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Expulsés de l'Angola, des Congolais s'engagent à se « débrouiller » au Congo

Songololo, le 20 octobre 2008 (caritasdev.cd) : La recherche effrénée d'un mieux-être pousse chaque année des milliers des Congolais vers l'Angola, même illégalement. Contrairement à l'opinion généralement répandue, certains y vont, pas pour l'exploitation artisanale du diamant, mais même pour le maraîchage, le petit commerce, l'artisanat et tant d'autres activités génératrices des revenus. Tous reconnaissent qu'il est possible de créer des richesses au pays. Tous aussi demandent au Gouvernement de créer des conditions minimales pour l'accroissement du Produit Intérieur Brut. Ils souscrivent ainsi à la politique de réinsertion socioéconomique, comme alternative à cette velléité d'émigration vers l'Angola.

Il leur manquerait simplement des intrants pour démarrer des activités génératrices des revenus, soutiennent-ils. C'est ce que révèle l'entretien que le Chargé de Communication de Caritas-Développement Congo a eu mardi 14 octobre 2008 à Songololo, à 12 Kms de la frontière angolaise, à 75Kms du territoire angolais de Mbanza Kongo, avec un groupe de Congolais expulsés. Ces derniers recevaient des kits de voyage de Caritas pour faciliter le retour dans leurs milieux d'origine.

Mme Alpha, femme commerçante : « J'étais une femme mariée, mère de deux enfants », commence d'entrée de jeu Alpha, sur un ton qui ne cache pas sa déception. Agée d'une trentaine d'années, elle a franchi la frontière dans l'espoir de sortir sa mère, veuve, de la misère. Car, le mariage l'a déçue. Après avoir beaucoup trimé, son mari et elle avaient décidé de regagner le village de son conjoint pour s'adonner aux activités de champs. Mais, le mari s'accaparera seul de toute la récolte, fruit de leur travail en commun, y compris la maison et d'autres biens du couple. « Quand il a vendu la maison, j'ai compris que je n'avais plus rien à faire », a indiqué Mme Alpha, avec regret. Cette fille d'un militaire décédé se livrait déjà au commerce au poste frontalier de Lufu. Elle optera ainsi de franchir la frontière pour l'Angola, depuis 2000. Sur place, elle s'évertuait à renouveler le permis de séjour temporaire auprès des Services d'immigration (DFA), soutient-elle. Elle croyait être ainsi à l'abri des expulsions. Elle exerçait son petit commerce au marché local de Ruiji. « C'est au marché qu'on m'a arrêtée, m'obligeant d'abandonner toute ma marchandise. Un véhicule nous emmena au kommado (poste de police) et ce fut le retour au Congo en septembre 2008. Moi qui suis entrée en Angola par le poste de Lufu, j'ai été déposée, avec ma seconde fille, à celui de Kuzi, sans ressources. Un chauffeur a eu pitié de moi et m'a permis d'arriver à Songololo. Mais, je ne sais pas rejoindre ma chère mère à Tchela, faute de moyens. J'éprouve de sérieuses difficultés pour manger ; tous mes biens sont restés en Angola». Selon elle, aucun avertissement n'a précédé l'expulsion, déclenchée depuis 4 heures du matin. « Connue comme femme commerçante, les policiers angolais ont cru que j'avais avalé du diamant. Une purge du tube digestif m'a été imposé pour cela », affirme-t-elle, dégouttée. « J'ai été menacée, tabassée, sans bénéficier des soins médicaux », ajoute-t-elle, précisant que « ce sont les soldats et les policiers angolais qui nous infligeaient ce sort. J'ai d'ailleurs été refoulée avec une blessure au pied droit, qui ne les avaient même pas émus », souligne-t-elle. « Depuis notre retour, nous n'avons aucune assistance. Il faut travailler pour des particuliers dans leurs champs pour espérer un peu d'argent ». Comme message : « Je peux faire le champs, mais, je n'ai ni outils aratoires, ni semences. Je suis allée en Angola, chercher un mieux-être. Mais, ils nous ont maltraités chez eux. Donc, si j'arrive à démarrer une activité génératrice de revenus, je reste au pays. Mais, je regrette de n'avoir pas été capable de trouver suffisamment d'argent pour m'occuper de ma mère, la faire sortir du Mayombe jusque même à Boma ou Matadi. Pour l'instant, je manque les moyens, ne serait-ce que pour quitter Songololo. Voilà pourquoi j'apprécie à sa juste valeur l'assistance de Caritas qui nous a remis des couvertures, bidons d'eau et barres de savon ».

