GENÈVE - Des experts de l'ONU* ont exprimé aujourd'hui leur vive inquiétude quant aux besoins urgents de protection et aux conditions de vie désastreuses des civils déplacés dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), riche en minérales. L'intensification des hostilités entre le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, et les forces armées de la RDC, soutenues par des milices alliées et des acteurs mercenaires et des acteurs associés, a déplacé au moins 700 000 personnes, en a tué au moins 900 et en a blessé plus de 2000 à Goma et ses alentours depuis le début du mois de janvier.
« Nous apportons notre soutien et notre solidarité les plus sincères aux centaines de milliers de personnes touchées par le conflit, dont beaucoup se trouvaient même avant le conflit actuel dans des situations de déplacement prolongé », ont déclaré les experts.
« Nous exprimons notre profonde inquiétude face aux informations faisant état d'attaques aveugles et d'assassinats ciblés de civils, notamment sur la base de leur appartenance ethnique, d'exécutions sommaires, de graves incidents de violence sexuelle liés au conflit et visant les femmes et les filles, de civils soumis à la conscription et au travail forcés, et d'arrestations arbitraires de personnes déplacées confondues avec des rebelles. Nous demandons également qu'une attention particulière soit accordée aux vulnérabilités exacerbées des peuples autochtones pygmées. Nous demandons à toutes les parties au conflit de respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit international ».
De violents combats ont eu lieu près de zones urbaines densément peuplées et de camps abritant des dizaines de milliers de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Au moins deux camps ont été bombardés. Plusieurs sites de déplacement ont été partiellement ou totalement vidés lorsque les familles ont fui le conflit, tandis que d'autres ont été fermés de force par le M23, en violation flagrante du droit des personnes déplacées à des solutions sûres, volontaires et dignes. De nombreuses personnes déplacées sont contraintes de dormir dans des tentes de fortune ou en plein air, car les camps de déplacés surpeuplés ne sont pas en mesure de faire face à l'afflux de personnes et à leurs besoins de protection.
« Malgré le récent cessez-le-feu unilatéral, les personnes déplacées n'ont plus d'abri sûr alors que la crise humanitaire dans l'est de la RDC prend une tournure profondément alarmante, dans laquelle les femmes et les filles sont représentées de manière disproportionnée », ont déclaré les experts.
« Il y a de graves pénuries de nourriture et d'abris. Il n'y a pas d'électricité ni d'eau potable, ce qui accroît le risque de flambées infectieuses dans une région sujette aux épidémies », ont-ils déclaré. « Les installations médicales sont débordées et ne peuvent pas soigner les blessés, éliminer les morts et traiter les victimes de violences sexuelles et sexistes. La situation est aggravée par le pillage généralisé des installations humanitaires et les refus d'accès à l'aide humanitaire ».
Les experts ont exhorté la communauté internationale à intensifier ses efforts et son financement pour aider le gouvernement de la RDC à protéger et à assister les personnes déplacées, tout en soulignant la nécessité de mener des enquêtes en bonne et due forme et de demander des comptes pour les violations commises, ainsi que de trouver une solution politique à long terme pour mettre fin à ce cycle de violence et de déplacement.
« Alors que la communauté internationale reste les bras croisés, des millions de Congolais déplacés continuent d'endurer des épreuves inimaginables, aspirant à la paix et à la reconstruction de leur vie », ont déclaré les experts.
« Il est impératif que les parties prenantes internationales apportent un soutien solide non seulement à la réponse humanitaire, mais aussi aux processus de Nairobi et de Luanda visant à négocier une fin inclusive au conflit, et aux efforts visant à garantir la responsabilité et la réparation des violations du droit international et des crimes contre la vie des civils, y compris par le biais de nouvelles enquêtes de la Cour pénale internationale et de la prochaine session spéciale du Conseil des droits de l'homme sur la RDC ».
Les experts ont appelé le M23 à cesser ses avancées militaires, en particulier vers Bukavu où des milliers de personnes déplacées ont trouvé refuge. Ils ont demandé à la RDC d'intensifier ses efforts pour protéger et aider les personnes déplacées, et ont fait écho à l'appel du Secrétaire général pour que le Rwanda cesse de soutenir le M23 et se retire du territoire de la RDC.
« Toutes les parties doivent retourner à la table des négociations de bonne foi, pour l'avenir de la paix et de la sécurité régionales », ont-ils déclaré.
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*Les experts : Paula Gaviria Betancur, Rapporteuse spéciale sur les droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays; Siobhán Mullally, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants Tomoya Obokata, Rapporteur speçial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences ; Balakrishnan Rajagopal, Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable ; Albert Kwokwo Barume, Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones ; Pedro Arrojo-Agudo, Rapporteur spécial sur les droits humains à l'eau potable et à l'assainissement ; Jovana Jezdimirovic Ranito (Présidente-rapporteuse), Ravindran Daniel, Michelle Small, Joana de Deus Pereira, Andrés Macías Tolosa, Groupe de travail sur l'utilisation de mercenaires ; Laura Nyirinkindi (Présidente), Claudia Flores (vice-présidente), Dorothy Estrada Tanck, Ivana Krstić, et Haina Lu, Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles ; Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences ; Alice Jill Edwards, Rapporteuse spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; Nicolas Levrat, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités ; Morris Tidball-Binz, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires, ou arbitraires; Fortuné Gaetan Zongo, Rapporteur spécial sur la situation des droits humains au Burundi; George Katrougalos, Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable
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