce d'une prochaine opération de maintien de la paix, mais aussi l'OUA et l'Union européenne, se sont rapidement engagées à soutenir ce processus, lui conférant ainsi une crédibilité et une légitimité supplémentaires.

Force est de reconnaître que la mise en oeuvre de cet accord demeure trop lente, et beaucoup, ce matin y ont insisté, du fait sans doute d'un déficit de confiance et de coopération entre les signataires, du fait certainement qu'un certain nombre d'éléments doivent en être élucidés, voire approfondis, pour que tous les belligérants soient totalement convaincus du bien fondé de la démarche engagée, y compris pour leur propre sécurité.

L'absence à ce stade d'un système d'observation internationale du respect de l'accord, due au manque de moyens de la Commission mixte militaire, comme au retard dans le déploiement des personnels des Nations unies favorise - hélas - la multiplication des violations de cessez-le-feu qui peuvent à chaque instant, déboucher sur une reprise du conflit.

Le maintien d'effectifs importants de troupes étrangères sur le territoire congolais - et pour certaines contre la volonté des autorités de ce pays -, de nombreuses violations des Droits de l'Homme, le développement des trafics et l'exploitation illégale des richesses de la République démocratique du Congo, sont autant de réalités inacceptables.

Enfin, le dialogue national, qui doit permettre l'émergence d'un nouveau consensus indispensable à une solution durable de la crise, reste encore à engager après la nomination récente, heureuse, de son facilitateur, le président Masire.

Le non-respect du calendrier témoigne, j'insiste sur ce point, du manque de confiance entre les parties, ce qui en compromet l'application. Mais comment dépasser cet obstacle si nous-mêmes demeurons hésitants ?

La France en appelle de nouveau au sens des responsabilités et à l'esprit de compromis des parties au conflit, dont j'ai rencontré nombre de dirigeants au cours de mes récents déplacements en Afrique centrale. La France rappelle solennellement que la communauté internationale ne peut envisager de soutenir de manière utile, l'application de l'accord de Lusaka, notamment par une opération de maintien de la paix, que si ses signataires manifestent clairement leur volonté de respecter leurs engagements et de surmonter leurs différends. C'est ce que j'ai entendu, ce matin, de la bouche de leurs responsables.

Mais ils sont aussi en droit d'attendre des pays membres du Conseil de sécurité que nous sommes, que nous nous engagions à leurs côtés :

- Premièrement, en consolidant au plus vite, par une intervention conséquente et crédible des Nations unies, le respect du cessez-le-feu. Sans cela aucun progrès ne sera réalisé sur les autres volets de l'accord.

Nous saluons à cet égard les recommandations faites ce matin par le Secrétaire général des Nations unies, sous réserve que les questions de sécurité soient mises au point dans toutes leurs dimensions. Ces recommandations faciliteront la mise en oeuvre concrète et vérifiée de l'accord de Lusaka. Elles ouvrent également la porte à un engagement ultérieur de l'ONU de plus grande envergure, que nous appelons de nos vœux et qui permettra de compléter et d'approfondir le processus de paix, dès que les conditions le permettront, notamment en termes de sécurité et de respect par les parties de leurs engagements.

A plusieurs reprises, le président Jacques Chirac a indiqué que nous étions prêts à apporter notre soutien pour faciliter le déploiement de cette opération, qu'il s'agisse par exemple d'une aide à l'acheminement des Casques bleus, ou à l'équipement de certains contingents africains participant à l'opération.

Le déploiement d'opération de maintien de la paix devra en tout cas permettre aux parties d'honorer leurs engagements à démobiliser et à réintégrer les anciens combattants des groupes armés. Mais cette entreprise ne se traduira concrètement dans les faits que si les pays dont ces groupes sont originaires, s'engagent à prendre parallèlement, toutes les dispositions nécessaires pour faciliter leur retour.

Enfin, des mesures devront rapidement être prises pour mettre un terme à l'exploitation illégale des ressources du pays. Pour y parvenir, un panel d'experts pourrait être, dans un premier temps, constitué auprès du Secrétaire général, pour analyser la situation et proposer des solutions.