Mlle Angèle : « La vie est partout. La richesse aussi peut se créer partout ! ». Jeune fille, la vingtaine révolue, Angèle a émigré en Angola depuis 2007 où elle faisait ses petites affaires, notamment la vente des tomates. Elle sera expulsée, sans aucun de ses biens. Expulsion émaillée de beaucoup de brutalité qu'elle dénonce : « Nous avons été expulsés en désordre à cause de leurs élections. En rentrant en RDCongo, je découvre que l'argent et la vie, c'est partout qu'on peut les avoir. Congolais et Angolais, nous sommes des frères. Mais, je déplore la manière avec laquelle ils nous ont expulsés. L'entente devrait pourtant exister entre les deux peuples. Je peux comprendre qu'on m'expulse, mais pas en désordre comme ça a été le cas de ces vagues d'expulsion des Congolais... Personnellement, je n'ai pas subi de viol. D'autres peut-être par malchance ont été violées ». Face à ce qu'elle juge de mauvaise foi de la part « des frères angolais qu'on a bien accueillis au Congo », Angèle n'a qu'une recommandation à ses compatriotes : «La vie est partout. La richesse aussi peut se créer partout. Nous pouvons créer nous-mêmes des richesses au Congo ». Elle demande alors au Gouvernement congolais de créer les conditions minimales pour cette création des richesses nationales.

Eric : «Que mes frères de Kinshasa acceptent même de vendre de l'eau à la criée au lieu de s'aventurer inutilement en Angola ». Agé d'une vingtaine d'années, Eric souligne sans ambages qu'il pratiquait l'agriculture en Angola et un peu de manutention. « Orphelin et sans soutien financier, j'ai dû interrompre les études pour aller en Angola depuis août 2007 ». Son aventure en Angola s'arrêtera brusquement en octobre 2008. « J'avais opté pour l'agriculture qui me rapportait de l'argent. Mais, je regrette les conditions inhumaines de notre expulsion, surtout de la part des frères que nous avons bien accueillis au Congo lorsqu'ils fuyaient la guerre chez eux ». Remerciant la Caritas pour le kit de voyage reçu (quatre couvertures, 2 bidons d'eau vides et 3 barres de savons), il recommande au Gouvernement congolais de faciliter la réinsertion socioéconomique des expulsés. « J'ai juste besoin des outils aratoires et des semences pour démarrer l'agriculture ». Aux autres jeunes congolais tentés par l'aventure en Angola, particulièrement ceux de Kinshasa, il lance ce message pathétique : «Que mes frères de Kinshasa acceptent même de vendre de l'eau à la criée au lieu de s'aventurer inutilement en Angola ». A la question de savoir s'il était prêt à rentrer en Angola, Eric n'hésite pas : « Ha ! Avec ce que j'ai vécu, je n'oserai plus rentrer là-bas », sourire amer en bouche. Que le Gouvernement nous soutienne, car tous nos biens sont restés là. Ici à Songololo, il faut faire le champ pour vivre. Or, on n'a pas d'outils aratoires et autres. Si j'ai ces intrants, je travaillerai très à l'aise ».

Ambroise : «Je réparais les appareils électroménagers et mon épouse s'activait dans la culture maraîchère ». La soixantaine sonnée, Ambroise commence par expliquer pourquoi il est allé en Angola : « Je suis un Enseignant de profession, mais omis de la liste de paie. Cette situation m'a poussé à aller tenter ma chance de survie en Angola, surtout que je venais de bénéficier d'une formation par correspondance en Electronique ». Ainsi, « depuis 12 ans, je réparais des appareils électroménagers en Angola, pendant que mon épouse exerçait la culture maraîchère. Tout allait bien jusqu'en ce jour d'août 2008 quand nous avons été emmenés de force au komando (poste de police) d'où nous avons été reconduits à la frontière congolaise, mon épouse et mes trois enfants. Nous avons ainsi été séparés du fruit de notre dur labeur de douze ans ». Désabusé, cet ex-enseignant invite tout simplement le Gouvernement congolais à améliorer les conditions de travail et de vie du personnel éducatif. Son cri de cœur : redorer l'image des enseignants et inciter les jeunes à exercer ce noble métier.