- Deuxièmement, nous nous engagerons en aidant à l'organisation du dialogue national. Il ne s'agit pas là d'un préalable au déploiement de l'opération de maintien de la paix qui ne peut évidemment pas attendre, mais d'un élément à nos yeux essentiel, pour permettre l'accord politique entre Congolais, la restauration de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire, et pour nouer les fils d'un véritable consensus national sans lequel la souveraineté, l'intégrité nationale, la vie démocratique de la République démocratique du Congo demeureront fragiles voire hypothétiques. Pour être crédible, ce dialogue devra se dérouler selon les termes prévus par l'accord de Lusaka et sans interférence étrangère.

La France se réjouit de la désignation du président Masire, comme facilitateur du dialogue national et l'assure de son total soutien.

- J'insisterai enfin, sur les perspectives qu'ouvrirait une conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement sur les Grands lacs. Il appartient évidemment aux pays concernés de s'en convaincre et de la décider. Mais l'accord de cessez-le-feu, s'il ouvre la voie à une telle initiative, y trouverait un effet durable, tout simplement parce qu'on ira au fond des problèmes qui sont à l'origine des conflits actuels et qui les entretiennent depuis trop longtemps.

La France, vous le savez, suggère depuis longtemps l'idée de cette conférence. Les Nations unies y font régulièrement référence, et j'ai moi-même pu constater que notre conviction était maintenant partagée par un nombre croissant de responsables, qui souhaitent, non seulement mettre un terme à cette crise, mais aussi et surtout en traiter les causes profondes. Si nous voulons tous le retour à la paix, il faut convenir qu'elle ne sera réelle et durable qu'à la condition d'examiner globalement les phénomènes qui depuis longtemps y font obstacle et entraînent des réactions en chaîne dans la région.

Il est dans notre esprit parfaitement clair que les processus de paix à l'oeuvre, celui d'Arusha pour le Burundi et bien sûr l'accord de Lusaka pour ce qui concerne la République démocratique du Congo, sont un préalable et donc le socle d'une telle conférence. Autrement dit, celle-ci ne saurait se tenir si les premiers résultats, conséquences de la mise en œuvre de ces processus, ne sont pas tangibles.

Une telle conférence constituerait la base d'un nouvel engagement de la communauté internationale en faveur de la reconstruction, du développement et de la démocratie dans les pays de la région.

Car ce sont trois ensembles de questions qui pourraient être abordées : celles qui touchent à la paix, à la sécurité, donc au respect et au contrôle des frontières sont évidemment essentielles, elles concernent également toutes les parties et visent au principe de l'intégrité territoriale.

Non moins importante serait la mise en oeuvre des mesures tendant toutes à restaurer la démocratie, l'Etat de droit, le respect des libertés fondamentales, concernant au premier chef les minorités et les réfugiés, mais aussi l'éradication de toute idéologie d'exclusion.

Enfin, Mesdames et Messieurs, l'Afrique des Grands lacs a besoin d'être épaulée dans un effort considérable de reconstruction et de développement. Elle attend l'expression d'une solidarité internationale, oeuvrant à la lutte contre la pauvreté, donc au mieux être social, aux échanges, donc à l'intégration économique régionale, sans oublier la restauration de la capacité des Etats dans leurs missions fondamentales : administration, justice, sécurité.

Organisée par l'OUA avec l'appui de l'ONU, cette conférence pourrait déboucher sur l'adoption d'une déclaration de principe, puis sur une série d'accords et partenariats bi et multilatéraux qui en déclineraient les modalités d'application.

La France, résolument engagée en faveur de l'accord de Lusaka par les officiers de liaison qu'elle met à la disposition de l'ONU et l'aide qu'elle consent à la commission mixte militaire, est déterminée à appuyer toutes les actions allant dans les directions que je viens d'indiquer. Elle n'a qu'un souci : la paix dans cette région, une paix solide, durable, qui exige une détermination exemplaire.

Je le répète, la France, pour sa part, y est prête.

Je vous remercie, Monsieur le Président.